Centrale chaleur-force des SIG au Lignon: Les raisons du soutien de principe des antinucléaires de ContrAtom

Centrale chaleur-force des SIG au Lignon: Les raisons du soutien de principe des antinucléaires de ContrAtom

L’association antinucléaire genevoise ContrAtom a pris
position en faveur de la construction par les Services industriels
genevois (SIG) sur leur site du Lignon à Vernier d’une
nouvelle centrale chaleur force à cycle combiné (CCGT)
alimentée au gaz naturel. Nous reproduisons ici un
résumé de cette position…

Cette centrale aura une puissance électrique de 60 MW et une
puissance calorifique de 40 MW, cette chaleur étant
distribuée par le réseau de chauffage à distance
des SIG, en cours d’extension, auquel la centrale sera
reliée. Elle fera passer la production électrique du
canton de 25% à 38% environ de la consommation actuelle de
celui-ci et à un pourcentage bien sûr plus
élevé de la consommation électrique
réduite, qui est un objectif central de ContrAtom et un objectif
officiel de la politique cantonale de l’énergie.

Une position antinucléaire constante

Cette décision de ContrAtom rejoint la position constante du
mouvement antinucléaire qui a toujours – dans ses
scénarios de sortie du nucléaire – mis entre autres
en avant la réalisation de centrales de ce type – comme
mesures transitoires. Citons à ce propos un dépliant du
réseau français «Sortir du nucléaire»:
«Dans une période de transition, il faut développer
centrales thermiques classiques, centrales au gaz à cycle
combiné, installations de cogénération, piles
à combustible… en favorisant les moins polluantes et les
plus efficaces…»

En outre, ce soutien reflète la volonté de ContrAtom de
défendre pour Genève un approvisionnement en
électricité maîtrisé et sujet à un
contrôle démocratique local, qui dépende le moins
possible du «marché» libéralisé de
l’électricité et de fournitures à distance
par le réseau de lignes à très haute tension.

Ce soutien doit évidemment s’inscrire dans lutte
renforcée pour l’utilisation plus rationnelle de
l’énergie et pour les économies
d’énergie, électrique en particulier. Mais,
malgré son haut rendement énergétique,
découlant notamment de l’utilisation de la chaleur, cette
centrale n’est pas sans poser des problèmes. Il y a celui
du recours à une énergie non-renouvelable, celui de sa
production de C02. et enfin celui du risque que la
«transition» représentée par cette centrale,
soit une transition… vers les nouveaux réacteurs
nucléaires, que le lobby atomique se bat pour mettre en chantier
dans ce pays. ContrAtom a débattu de ces problèmes et des
oppositions à la centrale.

Hypocrisie du parti radical et division des Verts

A ce sujet: deux partis genevois se sont prononcés contre cette
installation. Le premier d’entre-eux est le parti radical. Cette
opposition d’un parti bourgeois – clairement
pronucléaire sur le plan national – est trompeuse,
incohérente et hypocrite. Trompeuse d’abord, parce que le
parti radical dénonce cette modeste centrale chaleur-force,
comme si c’était une nouvelle centrale nucléaire
qu’on voulait construire à Genève. La section de
Vernier du parti agite de manière indécente le spectre de
Tchernobyl à ce sujet avec son slogan «NON à
Verniobyl!». Ils mettent systématiquement sur le
même plan le nucléaire et une production électrique
au gaz. En fait, c’est une manière insidieuse de banaliser
et de rendre moins inacceptable le risque nucléaire. Certains
radicaux ont même proposé d’inscrire dans la
constitution genevoise une interdiction de toute nouvelle centrale
fonctionnant aux hydrocarbures, de même rang que
l’interdiction du nucléaire, inscrite dans l’art.
160E de celle-ci.
Cette position est hypocrite, de la part d’un parti, qui refuse
de prendre la moindre mesure radicale contre le trafic et les
transports automobiles privés qui sont évidemment
l’une des cibles indispensables de toute politique
cohérente de réduction des émissions de CO2 dans
le canton le plus motorisé de Suisse. En fait, le
député radical (et par ultralibéral) Pierre Kunz
s’exprimant dans la Tribune de Genève cet
été à ce sujet livrait l’une des clés
de cette position. «Faut-il rappeler que c’est à la
Confédération et pas aux cantons que revient la
tâche d’assurer l’approvisionnement
énergétique sûr et pérenne du pays?»
écrivait-il. En clair, pour cet ancien directeur du
méga-centre commercial de Balexert, l’un des pires
gouffres énergétiques du canton, axé sur la
bagnole, il faut laisser la Confédération bénir la
construction de centrales nucléaires et renoncer à toute
velléité d’agir localement dans un autre sens.

