L’Equateur à la croisée des chemins

L’Equateur à la croisée des chemins

Lors des élections
générales qui ont eu lieu le dimanche 26 avril 2009, les
Equatoriens ont donné un nouveau mandat de quatre ans à
leur président Rafael Correa.




Celui-ci obtient un peu plus de
55 % des voix et devance de plus de 20 points Lucio Gutierrez,
son principal adversaire, l’ancien président de droite
renversé par une mobilisation populaire en 2005.

A la tête de ce qu’il appelle lui-même un
« processus de révolution citoyenne »,
Rafael Correa a déjà gagné plusieurs suffrages
importants. Elu président fin 2006, il a remporté en
avril 2007, avec 82 % de « Oui », le
referendum sur la convocation d’élections
générales afin de désigner les membres d’une
Assemblée constituante (à l’époque tout
l’establishment et tous les médias étaient contre
lui). En septembre 2007, les électeurs ont donné la
majorité à l’Assemblée constituante aux
candidats d’Alianza Pais, le nouveau mouvement politique de
Rafael Correa, et aux partis de gauche qui soutenaient son projet. Le
texte de la nouvelle Constitution a été approuvé
par les « assembléistes » en juillet
2008, après 8 mois d’élaboration
démocratique au cours de laquelle les élus de
l’opposition ont eu tout le loisir de faire des propositions. Ce
projet de Constitution élaboré avec une grande
participation de la société civile a ensuite
été soumis à un référendum le 28
septembre 2008. Il a été approuvé par plus de
60 % des votants. Les élections du dimanche 26 avril
confirment donc le soutien populaire dont bénéficie
Rafael Correa et les partis qui lui sont alliés.

    Selon les résultats provisoires, le mouvement
Alianza Pais disposerait de 62 élus sur les 124 membres de la
nouvelle Assemblée nationale issue des élections de
dimanche. Les autres partis de gauche qui pourraient s’allier
à Correa obtiendraient ensemble une quinzaine
d’élus (7 pour le MPD (Mouvement populaire
démocratique), 5 pour les municipalistes et 4 pour Pachakutik
–Mouvement indigéniste).

    La nouvelle Constitution garantit davantage de
droits culturels, économiques et sociaux à la population.
Elle a également instauré un mécanisme
démocratique qui permet de révoquer à mi-mandat
des élus à tous les niveaux, y compris le
président de la République (c’est le cas
également des Constitutions en vigueur au Venezuela depuis 1999
et en Bolivie depuis 2009). Les changements politiques
démocratiques en cours en Equateur sont systématiquement
passés sous silence par les grands médias des pays les
plus industrialisés. Au contraire, une campagne de
dénigrement est méthodiquement orchestrée afin de
présenter les chefs d’Etat de ces trois pays sous
l’image repoussante de dirigeants populistes autoritaires.

Une expérience riche et contradictoire

Les expériences de ces trois pays andins, en termes
d’adoption de nouvelles Constitutions, sont très riches.
Elles devraient inspirer les peuples et les forces politiques des
autres pays. Il suffit de comparer la situation en Europe avec
l’absence de procédure démocratique en
matière d’adoption du Traité constitutionnel de
l’UE. Bien sûr, les expériences en cours au
Venezuela, de Bolivie et en Equateur sont aussi traversées par
des contradictions et des limites importantes qu’il faut analyser.

    Les mois qui viennent montreront si, en Equateur, le
gouvernement sera capable de prendre des mesures pour affronter les
effets de la crise internationale qui affecte fortement la population
équatorienne.

    Sur le front de la dette, depuis novembre 2008,
l’Equateur a suspendu le remboursement d’une partie des
emprunts réalisés par les gouvernements antérieurs
sous la forme de bons (les « bonos global 2012 et
2030 »). Les autorités équatoriennes ont
pris cette décision sur la base des résultats des travaux
réalisés par la Commission d’audit intégrale
de la dette publique1. Ces bons sont effectivement frappés de
nullité vu les conditions dans lesquelles ils ont
été émis. Le 20 avril 2009, le gouvernement a
proposé aux détenteurs de ces bons d’accepter une
réduction de valeur de 70 %. Leur décision est
attendue pour le 15 mai 2009.

    Personnellement comme la majorité de la
commission, j’étais partisan de mettre fin pure­ment
et simplement au remboursement de ces bons de manière
définitive et d’entamer des poursuites judiciaires contre
les responsables équatoriens et étrangers
(essentiellement de grandes banques des Etats-Unis) pour les
différents délits qu’ils avaient commis. Tout en
annonçant que des poursuites judiciaires seraient
engagées, les autorités équatoriennes, dont
c’était bien sûr leur droit le plus strict, ont
choisi une voie plus modérée (à l’image de
ce que l’Argentine a réalisé entre 2002 et 2005).
L’avenir dira si cette voie permettra d’alléger
durablement le poids du remboursement de la dette, mais rien
n’est moins sûr.

    Il n’en reste pas moins que, jusqu’ici,
le gouvernement équatorien est le seul gouvernement au monde
à avoir entrepris au cours des années 2000 un audit
intégral de la dette publique avec une large participation
publique. Le fait que d’autres gouvernements n’aient pas
encore suivi cette voie a constitué un frein pour les
autorités de Quito, car elles ont craint d’être
confrontées à un isolement international. Une nouvelle
crise de la dette publique est en gestation comme conséquence de
la crise internationale initiée dans les pays du Nord en 2007.
Dans les mois et les années qui viennent, de nombreux pays vont
rencontrer de grands problèmes de remboursement. C’est
pourquoi il est important d’adopter une attitude ferme pour
défendre le droit des peuples face aux diktats des
créanciers.


Éric Toussaint
Président du CADTM (Comité pour l’abolition de la dette du tiers-monde)