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N° 144 (19/03/2009). A la une: Secret bancaire: les gnomes de Zürich à la manoeuvre
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Vaud
Nouvelles de l’âge glaciaire lausannois
On ne sait plus très bien si cela s’appelait le Red Bull Crashed Ice Lausanne ou encore le Ice Cross Downhill et peu importe : il s’agissait surtout pour la firme produisant cette boisson énergisante à base de sucre, de caféine et de taurine (aux effets douteux dans tous les sens du terme) de se faire un coup de pub majeur. La Municipalité de Lausanne avait accepté le projet, assurant la mise à disposition gratuite de l’espace public pour cette opération de marketing. Une piste de glace de 400 m de long et 5 m de large fut donc installée, reliant la place du Château à celle de la Riponne. 180 km de tuyaux pour réfrigérer 200 000 litres d’eau, la consommation en énergie de 16 ménages durant un an, des travaux de nuit et bruyants durant près de deux semaines : pas de doute on était en plein développement durable à la sauce Brélaz.
La quasi-unanimité du Conseil communal lausannois critiqua avec virulence cette manifestation appelée « ére glaciaire au bord du Lac Léman » par le site de la Ville. La droite témoigna d’une conscience écologiste aussi féroce que récente et faillit même verser dans l’anticapitalisme, lorsqu’elle condamna le mercantilisme de la manifestation. Même les critiques justifiées d’A Gauche toute ! n’ébranlèrent pas le municipal chargé de défendre l’opération, le popiste Marc Vuilleumier, chargé des Sports. Courageux, mais pas téméraire, le PS lausannois s’en remit pour sa part au jugement du public.
Les jeux du cirque attiraient la foule à Rome. La performance des « descendeurs-patineurs » sur leur toboggan de glace aussi. Sûrement pas les 40’000 personnes annoncées triomphalement par l’organisateur, mais au-delà des 20’000 prévues. A tel point que la légèreté du dispositif de sécurité encadrant cette foule donna rétrospectivement des sueurs froides. On a effet connu une police lausannoise autrement plus pointilleuse lors de manifestations différentes, politiques par exemple. Qui il est vrai, ne célébraient pas les noces sacrées du fric et du « sport ».
Faut-il conclure de ce « succès populaire » que l’opposition politique à cette manifestation était erronée et que selon le vieil adage : « vox populi, vox dei » ? Nullement. L’ex-Paris-Dakar était et reste une ânerie à tous points de vue, succès populaire ou pas. Il en va de même du Crashed Ice du limonadier autrichien, « honoré » ou non de la présence du champion Stéphane Lambiel. Car ce qui est fondamentalement critiquable dans ce cas, c’est trois choses. D’abord la promotion d’une forme d’amusement des foules reproduisant les vieux poncifs du néolibéralisme (la compétition virile, l’élimination des autres par la force, etc.); ensuite la légitimation, sur le plan de l’utilisation des ressources, d’une attitude irresponsable : si c’est « fun », si ça fait « bouger Lausanne », tout est permis; enfin une conception des loisirs et des divertissements à mille lieues de tout projet émancipateur – donc critique à l’égard de la marchandisation du temps libre – et susceptible d’amener les hommes et les femmes à construire eux-mêmes
leur avenir. Une conception qui s’appelle l’éducation populaire. Pas vraiment la tasse de thé de la Municipalité rose-verte.
Daniel Süri
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