La chasse aux pauvres est ouverte !

La chasse aux pauvres est ouverte !

A l’heure où la crise
économique risque d’aggraver encore les conditions de vie
des milieux populaires et qu’une récente étude de
l’Université de Berne nous apprend qu’une personne
sur cinq en Suisse doit recourir à l’aide sociale,
notamment en raison d’un salaire insuffisant ou du chômage
longue durée, les autorités de plusieurs cantons ne
trouvent rien de mieux à faire que d’aggraver la
stigmatisation dont sont victimes celles et ceux qui se retrouvent
à l’aide sociale. Elles mettent en place des
« inspecteurs sociaux », faisant ainsi croire
que le scandale est celui des « abus à l’aide
sociale », alors même qu’il réside dans
l’appauvrissement touchant un nombre de plus en plus
élevé de personnes dans ce pays !

Dans le canton de Vaud, selon un rapport de novembre 2008 du
Département de la santé et de l’action sociale
dirigé par le conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard, le
nombre mensuel de dossiers « revenus d’insertion
(RI) » est passé de 11 013 en 2006 à
11 786 en 2008 et le nombre mensuel moyen de personnes
bénéficiaires, dans cette même période, de
20 050 à 21 184. Et nous étions encore dans
une période de croissance économique…

    La chasse aux abus, repris de la propagande de
l’UDC, va de pair avec la tentative de nous faire croire que,
lorsqu’on est exclu du monde du travail, c’est avant tout
de notre responsabilité : trop paresseux, pas assez fait
preuve d’initiative personnelle ou de flexibilité pour
retrouver du travail, ou enfin simplement malhonnêtes, car
désireux d’abuser de la protection sociale. Une fois ces
présupposés admis, toute mesure visant à renforcer
le pouvoir de l’Etat-fouineur contre les
bénéficiaires de l’aide sociale apparaît
comme légitime.
    Ainsi, sous l’égide du conseiller
d’Etat socialiste Maillard, une modification de la Loi sur aide
sociale vaudoise (LASV) a été proposée, permettant
aux autorités d’obtenir auprès de
l’administration cantonale des impôts tous les
renseignements sur la situation fiscale des bénéficiaires
de l’aide sociale, sans qu’ils l’aient dûment
autorisé en signant une procuration. Dans la même veine,
une « procuration générale »
obligatoire a été introduite en 2008, permettant aux
autorités administratives, communales et cantonales,
d’obtenir toutes les informations sur la sphère
privée des personnes touchant le revenu d’insertion (RI).

    Pierre-Yves Maillard prétend par là
couper l’herbe sous les pieds de l’UDC, endossant de fait
une politique de suspicion systématique à
l’égard des personnes mises au bénéfice du
RI. La Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal,
suite à un recours déposé par une
bénéficiaire du RI, vient de la juger contraire à
la protection de la vie privée (arrêt du 20 février
2009). La recourante avait écopé une réduction de
25 % de son forfait RI suite à son refus de signer cette
« procuration générale ». 1110
francs par mois (c’est le montant du RI) moins 25 %, cela
fait 833 francs : pas de quoi partir se la couler douce aux
Bahamas comme Marcel Ospel… Ce jugement est à
saluer ! Espérons toutefois que le conseiller
d’Etat socialiste ne reviendra pas à la charge avec une
procuration générale édulcorée !

    Lorsqu’une menace plane sur le secret bancaire
qui protège les riches fraudeurs, la défense de la vie
privée est invoquée de manière quasi
hystérique par les milieux dominants, avec le soutien de la
conseillère fédérale socialiste Micheline
Calmy-Rey (à tort d’ailleurs, puisque les inspecteurs du
fisc sont de toute manière liés par le secret de
fonction, avec ou sans secret bancaire). Bien évidemment,
lorsque les plus riches ne sont pas concernés, les scrupules
concernant la protection de la vie privée s’envolent comme
par magie…

Hadrien Buclin