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N° 140 (08/01/2009). A la une: Halte au terrorisme d'état d'Israël
p. 17
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Vaud
Assez de cadeaux pour les riches: 2xNON au paquet fiscal
Comme on peut le voir sur les murs des villes et villages du canton, et presque à chaque coin de rue, Noël serait l’occasion pour le gouvernement de gâter les familles de la «classe moyenne» par l’octroi d’un allégement fiscal.C’est du moins ce que voudrait bien faire croire une campagne d’affichage massive où de charmants bambins et leurs heureux parents, crayonnés à la manière d’un dessin enfantin, fêtent la réception de paquets cadeaux gracieusement enrubannés. Les représentations patronales sont décidément enchanteresses! L’émotion y côtoie toujours la poésie la plus innocente.
Cadeau empoisonné
Mais sous ce gros ruban rouge tape à l’œil et alléchant se cache en réalité un cadeau empoisonné. En effet, les quelques rabais accordés aux familles ne sont qu’un moyen, certes assez habile, de faire passer une pilule bien amère, et assez peu en phase avec les besoins sociaux aggravés par la crise économique actuelle. D’abord, parce que les affiches patronales cachent l’essentiel: cette réforme consiste d’une part en un bouclier fiscal pour les très hauts revenus (dont l’imposition serait plafonnée à 60% contre 70% actuellement), et d’autre part en de nouveaux cadeaux pour les grands actionnaires, ceux qui possèdent au moins 10% d’une société. La première de ces deux mesures remet directement en cause le principe – déjà bien mis à mal! – de la proportionnalité de l’impôt fondée sur la «capacité contributive» de chacun-e, principe qui est pourtant une des conditions élémentaires de la justice fiscale et d’une imposition qui serve à redistribuer les richesses d’une façon tant soit peu égalitaire.Les cadeaux aux grands actionnaires et aux entreprises, quant à eux, avaient déjà été refusés en votation populaire par les Vaudois-e-s en février dernier à plus de 54%, dans le cadre d’une votation fédérale. Mais quand l’intérêt des dominants est en jeu, les choix démocratiquement exprimés passent assez vite au second plan… Malheureusement, le constat que faisait Lénine dénonçant les illusions de certain-e-s, il y a près d’un siècle, dans L’Etat et la Révolution, reste d’une criante actualité: «Les démocrates petits-bourgeois partagent eux-mêmes et inculquent au peuple cette idée fausse que le suffrage universel est capable de traduire réellement la volonté de la majorité des travailleurs et d’en assurer l’accomplissement.»
Le canton de Vaud, d’ailleurs, est déjà un eldorado fiscal pour les entreprises, si l’on en croit en tout cas le site Internet de promotion économique du canton, qui évoque des conditions fiscales «exceptionnellement avantageuses» pour les entreprises qui voudraient s’y installer. Ces rabais fiscaux ne servent pas d’ailleurs à l’investissement et à la création d’emploi comme voudraient le faire croire le patronat et ses laquais du gouvernement, mais à l’accroissement des profits et de la spéculation à tout crin. Quand les profits des entreprises augmentent – et c’est bien à ça que sert ce paquet fiscal d’inspiration néolibérale – les investissements créateurs d’emplois, eux, ne suivent pas, comme le montrent les statistiques disponibles pour les pays occidentaux depuis 30 ans. Car les profits vont prioritairement dans la poche des actionnaires. Ce paquet fiscal, c’est du pur néolibéralisme, et c’est pour le moins anachronique au moment où une crise économique majeure montre l’échec total des recettes appliquées fidèlement ces dernières années par ceux qui nous dirigent.
Donc, sur les 160 millions de pertes pour l’Etat que représente ce paquet fiscal, 100 millions iront droit dans la poche des 800 plus riches individus du canton… Pour Noël, ce ne sont pas les petits souliers des familles que Petit Papa Broulis a décidé de remplir, mais les souliers vernis de la haute bourgeoisie vaudoise…
Familles grugées
Quant au 60 millions restants, ils bénéficieraient aux familles de la «classe moyen-ne». On mesure déjà le déséquilibre criant: d’un côté, 800 ultra-privilégiés à qui on offre 100 millions, de l’autre 100 000 contribuables qui se partageraient 60 millions. Et ici, le diable se cache dans les détails. En réalité, les baisses d’impôts pour les familles s’effectuent via les déductions pour frais de garde, déductions plafonnées à 7000 francs. Or, quand un ménage avec enfants gagne par exemple 60 000 francs annuels, il est très peu probable qu’elles soient à même de dépenser un tel montant pour la garde des enfants. Du coup, c’est avant tout les familles de la classe moyenne supérieure qui profiteraient de ces quelques déductions!Plus généralement, en matière fiscale, il n’y a pas de miracle. Quand les riches paient 100 millions par an en moins, c’est à toutes et tous les autres de payer à leur place : hausse des impôts communaux dus aux reports de charges, baisse des salaires dans la fonction publique, baisse des subsides à l’assurance maladie, moins de places dans les EMS, moins de crèches, moins d’argent pour l’éducation, les logements sociaux ou le développement des énergies renouvelables... En période de crise économique qui va se solder par une hausse significative du chômage et de la précarité, c’est avant tout à combler les besoins sociaux que devrait servir l’argent que le gouvernement veut offrir aujourd’hui à ceux et celles qui n’en ont pas besoin.
Alors, décidément, le 9 février, c’est deux fois NON qu’il faudra voter sans hésitation contre ce paquet fiscal!
Justine Detraz
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