35 millions pour les entreprises, rien pour le social

35 millions pour les entreprises, rien pour le social

Depuis le début de
l’année, les licenciements se multiplient dans le canton.
Dans un premier temps, ce sont les intérimaires qui ont vu leurs
contrats non renouvelés, ce qui a pratiquement passé
inaperçu. Mais les annonces de licenciements occupent
régulièrement les colonnes des journaux.

Quand il s’agit de petites entreprises sous-traitantes,
l’annonce est faite pratiquement sans commentaire, mais de grands
groupes prestigieux commencent maintenant à tailler dans les
effectifs du personnel stable et en place depuis de nombreuses
années.

Rien pour les bas salaires ou la prévoyance sociale

Le Conseil d’Etat s’inquiète à juste titre et
annonce un « plan de relance » de 35
millions, dont 24 seraient disponibles en 2009; le Grand Conseil est
invité à se prononcer lors de sa prochaine session, fin
mars. C’est un plan destiné à soutenir les
entreprises : 10 millions pour cautionner des prêts
bancaires ou prendre en charge des intérêts, 10 millions
pour prendre en charge les salaires de personnes qui ne pourraient plus
être au chômage partiel, 4 millions pour un programme
énergie (cf. solidaritéS n° 142).
    Le Conseil d’Etat renonce explicitement
à des mesures de soutien au pouvoir d’achat, telles que
l’augmentation des subsides Lamal ou la réduction de la
fiscalité pour les bas revenus. Il y renonce par crainte de voir
ces aides dépensées hors du canton. Pour la relance du
pouvoir d’achat des Neuchâtelois·e·s, il
compte sur les programmes faramineux – chiffrés en
centaines de milliards de dollars – des Etats-Unis ou des membres
de l’Union européenne, avec l’espoir que leurs
résidents profiteront de ces soutiens pour acheter des montres
suisses…

Un plan socialement aveugle

Ces mesures d’aide aux entreprises annoncées par le canton
– même si leur montant peut paraître dérisoire
– seront une pierre de plus dans l’édifice des
mécanismes qui conduisent à l’augmentation des
inégalités, qui se développent depuis trente ans;
comme d’habitude ce sont les propriétaires et les
actionnaires qui en profiteront en premier lieu. Elles font payer deux
fois la crise au monde du travail : d’abord, il subit les
licenciements et le chômage; ensuite, c’est lui qui paie,
par ses impôts, les subsides aux entreprises. Pas étonnant
que ce plan soit bien accueilli par le président de la Chambre
neuchâteloise du commerce et de l’Industrie, pour qui
« ces mesures sont bienvenues et plutôt bien
adaptées », ce qui ne l’empêche pas de
rajouter : « Une baisse de la fiscalité,
notamment pour les entreprises, est néanmoins
indispensable. »

    Dans le projet du Conseil d’Etat, on ne trouve
aucune trace de conditions mises aux entreprises
bénéficiant d’un soutien, ni interdiction de
licencier, ni présentation des comptes pour voir où sont
allés les bénéfices des années
passées, ni contrôle de la rémunération des
dirigeant·e·s, pas même affiliation à une
convention collective signée avec les syndicats ou garantie de
salaires minimaux. Une promotion de l’économie
aveugle… à la justice sociale.

Défendre le monde du travail

Aujourd’hui la crise du capitalisme apparaît sans fard.
SolidaritéS refuse toute mesure destinée à sauver
ce système en courant au secours des banques et des entreprises.
Nous estimons qu’il serait à la fois plus juste et plus
réaliste :

• D’augmenter les revenus des plus faibles (notamment par
l’introduction d’un salaire minimum légal,
d’un prolongement du droit aux indemnités de
chômage, d’un élargissement des
bénéficiaires des subsides Lamal, d’un renforcement
des bourses d’étude, de l’AVS, etc.) pour leur
permettre de maintenir leur pouvoir d’achat sans s’endetter.

• D’investir dans la formation à tous les niveaux;
soutenir celles et ceux qui veulent rester ou retourner sur le
marché du travail.

• D’améliorer les services publics et d’y
engager du personnel, en particulier dans les hôpitaux, les
crèches et l’enseignement.

La crise, telle que le Conseil d’Etat l’aborde, enfoncera
les plus défa­vorisé·e·s en les
renvoyant, qu’il le veuille ou non, à l’aide
sociale. Depuis 4 ans, le canton s’est lancé dans un
projet de réinsertion des jeunes à l’aide sociale,
programme laborieux aux maigres résultats. Aujourd’hui,
les nombreuses personnes, jeunes et moins jeunes, hors du marché
du travail et du chômage, voient s’éloigner encore
un peu plus la perspective d’une réinsertion.
SolidaritéS a pour sa part redéposé son projet de
loi sur la promotion de la formation professionnelle et de
l’emploi, qui propose notamment un droit à la formation,
à un stage rémunéré ou à un emploi
pour toute personne qui souhaite sortir de l’aide sociale ou ne
pas y tomber. 

    Tous les secteurs, dans le social et la culture, qui
émargent aux subsides de l’Etat sentiront eux aussi passer
le vent de la crise. Un mouvement social fort sera le seul antidote
permettant de s’opposer au démantèlement
programmé.

Henri Vuilliomenet