Premier congrès interrégional de solidaritéS

Premier congrès interrégional de solidaritéS
Vers la construction d’une organisation nationale

Les 14 et 15 mars derniers, les mouvements solidaritéS de
Genève, Neuchâtel, Vaud et Bâle ont tenu un premier
congrès interrégional en présence d’une
soixantaine de délégué·e·s et
d’une douzaine d’invité·e·s.

Jusqu’ici, chacun de nos mouvements s’est
développé principalement à l’échelon
local, cherchant à conjuguer une réelle implantation
régionale avec une volonté de développer un projet
national, lié à celui de la gauche anticapitaliste
européenne. Après des années de travail en commun
autour de forums socialistes de discussion, de la prise en charge
d’un bimensuel, de diverses initiatives politiques conjointes et
d’échanges réguliers au sein d’une
coordination interrégionale, il était temps de franchir
une nouvelle étape dans la construction de solidaritéS.

Une base programmatique commune

Ce congrès a permis d’adopter une résolution
générale sur la nature actuelle du capitalisme, le sens
d’un positionnement anticapitaliste et la nécessité
de redessiner un horizon socialiste pour le 21e siècle. Le texte
mis en discussion, publié dans nos colonnes le 26 juin 2008
(n° 130), a donné lieu à des échanges nourris.
Il a été voté en tenant compte d’une motion
complémentaire, intitulée « La crise
imprégnera toutes les activités humaines »,
qui visait à actualiser le débat en tenant compte de la
profondeur exceptionnelle de la crise en cours. Cette motion
prévoit notamment l’organisation de débats de fond
sur la nature et la signification de cette crise avec d’autres
forces et courants se réclamant de l’anticapitalisme au
sens large.
    Par ailleurs, l’adoption de cette
résolution générale et de la motion
complémentaire sur la crise a été
complétée par le vote de deux résolutions sur les
dimensions écosocialiste et féministe de notre projet
politique. Sur le premier point, le débat a porté
notamment sur les questions du réchauffement climatique, de la
décroissance, de la « simplicité
volontaire », de la souveraineté alimentaire, de la
défense du monde animal, et plus généralement de
la réduction du temps de travail et du contenu même du
travail. Sur le féminisme, plusieurs échanges ont
tourné autour des transformations en cours de la famille, du
congé parental et de la coresponsabilité éducative
des hommes, sur les femmes migrantes, sur l’homosexualité,
etc.) Ces résolutions ont suscité des débats
intéressants qui seront approfondis lors de forums socialistes
à organiser dans les mois à venir. En attendant, les
lignes générales de tous ces textes ont été
acceptées par le congrès.
Priorités d’intervention
Une partie de nos travaux a été consacrée à
la discussion de nos principaux chantiers d’intervention dans la
période à venir. Une priorité a été
donnée à la question du salaire minimum et de la lutte
pour un « bouclier social » face à la
crise. La question fiscale prendra en particulier une importance
considérable, compte tenu des dettes colossales
contractées par la plupart des Etats pour venir au secours des
banques et de certains secteurs industriels. Plusieurs interventions
ont souligné aussi l’importance d’une lutte
résolue contre l’impérialisme suisse (contre le
secret bancaire et l’action des multinationales
helvétiques à l’échelle mondiale). Un
amendement a été voté notamment visant
l’implication de nos mouvements dans les mobilisations
altermondialistes à venir, en particulier contre l’OTAN en
avril prochain et le WEF en janvier 2010.
    Nos discussions ont abordé aussi les
engagements de solidaritéS sur les terrains électoral et
institutionnel. Un accord s’est dégagé pour refuser
toute forme de programme électoral, parlementaire ou
gouvernemental avec les partis socialiste et vert, dont les politiques
sont de plus en plus dominées par une orientation
sociale-libérale et sécuritaire. Cette
délimitation programmatique n’exclut pas, bien entendu, la
recherche d’accords sur des mesures concrètes,
ponctuelles, que nous entendons, dans toute la mesure du possible,
faire assumer aux socialistes et aux Verts. Elle n’exclut pas non
plus des accords techniques, sur le plan électoral, pour faire
face à des quorums antidémocratiques.

Une organisation pluraliste et démocratique

Ce congrès a aussi souligné le caractère
stratégique de nos alliances avec les autres forces
anticapitalistes, qui s’oppose au caractère tactique et
ponctuel des accords que nous pouvons passer avec les Verts et les
socialistes. Cela dit, de nombreuses interventions ont souligné
l’importance d’une culture organisationnelle qui rejette le
verticalisme et les arguments d’autorité, qui respecte les
divergences et les minorités, parce qu’elle est la seule
garantie d’une prise en compte des contradictions du monde
réel dans l’élaboration démocratique des
décisions de notre mouvement. De ce point de vue, la convergence
avec d’autres forces anticapitalistes ne peut en aucun cas se
satisfaire d’accords programmatiques si elle ne concorde pas sur
une conception démocratique du travail organisationnel.
    Enfin, ce congrès s’est conclu par
l’élection d’une Coordination interrégionale
de 14 membres, dont les tâches seront considérables, pour
oeuvrer au développement de notre mouvement, à sa
formation politique, à la conduite des campagnes communes que
nous avons décidées, à l’élaboration
de statuts nationaux, à la préparation d’un
débat systématique sur les conditions de notre action
parlementaire (appui à nos élu·e·s, charte
les liant aux décisions du mouvement, révocation possible
en cas de divergences importantes, etc.) Dans ce cadre,
l’opportunité de participer à des exécutifs
devrait être débattue et des options claires à ce
propos arrêtées. Rendez-vous a été pris pour
un second congrès dans les dix-huit mois à venir…

Jean Batou