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N° 147 (07/05/2009). A la une: Grippe porcine: l'industrie alimentaire en cause
p. 7
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International
Europe centrale et orientale: Le tsunami bancaire et social qui vient
La plupart d’entre eux faisaient partie de la « Mitteleuropa ». Aujourd’hui, le jargon bruxellois les désigne par l’acronyme PECO. Les Pays de l’Europe centrale et orientale font face à une crise sociale qui va s’aggravant et à un lourd endettement, majoritaire-ment auprès des banques d’Europe occidentale. Dans un article à paraître dans le journal Sozialistiche Zeitung, Catherine Samary dresse un état de la situation. En voici un résumé actualisé.
Aujourd’hui, le FMI est appelé à la rescousse par l’Ukraine, la Hongrie, la Lettonie, La Roumanie, la Pologne et la Serbie. Ces pays sont confrontés à une chute de la croissance, des taux de change, à une fuite des capitaux et une crise bancaire… Les politiques d’austérité budgétaires, sous pression du FMI et de l’Union européenne (UE), produisent des crises gouvernementales. Le gouverneur de la banque centrale de Lettonie a déclaré que son économie était « cliniquement morte » après une baisse du PIB de 10,5 % au quatrième trimestre 2008 et autant pour le seul mois de janvier 2009. La population s’en est prise au parlement et au Trésor et une manifestation de plus de 10 000 personnes a tourné à l’émeute en février, provoquant la chute du gouvernement. La Hongrie (dont le PIB devrait chuter de 6 % en 2009) a demandé, avec l’Autriche, un plan d’urgence pour l’Europe de l’Est à l’UE – en vain. Business Week du 3 mars 2009 constate ainsi que « tous les pays d’Europe centrale et orientale se réveillent aujourd’hui avec une douloureuse gueule de bois, après des années de croissance par endettement largement financée par les banques occidentales ».
Une restauration capitaliste sans capital
L’implosion du « socialisme réellement existant » a ouvert la voie à la restauration du capitalisme, par le biais prioritaire des privatisations. Petit problème : ces pays ne disposaient pas de capitaux privés pour y procéder. Certains choisirent de vendre leurs meilleures entreprises au capital étranger (Hongrie, Lettonie), d’autres optèrent pour des « privatisations de masse » (par distribution ou enchères d’actions) souvent captées par l’Etat. Ce dernier pouvait ensuite devenir un vrai propriétaire, susceptible de vendre ou de démanteler les grandes entreprises. Un processus au cours duquel une partie de l’ancienne nomenklatura se recycla dans le business naissant. Pendant un temps, le maintien (détérioré) du salaire « en nature » (logements, services) a atténué, avec les lopins de terre, les explosions sociales. Mais l’ensemble s’est traduit par une montée considérable du chômage, de la pauvreté et des inégalités.Elargissement de l’Union européenne, privatisation des banques
L’élargissement de l’Union européenne (UE) fut un choix politique censé répondre aux désillusions populaires croissantes, nourries par le démantèlement de l’Etat social, et à la guerre dans les Balkans : l’intégration devait avoir vertu de pacification. La libre circulation des capitaux dans une vaste zone de libre-échange devait apporter les financements… Aussi, dans le cadre de la libéralisation des accords sur les services (AGCS), la plupart des gouvernements d’Europe de l’Est candidats à l’intégration dans l’UE – à l’exception de la Slovénie – ont perçu la privatisation de leur système bancaire par vente aux banques d’Europe occidentale comme une aubaine. Et ces dernières ont perçu l’adhésion à l’UE comme une garantie de juteuses affaires. Le contrôle du système bancaire des futurs membres fut acquis, à plus de 50 %, dès 2001. Il est aujourd’hui de 66 %.Etrangères où pas, les banques privées restent dans le vent des placements rentables et s’emparent des bénéfices immédiats d’une libre circulation de leurs capitaux. Elles ont privilégié les placements sur la dette publique, et les crédits à la consommation facilitant l’accès aux grandes surfaces des multinationales ou aux placements immobiliers. Telles ont été les bases d’un envol d’une croissance profondément déséquilibrée. Les firmes multinationales sont à la fois les principales exportatrices, mais aussi (dans la distribution, l’automobile, la téléphonie, etc.) des canaux d’importations croissantes et de rapatriement de leurs profits dans les pays d’origine. D’où une croissance marquée par l’envol du crédit et les déséquilibres de la balance courante...
Le franc suisse joue le rôle de « surprime »
Cette croissance par l’endettement connaît aussi son effet « surprime » à travers l’utilisation du franc suisse comme monnaie de financement et de refinancement de leurs prêts par les banques (autrichiennes, dont la Raiffeisen, mais aussi italienne, suédoise et française ). Ce recours a été initialement justifié par les taux d’intérêt très bas et par la tendance globalement à la baisse de la devise helvétique face à l’euro… Près de 90 % des hypothèques hongroises sont libellées en francs suisses depuis 2006 et l’on estime que 45 % de l’ensemble du marché des crédits immobiliers et 40 % de l’ensemble des crédits à la consommation hongrois sont exprimés dans cette monnaie plutôt que dans le forint national ! Or ce qui était un filon devient un piège : les taux d’intérêt du franc ont grimpé de plus de 3 % en moins de cinq ans contribuant ainsi à alourdir les remboursements des débiteurs. La chute du forint hongrois de près de 10 % face au franc en l’espace de quelques semaines a creusé d’autant la dette des Hongrois dont les revenus sont évidemment toujours libellés en forints. Et la Hongrie n’est pas le seul pays dans ce cas. A des degrés divers, la Pologne, la Croatie et la Roumanie sont aussi concernées.Les politiques d’austérité qui s’annoncent pour « assainir » les finances publiques ont déjà fait descendre 50’000 personnes dans la rue à Budapest à mi-avril. Or l’équivalent de 400 milliards de dollars de prêts occidentaux devront être remboursés cette année par les PECO…
Catherine Samary
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