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N° 142 (20/02/2009). A la une: Salaire minimum: initiative validée à Genève
p. 8
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National
Financement de l’AI: manœuvre dilatoire du Conseil fédéral
Fin janvier, le Conseil fédéral, suite aux pressions de la droite et du patronat, a renvoyé à fin septembre le vote sur la hausse de la TVA comme financement additionnel de l’AI…
En juin, les Chambres avaient voté ce projet avec une hausse de TVA de 0,4 %, pour une durée de 2010 à 2016, et la création d’un Fonds de compensation séparé de l’actuel Fonds AVS/AI. Seule l’UDC l’avait refusé. Ce compromis, durement négocié après un premier refus au National, répondait pour une part aux engagements du Conseil fédéral lors du vote sur la 5e révision de l’AI. Cette nouvelle reculade ouvre la possibilité d’une intervention des Chambres sur ce dossier, repoussant encore le financement urgent de cette assurance sociale. L’entrée en vigueur des nouvelles dispositions en janvier 2010 est en tout cas compromise !
Déficit de l’AI : un levier de pression sur les assurés
Les associations défendant les personnes handicapées ont réagi le jour même contre cette décision « catastrophique », car elle fait perdurer la double pression de la crise économique et de l’assainissement de l’AI via la réduction des prestations.Rappelons que le déficit de l’AI n’a pas toujours été important. Depuis sa création en 1960 jusqu’en 1975, l’AI était en équilibre. Ensuite jusqu’en 1990, le déficit a pu être éliminé en deux ans avec l’augmentation du taux de prélèvement sur les salaires. Mais avec la crise des années nonante, l’augmentation de demandes de prestations, sans compensation suffisante en recettes, a plongé l’AI dans un déficit structurel croissant, de 12 milliards en 2008. C’est sous la pression de ce « trou » que les personnes handicapées ont été suspectées d’abus et que les prestations ont été réduites depuis des années.
Bataille sur la TVA
La décision du gouvernement s’inscrit dans la bataille autour de la TVA. En effet, comme mesure anticrise, Doris Leuthard avait annoncé (16.1.09) une possible baisse momentanée du taux de TVA dont le maximum constitutionnel (7,6 %) est atteint. Rappelons qu’il y a trois taux d’imposition : le taux normal de 7,6 %, un taux de 2,4 % pour les biens de première nécessité et de 3,6 % pour les secteurs de l’hébergement, alimentation, culture, sport, santé, formation et restauration. Les problèmes de délimitation, plus 25 exceptions, compliquent la gestion. Les quelques simplifications dans l’ordonnance OLTVA de 2006, insuffisantes, ont conduit le Conseil fédéral à son message de 2008 : une refonte de la LTVA simplifiée, un taux unique de 6,1 % et la suppression de la plupart des exceptions, y compris dans le social et la santé.Pour les ménages, malgré la « neutralité » annoncée par Merz, on verrait une hausse, liée aux domaines ayant à ce jour un taux réduit. Une aide pour 40% des ménages aux revenus les plus faibles devrait corriger la surcharge. Avec pour les finances publiques une perte de 5 % (sur 19 milliards). Mais, avant la mise en place de la nouvelle loi, la baisse de la TVA actuelle reste à l’ordre du jour, dans le cadre des baisses d’impôts préconisées par la droite comme mesures de relance.
« Au nom de la crise »
Le hold-up sur les finances fédérales et sur la Banque nationale pour « sauver l’UBS » n’a pas suscité de la part du Conseil fédéral autant de « prudence » que le financement urgent de l’AI ! Alors que depuis plus de dix ans, la situation financière de l’AI se détériore, aucune mesure n’est prise sauf celles visant les prestations. Par contre, 15 jours après avoir fixé la date de la votation sur le financement de l’AI, le Conseil fédéral invoque la crise pour repousser le verdict populaire, sous pression des milieux patronaux. Les libéraux-radicaux trouvent « sage » cette décision de donner au Parlement l’occasion de débattre à nouveau de la réforme et de sa date d’entrée en vigueur (sic !), alors que l’UDC et l’USAM saluent un pas dans la bonne direction! Pour la faîtière des PME, « un assainissement de l’AI par l’apport de recettes supplémentaires est exclu au cours des prochaines années ».Problèmes d’application de la 5e révision de l’AI
Une récente enquête sur mandat de l’OFAS s’est occupée pour la première fois en Suisse de la gestion du handicap (GH) dans les entreprises. Le rapport relève une dotation en personnel de la GH insuffisant (1 poste pour 1717 employé·e·s). Les recommandations pour l’AI sont de raccourcir les procédures, d’améliorer la collaboration des offices AI avec la GH, de conseiller et de soutenir les entreprises. Si le principe d’une aide publique aux entreprises peut à la rigueur être envisagé pour favoriser la réinsertion professionnelle des personnes handicapées, la moindre des choses serait d’assurer en contrepartie de leur part un soutien au financement de l’AI ! Le comble c’est lorsque les employeurs refusent le principe d’un quota pour intégrer les employé·e·s handicapés et licencient sans motif les personnes atteintes dans leur santé.L’expérience montre qu’il est en effet possible de favoriser une réinsertion pour une partie des assuré-e-s en demande de prestations (40 % selon les offices AI), avec la participation active et convaincue de certains employeurs. Mais quelles garanties sérieuses obtenir du côté des associations patronales, alors qu’elles militent contre le financement de l’AI ? A l’évidence, alors que le chômage augmente avec la crise, les chances de réussite de la réinsertion des personnes handicapées ne peut que diminuer ! Enfin, l’octroi des rentes s’est restreint, avec une nette augmentation des refus, déjà depuis la 4e révision, et avec une jurisprudence plus restrictive, écartant du droit à la rente nombre de pathologies invalidantes.
Pour une vraie sécurité sociale : AVS-AI-LPP même combat !
Selon l’OFAS, dans son dossier « Application de la 5e révision de l’AI » (Sécurité sociale 6/2007), « en l’absence de financement additionnel de l’AI, les avoirs disponibles de l’AVS passeraient au-dessous de la barre exigée par la loi des 70 % des dépenses en 2013 déjà ».Alors qu’avec la crise financière, le Fonds AVS a fondu de 5 milliards en 2008, le report du financement de l’AI ne fait qu’aggraver la situation de l’AVS. Cette décision s’inscrit dans la politique globale d’attaque aux prestations sociales, sur le long terme, faisant payer aux salarié·e·s et aux catégories défavorisées le poids de la crise. Face aux mesures antisociales de la droite, une seule réponse: un front uni de résistance contre le démantèlement des prestations sociales, pour une véritable sécurité sociale.
Gilles Godinat
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