Libre circulation: les racistes à l’affût

Libre circulation: les racistes à l’affût



Dans le sillage que trace l’UDC,
adversaire des bilatérales, s’écoule un racisme
haineux. Mobiliser pour de véritables mesures
d’accompagnement, c’est-à-dire pour des droits pour
l’ensemble des salarié-e-s, et voter OUI aux
bilatérales ne suffira pas. Il faudra aussi combattre le racisme
sans se payer de mots.

Le renflouement de l’UBS a été décidé
en un tournemain, alors que la droite, les associations patronales et
le Conseil fédéral faisaient bloc contre une modeste
avancée de l’AVS. Le choc a laissé un goût
amer. Le chômage se développe avec les apparences
d’un phénomène naturel. Les luttes sociales, comme
celle des travailleurs de CFF Cargo, restent isolées. Le 8
février, nous voterons sur les bilatérales. Conseil
fédéral, patrons et majorité parlementaire
militent pour leur OUI, le nôtre est très différent.

Un OUI très consensuel

Mondiale, la récession du capitalisme frappe la Suisse et le
rejet des bilatérales affecterait l’industrie
d’exportation et donc l’économie suisse tout
entière. Les sondages stimulent la mobilisation. Ils montrent
que le résultat n’est pas acquis.

Les oscillations à la tête de l’UDC ont
multiplié les ricanements. Blocher appuie puis retire son appui
au référendum contre les bilatérales. Toni Brunner
lui succède à la tête du parti et semble à
la peine dans l’exécution des figures. La «classe
politique» exprime une assurance prudente après la
mauvaise élection du sphinx Ueli Maurer, l’intransigeance
quasi-blochérienne d’Eveline Widmer Schlumpf et la posture
anti-angéliste d’un Parti socialiste suisse qui fustige
à son tour les «délinquants étrangers».

Le déchaînement de la haine raciale, les mains sombres qui
saisissent les passeports suisses, les moutons noirs, les maux de
ventre à Ankara… seraient du passé. Les corbeaux
noirs feraient soft face à ces horribles images.
Xénophobie officielle et racisme d’Etat peuvent poursuivre
ce voyage au long cours qui jalonne tout le 20e siècle, et
qu’actualise aujourd’hui la politique contre les
ressortissants des pays qui n’ont pas les idées
européennes (au sens large).

Banalisation de la haine raciale

L’émergence d’un phénomène nouveau ne
doit-elle pas nous alarmer? L’UDC est devenue le plus grand des
partis en banalisant la haine raciale. Son marketing politique
pervertit le débat démocratique: on peut modeler le
paysage politique sans pour autant gagner toutes les élections.

Le 17 janvier 2008, à l’initiative de Filip Dewinter,
député d’Anvers et porte-parole du Vlaams Belang
flamand, plusieurs mouvements nationaux et identitaires
européens ont constitué l’organisation
européenne «Les villes contre l’islamisation»
et créé une structure commune1. La Lega Nord a
déposé un projet de lois contre la construction de
mosquées en Italie. Le 20 septembre 2008, une manifestation
européenne a fédéré, à Cologne, les
mouvements de la coalition des villes contre l’islamisation2.
Le lobby islamophobe combat dans l’Europe entière la
construction de mosquées. En Suisse, il est plus fort: la
question y sera soumise au vote.

L’initiative du Comité suisse contre la construction de
minarets a réuni plus de 108 000 signatures en 14 mois. Seize
conseillers nationaux en font partie, dont quatorze appartiennent
à l’UDC. Les deux derniers sont membres de l’UDF, la
petite formation évangéliste apparentée à
l’UDC. Des dizaines d’élu-e-s nationaux, cantonaux
et locaux, de responsables UDC soutiennent le comité et
orchestrent sur le terrain l’interface entre politique et rumeur.

