Il faut sauver la Maison de la Culture de Saint-Gervais!

Il faut sauver la Maison de la Culture de Saint-Gervais!

Dans les froides journées de la fin du mois de décembre,
le référendum «Sauvons la Maison de la culture de
Saint-Gervais!» a démarré en Ville de
Genève. Il entend défendre l’héritage de
l’ancienne Maison de la culture, soit un foyer d’initiative
et de création vivant, indépendant, lié à
des enjeux citoyens, et répondant pleinement à la demande
du public et des usager-èress. Au moment où nous mettons
sous presse, mercredi 7 janvier, ce référendum a
déjà recueilli 1600 signatures… Il doit être
déposé avec 4000 signatures valables d’ici le 26
janvier. Merci donc à nos lecteurs et lectrices de la Ville de
Genève de signer et de faire signer la carte
référendaire affranchie à forfait encartée
dans ce journal à leur intention… Il n’y a pas une
minute à perdre!

Rappelons que ce référendum s’oppose directement
à la suppression de 1,09 million de la subvention de la
Fondation Saint-Gervais, destiné au Centre pour l’image
contemporaine (CIC), et à son transfert au Centre pour
l’art contemporain (CAC), ainsi qu’au Fonds municipal
d’art contemporain (FMAC), sans garantie de la poursuite de ses
activités.

En clair, il s’agit de refuser aujourd’hui le
démantèlement du CIC, un élément
emblématique de la culture vivante de ce canton. «Avec
lui, disparaîtrait un centre fondé en 1985, qui a
popularisé la vidéo et les arts électroniques par
des expositions et des biennales, qui a accumulé une collection
d’oeuvres unique en Suisse, qui a aidé les artistes et en
particulier les jeunes à créer des oeuvres nouvelles.
Genève se verrait privée d’un outil pour les jeunes
créateurs, les écoles, le public, d’une institution
vivante, au rayonnement international avec la Biennale de l’Image
en Mouvement (BIM) et Version. Le personnel, les archives et le
matériel du CIC seraient dispersés» (extrait de
l’argumentaire du référendum).

Mais cette démarche entend aussi défendre le
théâtre Saint-Gervais, prochaine victime
désignée de la politique de démantèlement
de l’ancienne Maison de la culture par la Fondation qui en a la
charge, en collaboration étroite avec le Département des
affaires culturelles de la Ville de Genève.

Le 19 juin 2007, on se souvient que le magistrat vert Patrice Mugny
avait déclaré à la Tribune de Genève:
«Il y aurait une certaine logique à ce que Saint-Gervais
soit fermé». Il y a moins d’une année, la
Présidente libérale de la Fondation lui emboîtait
le pas en applaudissant à une motion radicale proposant de
déménager le théâtre, dans la foulée
du CIC… «L’idée est bonne», confiait
ainsi Renate Cornu au gratuit 20 Minutes.

Ce référendum a été lancé par un
comité de citoyens et de citoyennes qui s’étoffe de
jour en jour (109 membres à l’heure où nous mettons
sous presse). Les médias se sont fait l’écho de la
présence en son sein de personnalités de tout premier
plan comme Jean-Luc Godard…

En vérité, il s’agit d’une association de
créateurs, d’enseignant-e-s, de syndicalistes, de
militants politiques, d’usagers, de femmes et hommes
indignés par une politique culturelle de plus en plus
marquée par l’arbitraire, qui gère des volumes, des
surfaces et des enveloppes financières à défaut de
défendre un véritable projet et d’en
débattre ouvertement.

En ce qui concerne les organisations, ce référendum est
soutenu à ce jour par solidaritéS, le Syndicat des
services publics (SSP), la Commission du personnel de St-Gervais, les
Indépendants de gauche, le cinéma Spoutnik, la Maison du
peuple de Genève, la Maison Populaire de Genève, Titus et
Compagnies, United Black Sheep, la Compagnie des Cris, la Jeunesse
Socialiste, le Parti du Travail et le Comité de soutien au CIC…

Pour les enjeux d’ensemble de ce dossier, nous renvoyons à
notre précédent numéro (139), que l’on peut
trouver en ligne sur le site: www.solidarites.ch.

Jean Batou


A quoi joue la Fondation Saint-Gervais?

Le démantèlement du Centre pour l’image
contemporaine a été décidé par la Fondation
Saint-Gervais (FSG), qui est une fondation de droit privé,
indépendante en principe du Département des affaires
culturelles (DAC). Cela fait-il sens de le contester par
référendum?

La FSG est certes juridiquement une fondation de droit privé,
mais elle est financée exclusivement par des fonds publics (90%
par la Ville et 10% par le canton). Ses membres sont
désignés par les partis représentés au
Conseil municipal (1 délégué par groupe, soit
actuellement 7), par le DIP (2 délégué-e-s) et par
le Conseil administratif (le magistrat responsable du DAS plus 4
délégué-e-s).

A qui peut-on faire croire qu’une fondation dont les membres
émanent tous-toutes des partis politiques et des
exécutifs municipal et cantonal puisse gérer des fonds
publics et prendre des décisions essentielles qui engagent
d’autres entités culturelles (le Centre d’art
contemporain et la Fondation municipale d’art contemporain) sans
en référer aux autorités?

Et si, par hypothèse, la FSG n’avait aucun compte à
rendre au DAS, au DIP et au Conseil Municipal, ne devrait-elle pas au
moins respecter ses statuts, dont l’art. 2 stipule qu’elle
«a pour but d’assurer l’existence à
Genève d’une institution culturelle contribuant à
l’épanouissement des arts de la scène et de
l’image»? Or, elle les a violé de façon
évidente en dépeçant le Centre pour l’image
contemporaine (CIC) et en menaçant l’existence du
théâtre Saint-Gervais.

Le statut de droit privé de la FSG est d’ailleurs absurde,
sauf s’il s’agit de permettre à un petit groupe de
délégué-e-s des partis et de hauts fonctionnaires
de prendre de façon discrétionnaire des décisions
irréversibles en matière de politique culturelle, et ceci
sur un mode fort peu démocratique, dans le dos des
élu-e-s et de la population.

C’est la raison pour laquelle le démantèlement du
CIC et le partage de ses dépouilles entre d’autres
institutions n’a fait l’objet d’aucun débat
sérieux au Conseil municipal, auquel il a été
soumis dans le cadre du débat sur le budget d’ensemble de
la Ville, âprement négocié, comme «une
modification de la subvention à la FSG, transférée
sur diverses lignes». Et vive la transparence!

Le lancement d’un référendum contre la modification
d’une affectation du budget municipal est une ressource
démocratique offerte par la constitution cantonale, fort mal
connue d’ailleurs, qui est utilisée pour la
première fois dans le canton. Elle va permettre de porter devant
la population le débat de politique culturelle que la FSG et le
DAC voulaient précisément éviter. (jb)