Vente d’Edipresse Suisse à Tamedia : NON à un

Vente d’Edipresse Suisse à Tamedia : NON à un
empire de presse dévoreur de diversité et
d’emplois !

L’annonce, le mardi 3 mars, du
rachat d’Edipresse Suisse par le groupe Tamedia a fait
l’effet d’une bombe dans le landerneau et laissé
presque sans voix les salarié·e·s
concernés. Il faut dire que ce rachat constitue une
concentration gigantesque à l’échelle de la Suisse
et de la branche des médias. Un point de vue syndical clair et
offensif s’impose donc !

En acquérant en trois phases, dont la première commencera
le 1er janvier 2010, Presse Publications Suisse romande (PPSR), la
société qui coiffe les activités suisses du groupe
Edipresse, le groupe Tamedia va devenir le premier éditeur du
pays, devant Ringier Suisse, tant pour les quotidiens que pour les
magazines, et le premier imprimeur de presse en Helvétie. Ce
fait est occulté par les dirigeants des deux groupes
bientôt fusionnés comme s’ils voulaient masquer un
peu benoîtement la position dominante que la nouvelle entreprise
va occuper sur le marché.
    Usant des mêmes euphémismes, les
commentaires de presse ont été lénifiants, voire
insipides, à quelques rares exceptions près, quand ils
n’ont pas porté tout simplement la « voix de
son maître » à l’instar des titres
d’Edipresse, démontrant ainsi la perte totale de leur
indépendance rédactionnelle vis-à-vis de
l’éditeur.
    Dès la nouvelle connue, comedia a pris des
positions critiques très fermes et a organisé à la
hâte un piquet devant le siège de Tamedia à Zurich
le mardi après-midi même pendant la deuxième
conférence de presse des dirigeants (la première avait eu
lieu le matin au siège d’Edipresse). Voici en trois points
le résumé du point de vue syndical. 
 

Menace très grave pour la diversité de la presse…

Une telle concentration dans des mains privées représente
une menace sérieuse pour la diversité de la presse et le
respect des pluralités culturelles et politiques. En effet, un
groupe de cette taille, ayant à disposition une grande puissance
financière et une grande capacité de diffusion de
Genève à Romanshorn, sans aucun contrôle
démocratique et sans contre-pouvoir effectif, pèsera de
tout son poids sur les contenus rédactionnels de
l’ensemble de ses vecteurs d’information : presse
écrite, en ligne, radios et télévisions locales et
autres supports multimédias. C’est là un enjeu
démocratique pour toute la société civile !
    La « logique »
présidant cette concentration étant l’accumulation
et la recherche de la profitabilité maximum à court terme
(l’objectif avoué est d’atteindre de 15 à
20 % de rentabilité !), elle ne pourra se faire
qu’au détriment de la qualité du travail, du
respect tangible de la déontologie des médias et des
effectifs du personnel.
    Privilégiant le
« localisme » et le
« people », les titres et autres supports
médiatiques ne pourront que s’appauvrir à terme,
confiant les rubriques consacrées à l’info
nationale, internationale, économique, sportive et culturelle
à de très petites équipes « mises en
synergie » et arrosant l’ensemble du groupe Tamedia.

… et pour les emplois !

Quant aux emplois, sans peindre le diable sur la muraille, des menaces
très sérieuses de suppressions de postes importantes se
profilent, par restructurations successives, tant dans les
rédactions que dans les secteurs techniques, les
départements commerciaux et administratifs. En effet,
l’annonce a été faite clairement par le
nouveau groupe : il vise des « synergies
potentielles entre les deux entreprises de 30 millions par an
jusqu’à fin 2012 », soit 120 millions au
total, et cela signifie forcément des coupes à la hache
dans le personnel.
    Il faut rappeler au passage qu’en six mois
Edipresse a déjà
« anticipé » et supprimé plus
de 90 emplois depuis fin août 2008 dont 64 au moins par
licenciements secs !
    Vingt nouvelles suppressions d’emplois ont
déjà été annoncées avec la fusion
des gratuits.

Violation des obligations patronales

La main sur le cœur, les dirigeants d’Edipresse et de
Tamedia ont promis « transparence »,
« dignité » et « bonne
gouvernance ».
    Or, ils ont totalement violé leurs
obligations d’employeurs. En effet, tant les conventions
collectives de travail en vigueur (la CCT romande des journalistes et
le CCT national des arts graphiques) que la Loi fédérale
sur la participation imposent aux employeurs le respect d’une
procédure préalable d’information, puis de
consultation des représentants des
salarié·e·s AVANT toute décision majeure
impliquant la marche des affaires et la structure de l’entreprise
et leurs conséquences pour l’emploi et les
salarié·e·s.
    De même, la déontologie des
journalistes impose aux éditeurs une telle procédure
d’information et de consultation préalable. Le Conseil
suisse de la presse – dont les éditeurs font maintenant
partie – a rappelé récemment ces obligations
à propos d’une fusion identique (à la RTSI).
Là, également, les éditeurs concernés se
sont moqués de leurs devoirs.
    Que les dirigeants du futur mammouth
médiatique s’assoient sur les droits fondamentaux de
celles et ceux qui produisent la richesse sociale démontre le
mépris dans lequel ils tiennent leurs
salarié·e·s et ne présage rien de bon pour
la suite !

Bruno Clément

Secrétaire régional de comedia

(article à paraître dans M-Magazine,

journal de comedia)