Leur respectabilité favorise la diffusion des
préjugés. Limité à une exigence
d’ordre apparemment architecturale, leur texte échappe aux
dispositions pénales réprimant la discrimination raciale
et ne peut pas plus être accusé d’attenter à
la liberté de croyance et de confession (Cst. suisse, art. 15).

L’islamophobie s’inspire de la judéophobie

Les kamikazes , les attentats du11 septembre, ceux de Londres, de
Madrid et de Bombay, autant d’agressions terroristes qui,
à juste titre, ont suscité la peur. Mais cette peur est
manipulée. Comme Frankenstein, composé de morceaux de
corps, un ennemi nébuleux fait de fragments d’information
menacerait la sécurité des villes, celle des femmes, mais
aussi la paix et la démocratie.

La propagande amalgame le rejet des caricatures de Mahomet et les
assassinats d’artistes, l’incivilité et les
émeutes, le machisme et les crimes d’honneur, les minarets
et l’invasion impérialiste.

Au sein de l’UDC, à l’extérieur de
l’UDC, autour de l’UDC une galaxie identitaire travaille
à radicaliser et à diffuser sa propagande raciste.
Novopress, «agence de presse identitaire au service du combat
contre les xénophiles et les collabos». Les prises de
positions des porte-paroles de l’UDC et les rumeurs qui
nourrissent la propagande côtoient les textes racistes et
fascistes les plus explicites et les plus violents. «Ni vraie
virtualité, ni fausses réalités», son slogan
revendique la manipulation: «En nous transmettant des
informations, en faisant circuler un article lu dans un journal ou sur
le Net, vous contribuerez à l’élaboration
d’une contre-information audacieuse et indépendante»
pour expliquer «les véritables causes de tous ces
“petits” événements qui pèsent
tellement lourd dans notre vie quotidienne».

Novopress appartient au mouvement identitaire, dont un cadre tentait,
le 14 juillet 2002, d’assassiner Jacques Chirac. «Contre
les minarets? Stoppez l’immigration», lancent les Jeunesses
identitaires genevoises pour expliquer leur soutien à
l’initiative contre la construction de minarets3. Leur responsable collabore à la direction européenne du mouvement.

Trait d’union entre le militantisme «seutch»4
revendiqué par les Jeunesses identitaires et la base de
l’UDC, le Mouvement Suisse Contre l’Islamisation (MOSCI).
Les cadres des organisations de jeunesse de l’UDC constituent son
Comité directeur5.

Le 24 décembre 2008, Novopress ouvre ses colonnes au
député UDC Hermann Lei, qui planche sur
«L’illusion des mesures d’accompagnement et la
réalité de la situation juridique». Et le 3 janvier
2009, c’est au docteur en droit Mathias Müller,
collaborateur scientifique de l’UDC suisse, d’affirmer
sentencieusement que la clause guillotine qui frapperait les
bilatérales en cas de succès du référendum
est «Un couperet qui ne tombera pas».

Le conseiller national Oskar Freysinger, fer de lance du comité
d’initiative pour interdire la construction de minarets, assure
que les «judaïques» ne posent plus de
problèmes. Les minarets, pour leur part, seraient les
«phares du jihad».

L’antisémitisme a inventé le complot des Sages de
Sion et l’islamophobie imagine une pieuvre terroriste aux
millions de bras, suspectant ainsi toute personne de confession ou de
culture musulmane.

Karl Grünberg

ACOR SOS Racisme


1     www.citiesagainstislamisation.com
2     solidaritéS, N°132, 21 août 2008,
p. 4: «Cologne: L’extrême droite européenne
ouvre la chasse aux musulmans» et N°133, 11 septembre 2008,
p. 10: «Combattre l’islamophobie».
3    www.jigeneve.com/category/communiques/
4     «Seutch», verlan de Schweiz. Les
Identitaires se livrent depuis quelques jours au collage
d’affichettes de promotion de leur néologisme
destiné à étiqueter sexy.
5     Mouvement suisse contre l’islamisation www.mosci.info