Un sommet en dessous de tout

Un sommet en dessous de tout

On ne change pas une équipe qui perd, ni un système qui
part en vrille: «Cette crise n’est pas l’échec
de l’économie de libre marché. Et la réponse
n’est pas de réinventer ce système», a ainsi
asséné George W. Bush à l’occasion du G20,
en «concertation» avec Obama et son équipe.

Mais qu’est-ce qu’il leur faut de plus? Le 20 octobre
dernier, sur la base de prévisions antérieures, donc plus
optimistes, le directeur général du Bureau international
du travail (BIT), Juan Somavia, a déclaré que le nombre
de chômeurs-euses dans le monde pourrait passer de 190 millions
en 2007 à 210 millions fin 2009, et que le nombre de
travailleurs pauvres vivant avec moins d’un dollar par jour
pourrait augmenter de 40 millions – celui des personnes disposant
de deux dollars par jour augmentant lui de 100 millions. Pourtant, les
dirigeants du BIT, éminente institution onusienne, n’ont
rien de bolcheviks au long couteau entre les dents. Cela manifeste
d’autant plus le décalage total entre les dirigeants du
G20 et les besoins réels des peuples.

Pour les dirigeants de ces 20 pays qui comptent dans
l’économie mondiale, il s’agit
d’«assainir le système financier» pour juguler
la crise et en prévenir de nouvelles. Mais quand une
poignée de gangsters jouent au poker, il ne suffit pas de faire
la morale à quelques tricheurs pour changer les règles du
jeu: une poignée de gangsters, à commencer par les trois
plus grosses fortunes du monde (Warren Buffet, Carlos Slim Helu et Bill
Gates) qui possèdent à eux seuls 220 milliards de francs
suisses, c’est-à-dire l’équivalent du Produit
intérieur brut cumulé des 48 pays les plus pauvres
où vivent 2 milliards de personnes. Trois Crésus
d’un côté, des millions de miséreux de
l’autre: jamais dans l’histoire de l’humanité
une telle disparité dans la répartition des richesses
n’a été de mise.

L’omniprésence médiatique de la crise
économique et les gesticulations des dirigeant-e-s ont rendu
plus discrète mais non moins réelle une autre crise,
alimentaire celle-là. La faim gagne en effet du terrain dans le
monde pour atteindre près d’un milliard de personnes,
selon la FAO, l’organisation de l’ONU pour
l’agriculture et l’alimentation, qui ajoute pourtant que
«le monde a produit plus de nourriture que jamais au cours de la
dernière décennie». Mais pour les vingt lascars qui
se sont réunis la semaine dernière à Washington,
tout est affaire de priorité! Ainsi, ils n’ont pas
hésité à puiser ces derniers jours dans les fonds
publics de par le monde pour sauver les banques, à hauteur de 15
000 milliards de francs suisses. Evidemment, pour celles et ceux qui
n’ont que leur force de travail pour vivre, de telles sommes ne
veulent pas dire grand-chose. Il est pourtant utile de rappeler que,
selon l’ONU, pour faire reculer la faim, la pauvreté et la
mortalité infantile, pour garantir l’accès à
l’eau potable et à des conditions de vie décentes,
il faudrait au total d’ici 2015 environ 1500 milliards de francs
suisses.

15 000 milliards d’un côté pour sauver les
propriétaires des banques et les grands actionnaires, 1500
milliards de l’autre, soit dix fois moins, que le G20 ne mettra
pas sur la table pour les besoins sociaux indispensables des
populations. Bienvenue dans le capitalisme! Un système
économique qui gaspille les capacités productives, qui
use les hommes et les femmes, qui va de désastres militaires en
catastrophes écologiques. Face à cette crise, ce
n’est pas des changements cosmétiques – ceux que
proposent vaporeusement les dirigeants du G20 – qu’il faut
envisager. Ce qu’il faut, c’est un changement radical: la
remise en cause du système capitaliste par la suppression de la
propriété privée des entreprises, grandes et
moyennes, par l’abandon de la concurrence et de la recherche du
profit privé comme seuls moteurs de la société.

Mais le plus urgent pour les salarié-e-s d’ici et
d’ailleurs est de s’opposer à toutes aggravations de
leurs conditions de travail et à toutes les régressions
sociales entraînées par la crise économique. Car
sans mobilisations sociales, c’est au monde du travail que les
capitalistes font et feront payer la crise. En Suisse par exemple,
plutôt qu’un plan de sauvetage d’UBS, il faut exiger
un plan de sauvetage des emplois, des assurances sociales et des
retraites. Il s’agit notamment de contraindre le patronat
à défalquer des profits les sommes nécessaires au
maintien de l’emploi, à l’instauration d’un
salaire minimum et à l’indexation automatique de tous les
salaires sur le coût de la vie. Il faut encore s’opposer au
démantèlement de l’assurance-chômage
concocté par le Conseil fédéral et plaider pour
une fusion de l’AVS et du deuxième pilier afin de garantir
à tous les retraité-e-s des rentes qui leur permettent de
vivre décemment.

Pierre Raboud, Hadrien Buclin