Manif du 18 avril à Genève: faut-il vraiment combattre le racisme ?

Manif du 18 avril à Genève: faut-il vraiment combattre le racisme ?



Lutter contre le racisme est à
la fois présenté comme un signe de civilité et une
évidence. Mais est-ce vraiment important ? En effet, de
la parole aux actes il y a parfois un abime. Pourquoi ?
D’autres actions seraient-elles
« prioritaires » ? La lutte contre la
crise, par exemple, contre la mondialisation capitaliste ou, dans un
registre très différent, la valorisation des
références identitaires ?

Personne ne s’intéresse au « lonely
wolf » des sectes néo­nazies, au guerrier
solitaire qui « assure l’existence de son peuple et
un futur pour les enfants blancs ».1 Sur le
web, les fascistes recourent habilement à la rumeur et soignent
une image d’identitaires propres sur eux sans pour autant faire
mystère de la vision du monde qu’illustre leur totem, le
loup blanc.2

    A la ville, ils s’affairent dans les
partis nationalistes et la campagne islamophobe. Ainsi, les Jeunesses
identitaires genevoises ont publiquement annoncé leur
participation à la diffusion du tract islamophobe « Ni
voilée-ni violée » qui vient de valoir de
lourdes peines en France au président d’honneur des
Jeunesses identitaires, Philippe Vardon et à d’autres
militants.3 Il est permis de se demander si à
Genève par exemple le Procureur général Zappelli
témoigne autant de zèle à réprimer cette
forme-là de racisme qu’il en déploie dans la lutte
contre l’antisémitisme.4

Allemagne 2009 –« Skin or die » 1998

A l’occasion d’une conférence de presse, le ministre
de l’Intérieur allemand, Wolfgang Schäuble
réagissait en mars 2009 au massacre qu’a commis un jeune
amateur de jeux vidéos.

    Il s’effrayait d’une enquête
qu’a effectuée l’Institut de recherches en
criminologie (KFN) de Hanovre. Selon elle 4,3 % des
adolescent·e·s interrogés se sont dits fortement
antisémites; 4,9 % ont affirmé appartenir à
un groupe d’extrême droite et 14,4 %
– un·e adolescent·e sur sept –
se sont déclarés « très
racistes ». Près de 30 % estiment
qu’« il y a trop d’étrangers en
Allemagne ».5

    Il y a douze ans déjà, le
réalisateur Daniel Schweitzer et ACOR SOS Racisme
s’efforçaient, sans grand résultat, de susciter une
prise de conscience de ce danger de la part des autorités et de
la société civile. En 2004, ACOR SOS Racisme constatait
« qu’on récolte ce qu’on sème,
depuis vingt ans les autorités présentent
étrangers et requérants d’asile comme des
profiteurs ou des délinquants. Une génération a
grandi avec cette propagande, peut-on s’étonner
qu’une partie de cette dernière y
adhère ? »6

Clash des civilisations et refonte de l’ordre mondial

Paru en 1997, Le clash des civilisations, le livre qui a assuré
à Samuel P. Huntington sa célébrité, est
régulièrement dénoncé comme encourageant
les propagandes nationalistes. L’a-t-on lu ? Que
dit-il ?

 « Les trois questions
suivantes résument les efforts de l’Occident sur la
scène internationale : 1) le maintien de sa
supériorité militaire par les politiques de
non-prolifération et de contre-prolifération des armes
nucléaires, biologiques et chimiques et des moyens de les
utiliser; 2) la promotion des valeurs politiques et des institutions
occidentales en pressant les autres sociétés à
respecter les droits humains tels qu’ils sont conçus
à l’Ouest et à adopter la démocratie
à l’occidentale; 3) la protection de
l’intégrité culturelle, sociale et ethnique des
sociétés occidentales par la restriction du nombre des
non-occidentaux admis comme immigrants ou réfugiés
».7

    On relèvera la précision de
l’énoncé. Les droits humains et
démocratiques sont évidemment dotés d’une
signification universelle. Ce n’est pas à eux que se
réfère Huntington. Il se limité aux formes que
l’Occident impose par la violence de ses armes, par la pression
et par le racisme.

