Equateur: Remise en cause de la «dette illégitime»

Equateur: Remise en cause de la «dette illégitime»

Du 12 au 14 novembre 2008, s’est
tenu à Brasilia un séminaire international «Audit
de la dette en Amérique latine». Y participaient des
représentant-e-s d’organisations latino-américaines
et de réseaux internationaux actifs sur ce thème, dont
nos ami-e-s du Comité pour l’annulation de la dette du
Tiers-Monde
1. A la fin des travaux, d’excellentes nouvelles sont arrivées en provenance de l’Equateur.

L’un des thèmes développés par
l’actuel président de ce pays, Rafael Correa, lors des
élections de novembre 2006, était la dénonciation
de la «dette illégitime» contractée par les
gouvernements précédents. Aujourd’hui, Rafael
Correa respecte ses engagements.

En effet, le 14 novembre, María Elsa Viteri Acaiturri (ministre
des finances) a annoncé que l’Equateur suspendait le
paiement de plus de 30 millions de dollars (USD) correspondant aux
intérêts des bons «Global 2012» (qui
arrivaient à échéance le 15 novembre 2008). Ces
bons s’élèvent à un montant de 250 millions
de dollars, avec un intérêt de 12 %. Chaque année
l’Equateur doit verser deux paiements de 30,6 millions de
dollars, un au 15 mai, l’autre au 15 novembre.

Cette décision annoncée a été
officialisée, le 15 novembre, par Rafael Correa, lors de son
intervention hebdomadaire à la radio et à la
télévision «Dialogo con el Presidente». Il a
également indiqué que l’Equateur prendra le temps
d’évaluer un rapport de la CAIC (Commission d’audit
intégral de la dette publique interne et externe).

La veille, la ministre des finances indiquait que
«confrontés à de sérieuses preuves
d’illégalité, nous avons décidé
d’attendre la publication de ce rapport de façon
officielle, pour ensuite jauger avec les techniciens et avec une
commission de juristes internationaux quelle sera la décision du
gouvernement national».

De son côté, Rafael Correa a mis les points sur les i (et,
sans doute, les créanciers de l’Equateur dans une profonde
inquiétude…): «D’ici au 15 décembre,
nous déciderons si nous continuons de payer ou si nous allons
vers les tribunaux, parce que ces négociations de dette ont
été un véritable hold-up pour le pays.» Il a
assuré que les actes illégitimes dans la gestion de la
dette ne resteront pas impunis, ajoutant qu’«il y a de
sérieuses preuves juridiques de la nullité de cette
dette».

Le 20 novembre, lors de la présentation du rapport de la CAIC2,
Rafael Correa a annoncé que son pays contestera sa dette
bancaire internationale (3,8 milliards de dollars), représentant
1/3 de la dette totale (10,6 milliards de dollars = 20,6 % du produit
intérieur brut). «Nous tenterons non seulement de
sanctionner les coupables [de ces irrégularités], mais
aussi de ne pas payer la dette illégitime, corrompue,
illégale.»

De son côté, lors de cette même présentation,
Karina Saenz (membre de la CAIC) a rappelé que l’Equateur
a déboursé ces dernières années «en
paiements, intérêts et amortissements, près de 7,1
milliards de dollars». Et de conclure: «cela prouve que la
dette n’a pas été une source de financement du
développement, mais un mécanisme bancaire international
de pillage des ressources».

Dans son intervention du 15 novembre, Rafael Correa avait
rappelé la ligne de sa «révolution
citoyenne»: «Ici nous agissons en fonction du pays, du bien
commun des grandes majorités.» Antérieurement, il
avait laissé entendre que, si le pays était touché
par la crise financière internationale, le paiement de la dette
pourrait être revu. Or, plusieurs éléments vont
dans ce sens:

La baisse des prix du pétrole (40 % du budget national) affecte
le budget du pays. «Pour chaque dollar en moins, l’Equateur
perd 40 millions», relève l’ancien président
de l’Assemblée constituante, Alberto Acosta. En juillet
2008, le prix d’un baril brut était de 141 dollars, il est
aujourd’hui de 57 dollars.

Une partie des revenus équatoriens proviennent des versements
effectués par les émigré-e-s (2 millions sur 13
millions d’habitant-e-s). Selon un rapport de la Banque centrale
d’Equateur, pour la période janvier-juin 2008, ces
versements se sont réduits de 48 millions de dollars (8 %) par
rapport à la même période durant
l’année 2007.

Confronté à la même problématique, Lula
Ignacio Da Silva – président du Brésil –
avait, comme tous les autres candidats, signé la lettre
d’intention (octobre 2002) reconnaissant les engagements de son
pays auprès des institutions financières internationales
– lettre rédigée par le président sortant
Fernando Henrique Cardoso, bon élève du Fonds
monétaire international3.

Par contre, Rafael Correa et son gouvernement refusent de se laisser lier les mains et les pieds4.
En effet: «La crise du système capitaliste, mise en
évidence par la crise financière économique,
environnementale, alimentaire et sociale est subie, en premier lieu,
une fois de plus, par les plus pauvres. Pour cette raison, cette crise
représente un moment opportun pour montrer à la
société les interférences et la domination des
institutions financières sur les pays qui se sont
endettés.»

Hans-Peter Renk

1   
www.cadtm.org/spip.php?rubrique3 (en français). Les
éléments cités dans notre article, sauf autres
références, en sont extraits.
2    www.romandie.com/infos/news2/081120194709.mxvr5l91.asp
3    Fernando Henrique Cardoso (FHC), jeune
économiste et militant de gauche dans les années 1960, a
publié en 1969, «Dépendance et développement
en Amérique latine», expliquant le
sous-développement du continent par la dépendance envers
les métropoles impérialistes. Durant la présidence
de FHC, ses opposants affirmaient: «Cardoso est un type
conséquent: il a découvert la théorie de la
dépendance, puis il l’a appliquée.»
4    La lettre d’intention rédigée
par FHC représente, en quelque sorte, un très gros
«frein à l’endettement et aux
dépenses», prôné par la droite et la gauche
gouvernementale dans plusieurs cantons suisses (dont celui de
Neuchâtel, qui s’est cru très original…)