Le Centre pour l’image contemporaine (CIC) peut encore

Le Centre pour l’image contemporaine (CIC) peut encore
être sauvé… défendons l’avenir de
Saint-Gervais

Le 6 décembre dernier, la majorité du Conseil municipal a
décidé d’enterrer le Centre pour l’image
contemporaine (CIC). Seul le groupe A Gauche Toute! et une élue
du PS ont voté contre. Cet outil exceptionnel pour les artistes,
les jeunes en formation et la population dans son ensemble s’est
vu ainsi brutalement retiré sa subvention, en plein vote du
budget, au gré de marchandages entre les groupes, sans
débat culturel. Ces ressources ont été
affectées à deux institutions existantes qui n’ont
d’ailleurs pas vocation à poursuivre les mêmes
activités…

Sur la subvention du CIC, 770 000 francs ont été
donnés au Centre d’art contemporain (CAC) qui
n’organisera pourtant pas la 13e Biennale de l’image en
mouvement, prévue en 2009, et n’a pris aucun engagement
pour l’avenir. Et 320 000 francs ont été
transférés au Fonds municipal d’art contemporain
qui s’occupe principalement de gestion de patrimoine, et dont la
commission consultative est présidée… par la
direction du CAC. Quant au sort du personnel du CIC, en conflit avec la
Fondation de Saint-Gervais, les assurances de reclassement
données par Patrice Mugny comportent encore de nombreuses
inconnues…

Une politique municipale guidée par le marché de l’art?

Le CAC semble bien avoir les faveurs du vert Patrice Mugny, chef du
Département municipal de la culture. Son président, le
financier Jean Altounian, ex-directeur d’American Express Bank et
de Courvoisier et associés SA à Genève,
aujourd’hui unique administrateur de sa propre
société, la Bastion Capital & Trust SA,
déclarait pourtant récemment: «Quand je vois que
58% des gens pensent que les pouvoirs publics ne doivent pas soutenir
l’art contemporain, cela me paraît en fait assez
réjouissant» (Le Temps, 9 juin 2007). Pour la petite
histoire, il est aussi membre du Conseil de fondation de Fluxum (pour
l’encouragement de l’art), aux côtés de
Patrick Odier –  de Lombard Odier Darier Hentsch & Cie
– et de plusieurs personnalités bien connues du
marché de l’art, notamment Janet Briner et Patrick Cramer.

Le démembrement du CIC est un aveu flagrant de la myopie du
Département municipal de la culture, dont la politique favorise
la concentration-fusion des activités pour les soumettre au
monopole de pôles institutionnels, à l’image du
Musée d’art moderne et contemporain (Mamco) et du CAC,
soutenus par des intérêts privés et
particulièrement attentifs aux signaux venus du marché de
l’art. Un point de vue diamétralement opposé
à celui des créateur-trices indépendants. En
effet, comme le proclamait haut et fort la vidéaste Sylvie
Blocher dans sa «lettre ouverte à ceux qui vont
décider de la vie ou de la mort du CIC de Genève»
du 28 novembre dernier: «Globaliser les lieux de l’art est
une très mauvaise idée. Fusionner les lieux de
l’art est une idée encore plus mauvaise. […]
l’inverse de celle pratiquée en Angleterre où
l’immense diversité des lieux pour l’art et des
propositions artistiques foisonnantes en font la plaque tournante de
l’art contemporain international».

Une fondation pour le démantèlement de Saint-Gervais?

Ce sabordage incompréhensible d’une institution culturelle
vivante et pleine d’avenir – au lendemain du
décès de son fondateur et directeur André Iten, un
ancien électronicien, devenu animateur… – fait en
effet fi du vote du Conseil municipal du 24 juin dernier, qui avait
obtenu le maintien en l’état du CIC, ceci au moins
jusqu’à la fin des travaux de dépollution de
l’ancien bâtiment de la SIP.

Le plus surprenant, c’est que le magistrat responsable de ce
choix se cache derrière une décision de la Fondation de
Saint-Gervais, une fondation de droit privé…
composée de ce magistrat, de sept membres nommés par le
Conseil municipal, de quatre membres désignés par le
Conseil administratif et de deux délégué-es du
Département de l’instruction publique. Elle est
présidée par l’ex-conseillère municipale
libérale Renate Cornu. Enfin, elle est financée à
90% par la Ville et à 10% par le canton. Or, c’est
précisément cette fondation qui orchestre le
démantèlement des activités qu’elle est
censée promouvoir: le CIC aujourd’hui, le
théâtre, sans doute, demain.

Défendre la liberté de création

Il y a une année, la plasticienne Silvie Defraoui
écrivait à Patrice Mugny qu’il ne fallait pas
traiter le CIC comme une petite usine ou un petit commerce qui se fait
«absorber et démanteler par les grands trusts et qui perd
sa production et sa particularité». Six mois plus tard,
l’ancien directeur de l’Ecole des beaux-arts, Bernard
Zumthor, appelait à résister à une
«“logique” d’économie libérale:
rentabilisation par la délocalisation, l’uniformisation
des produits et le “dégraissage” des
personnes» (TdG, 17 juin 2008). Il en va de la liberté de
création, ajoute aujourd’hui Jean-Pierre Merlo, l’un
des animateurs de l’appel «Sauvons le CIC», qui a
recueilli 300 signatures d’artistes, de professeur-e-s,
d’expert-e-s et de spectateurs-trices: «on se demande quel
espace peut subsister pour des artistes contestant l’ordre
établi».

N’est-il pas temps que les électeur-trices de la Ville se
prononcent sur ce dossier qui pèsera lourd aussi sur
l’avenir de Saint-Gervais et représente clairement un
choix de politique culturelle majeur. Veut-on d’une culture
élitaire, centralisée, tournant autour d’un nombre
toujours plus restreint de grosses institutions et travaillant en
partenariat avec le secteur privé, la finance et le
marché de l’art, dans des positions de monopole? Ou
veut-on d’une culture vivante, décentralisée,
favorisant la multiplication des initiatives, en lien avec les enjeux
citoyens et la formation du public?

C’est pour défendre clairement la seconde option, que
solidaritéS a décidé de soutenir le lancement
d’un référendum municipal contre la suppression de
la subvention du CIC.

Jean Batou