    Dans cette même veine, le Conseil
fédéral, pour sa part, s’oppose depuis le 15 mai
1991 à l’attribution d’autorisations de
séjour aux « ressortissants des pays qui
n’ont pas les idées européennes (au sens
large) ».

Tous unis contre le racisme et la xénophobie, le 18 avril à Genève !

«  Le fanatisme, la haine, les préjugés, voici les
horribles symptômes d’une maladie dont
l’humanité a toujours souffert, partout dans le monde. Le
racisme peut, doit et sera mis en échec.» (Kofi Annan,
2001).

    En Suisse, L’UDC et consorts continuent
à alimenter haine et suspicion; la majorité du Parlement
refuse d’invalider l’initiative islamophobe anti-minarets;
le Conseil fédéral durcit une nouvelle fois les lois sur
les étrangers et sur l’asile alors que dans notre monde
les personnes contraintes de fuir leur pays pour cause de
persécution, de misère ou de crise écologique
n’ont jamais été aussi nombreuses
qu’aujourd’hui !

    Au 28 mars 2009, cet appel à manifester est
lancé par de nombreuses organisations. S’y retrouvent des
partis, des syndicats, des mouvements de défense des droits
humains et des mouvements de soutien aux peuples opprimés,
colonisés, niés. Et notamment le Forum des Tamouls en
Suisse et de nombreux mouvements de défense des droits des
Palestinien·ne·s.

    Rejoignez-les pour manifester avec : ACOR/SOS
Racisme, Aide Sanitaire suisse aux palestiniens (ASSP), Association
Forum des Tamouls en Suisse, APA Latino, Association Aipazcomun, Centre
de Contact Suisses-Immigrés-Genève (CCSI), CCSI/SOS
Racisme-Fribourg, Centre Europe-Tiers Monde (CETIM), Collectif autonome
des immigrés Fribourg, Collectif DiverCité, Collectif des
Musulmans de France CMF, Collectif de soutien aux sans-papiers,
Collectif des travailleurs sans statut légal, Collectif
« Les Voies de la Résistance » de
l’agglomération annemassienne, Communauté genevoise
d’action syndicale (CGAS), Coordination contre l’exclusion
et la xénophobie – StopEx, Coordination contre le Racisme
et l’islamophobie CRI, CUP-Genève, CUP-Nyon-La Côte,
Droits pour tous, Femmes en noir, Gauchebdo, Groupe d’Action
Municipale Gaillard Bouge!, GSsA, L’autre Syndicat,
LSDH-Genève, LSDH-Vd, Les socialistes GE (PSG), Les Verts GE,
Luzerner Asylnetz, Mesemrom, Mouvement des Indigènes de la
République (MIR), Ras l’ front du voironnais, SIT,
solidaritéS, Solidarité sans frontières, SOS
Rassismus Deutschschweiz, Syna, Unia, United Black Sheep, ainsi que
plusieurs ONG participant au Forum de la société civile
(Ismun, Interfaith International, RADDHO, World against racism et Badil
Resource Center for Palestinian Residency and Refugee Rights, Boycott,
Divestment & Sanctions Campaign National Committee (BNC), DAR,
IJAN, et Ittijah).

Karl Grünberg

ACOR SOS Racisme


 1   
« We must secure the existence of our people and a future for
white children » (Nous devons assurer l’existence de notre
peuple et un futur pour les enfants blancs), slogan-mot de passe des
naziskins, forgé par David Lane (1938-2007), organisateur
d’Aryan Nations au Colorado.
2    CH Novopress.info, 15 mars 2009, « Qui nous
sommes, ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons »
http://ch.novopress.info/?p=3046.
3    Jeunesses identitaires Genève, http://jigeneve.romandie.com/archives/3879/200606.
4    La Tribune de Genève, 13 mars 2009, Site web
antisémite. Internaute genevois arrêté.
5    09 03 17 Le Matin, De nombreux jeunes Allemands sont racistes et dépendants des jeux vidéos.
6    Le Courrier, 7 janvier 2004, La violence raciale se
manifeste toujours plus entre jeunes Propos recueillis auprès
d’ACOR SOS Racisme par Didier Estoppey.
7    Samuel P. Huntington, The clash of civilizations
And the remaking of world order, Simon & Schuster, London, 1997.
pp. 185-186 : Traduction KG.