L’autre parti qui s’est opposé à cette
centrale (à 38 voix contre 20 dans une récente AG)
c’est les Verts genevois. En résumé, leur
opposition se fonde sur le refus d’une production
non-renouvelable productrice de CO2 et sur l’idée que
l’investissement dans cette centrale pourrait et devrait
être redirigé vers des programmes d’économie
d’énergie et le développement à long terme
des renouvelables.

Quelques arguments

En apparence séduisante, cette position n’a pas convaincu
à ContrAtom. En effet, elle ne prend pas en compte les faits
suivants:

•La prochaine grande bataille autour de la politique
énergétique en Suisse, sera la votation
référendaire fédérale, dans deux ou trois
ans au plus, autour du premier projet de nouvelle centrale
nucléaire en Suisse. Obtenir un NON populaire massif à
Genève est indispensable et ce sont d’abord les milliards
investissements dans cette source d’énergie mortelle
qu’il faudrait rediriger vers les renouvelables et
l’utilisation rationnelle de l’énergie, plutôt
que ceux dans une centrale qui correspond à une revendication
«historique» des antinucléaires. En outre, une
centrale comme celle du Lignon est un argument pour  convaincre
qu’on peut se passer rapidement du nucléaire et assurer
une transition vers les renouvelables sans nouvelle centrales
atomiques. C’est seulement en se plaçant dans une optique
de défaite définitive dans cette bataille-là que
la centrale du Lignon jouerait un rôle objectif de
«transition» vers un approvisionnement atomique
relancé.

• La centrale du Lignon a deux avantages. Elle représente
un modèle de production électrique d’origine
fossile relativement optimal. Elle est ainsi un contre-exemple face aux
grandes centrales à gaz prévues dans ce pays qui ne
recycleraient pas la chaleur ou aux investissements étrangers
dans des centrales à charbon ultra-polluantes en Pologne ou
ailleurs… Si on brûle encore des hydrocarbures pour un
temps à Genève, c’est plutôt comme ça
qu’il faut le faire et que dans les embouteillages du pont du
Mont-Blanc…

• Ensuite, elle place clairement la pierre du CO2 rejeté
dans notre jardin à Genève. Certes, malgré la
substitution de nombreuses chaudières à mazout plus
polluantes, la CCGT du Lignon se soldera par un rejet de CO2 nouveau de
70 000 tonnes environ par an (pour des rejets globaux du canton
actuellement de l’ordre de 2 millions de t/an). Mais le
défi de compenser ces rejets supplémentaires –
à 100% Genève et non, même partiellement, à
l’étranger par l’achat de «certificats»
– est précisément un défi à relever
qui peut et doit servir de point d’appui pour exiger des
programmes d’assainissements énergétiques du
patrimoine bâti, mais aussi de réduction sérieuse
du transport privé. Dans ce domaine, les Verts ont du chemin
à rattraper, rappelons qu’ils s’étaient
opposés au projet de rendre gratuits les transports en
commun…

• Les Verts ont parfaitement raison de dire qu’il faut des
investissements massifs dans les économies
d’énergie et les renouvelables. Mails ils ont tort de
raisonner «en vase clos», comme si ces dits investissements
devaient «provenir» du refus de la centrale du Lignon.
Celle-ci coûtera en tout (avec l’extension du réseau
de chauffage à distance) quelque chose comme 200 millions de
francs d’investissements, à amortir sur une vingtaine
d’années. Grosso modo ce que Genève a
«investi» dans le stade foireux de la Praille! Moins de la
moitié de ce que Genève perd, chaque année, suite
aux cadeaux fiscaux à répétition faits aux plus
nantis ces dernières années. La collectivité
publique genevoise a les moyens – et le devoir – de
dégager des sommes bien supérieures pour faire face
à la crise énergétique et climatique. Cette
bataille là mérite mieux qu’un combat aux
côtés des radicaux pour couler la centrale chaleur-force
des SIG au Lignon.

Pierre VANEK