Manifestation du 10 janvier à Berne: nous sommes tous des Palestiniens !

Manifestation du 10 janvier à Berne: nous sommes tous des Palestiniens !



Le bilan de la manifestation nationale
du 10 janvier contre l’agression militaire à Gaza
s’enrichit, au fur et à mesure des retours et des
commentaires qui nous parviennent encore jour après jour.
Globalement, le bilan est positif, pour la participation
(« plus de 7000 participants » est le chiffre
donné par la police bernoise), pour les principaux messages
qu’elle a fait passer et pour les discussions qu’elle
continue de susciter. Il s’agit maintenant de poursuivre dans la
construction, l’élargissement et le renforcement du
mouvement de solidarité avec le peuple palestinien et avec tous
les peuples victimes de l’arrogance guerrière et raciste
de « ceux qui veulent dominer le monde ».

Dans l’édito du dernier numéro de ce journal, nous
indiquions deux objectifs de cette manifestation : d’une
part, renforcer la participation de personnes et organisations suisses
qui n’ont pas de proximité culturelle directe avec les
Palestiniens qui se font massacrer à Gaza, et d’autre part
réussir à avoir un impact sur la politique suisse face au
conflit entre Israël et les Palestinien·ne·s.

« Cette fois, ça va »

Le premier objectif nous paraît en large mesure atteint. Le
mélange de ces deux composantes a provoqué des influences
parfois inattendues dans les deux sens. Une militante bernoise de tous
les combats pacifistes s’est éloignée avant
l’arrivée du cortège, car elle ne résistait
plus à l’émotion dégagée par les
manifestant·e·s issus de l’immigration. Alors
qu’à la précédente grande manifestation
« Palestine » du 6 avril 2002, un orateur
juif, ancien refusnik qui parlait à titre individuel, avait
été interrompu et hué. Cette fois l’appel,
et c’est une première, a été soutenu par la
« Voix juive pour une paix juste entre Israël et
Palestine » et son représentant a été
applaudi. Un Palestinien, parmi les plus critiques et exigeants par
rapport aux grandes manifs « unitaires »
précédentes, a commenté l’ensemble de la
manifestation d’un « cette fois, ça
va ».

    Certes, le texte d’appel à la
manifestation (publié en dernière page de notre
précédent numéro) reste en deçà des
attentes de certains militant·e·s de la solidarité
avec le peuple palestinien. Il s’oppose clairement à toute
violence contre des civils, y compris en Israël. L’appel
désigne nettement les responsabilités de la politique
israélienne qui aboutit aux attaques criminelles contre le
peuple palestinien à Gaza depuis le 27 décembre 2008. Il
demande aussi que des pressions concrètes et ciblées
soient exercées par la Suisse à l’encontre
d’Israël. Ces contenus ont posé de sérieux
problèmes au Parti socialiste suisse, à la fois pour sa
cohésion interne et pour son conformisme gouvernemental. Il ne
s’est pas résolu à soutenir l’appel, mais la
pression à sa base et l’opposition à
l’agression israélienne dans l’opinion publique a
contraint la direction du parti à soutenir la manifestation et
au moins à débattre de l’appel. La
solidarité avec le peuple palestinien a tout à gagner de
la poursuite de ce débat.

    Quant au deuxième objectif de la
manifestation, il n’y a certainement pas eu d’impact
immédiat sur la politique suisse. Dans une interview au Matin du
16 janvier, Micheline Calmy-Rey, la cheffe du DFAE, a été
un peu plus loin que dans ses prises de position
précédentes : « On ne reste pas
neutre devant Gaza ». Mais elle a aussitôt
réduit à néant cette avancée:
« Mais qu’est-ce que je pourrais faire ? Le
pire, c’est d’être impuissant ».
    C’est là probablement l’une des
tâches les plus importantes du mouvement de solidarité et
pacifiste : montrer que des pressions sur Israël sont
nécessaires et tout à fait possibles si l’on veut
sortir de la voie meurtrière et sans issue dans lequel ce
conflit s’embourbe depuis plus de 60 ans. Nous devons poursuivre
nos actions de solidarité pour que la large opposition à
la politique d’oppression guerrière israélienne
s’exprime aussi au niveau des décisions politiques de la
Suisse. L’arrêt de la scandaleuse collaboration militaire
entre les armées et les industries d’armement suisses et
israéliennes est un objectif concret qui s’est
rapproché un petit peu avec la manifestation de Berne. Il faut
absolument continuer à battre ce fer pendant qu’il est
chaud !

Tobia Schnebli