Scandale autour d’un petit avion si vil

Scandale autour d’un petit avion si vil

L’ouvrage de Jean-Marie Pellaux,
« L’affaire Pilatus. Les milieux engagés et
la Suisse officielle face aux exportations d’armes
(1978-1985) »,  publié l’an passé
par l’Université de Fribourg, a ciblé un joyau de
l’industrie d’armement, que les milieux officiels et
industriels voulaient déguiser en ustensile inoffensif.

Cette affaire a décollé en novembre 1978 : Ariel
Herbez, alors journaliste à « Tout va Bien
hebdo » (publication de gauche, publié à
Genève) et féru d’aviation, révéla
que le nouveau modèle d’avion fabriqué par
l’entreprise Pilatus à Stans était muni de points
d’ancrage sous les ailes, ce qui lui permet, après
quelques modifications techniques d’emporter des bombes.

    Dernier épisode: en janvier 2008, des
militaires français au Tchad déclarent à
l’agence France-Presse qu’un camp rebelle au Darfour
(Soudan) avait été bombardé par un avion Pilatus
utilisé par l’armée tchadienne. En 30 ans, ce petit
avion si vil, le PC-7, a opéré notamment en Birmanie, en
Bolivie, au Guatemala, en Iraq, au Mexique et en Iran. Des PC-7 furent
utilisés contre les zapatistes au Chiapas, en janvier 1994. Dans
un message à un comité de solidarité suisse, le
sous-commandant Marcos, de l’EZLN, le signalait par
l’entremise de son scarabée-fétiche fictif :
« Durito préfère que vous lui envoyez du
chocolat plutôt que des Pilatus… ».

    Dans sa préface, le journaliste Roger de
Diesbach relève que sans journalisme d’investigation
– fort menacé, à notre avis, par les tendances
actuelles au sein des groupes de presse – la lumière
aurait été difficilement faite sur l’usage
militaire des PC-7. Car, « durant trente ans, le
Département militaire fédéral et le Conseil
fédéral ont pris les citoyens et les journalistes pour
des imbéciles, distillant les explications les plus farfelues
pour justifier la libre exportation de ces avions ». Cela
n’a pourtant pas évité au gouvernement suisse des
tensions diplomatiques avec des pays comme les USA, la Grande-Bretagne,
la Chine et l’Iran.

    Notons aussi  (vieux truc datant de la 1re
initiative contre les exportations d’armes) que 
l’entreprise Pilatus aime à se poser en défenseur
« des emplois menacés dans la région de
Stans », réussissant à rallier les
autorités et la population.

    En résumé, une recherche
documentée sur un aspect peu reluisant d’une Suisse, qui
n’est depuis longtemps plus au-dessus de tout
soupçon…

Hans-Peter Renk