Congrès Unia • Lugano 9-11 octobre. Salaire minimum légal: vers une initiative fédérale?

Congrès Unia • Lugano 9-11 octobre. Salaire minimum légal: vers une initiative fédérale?

Durant trois jours, plus de 700 syndicalistes (400
délégués-e-s de toute la Suisse et plus de 300
permanent-e-s et invité-e-s) se sont réunis pour adopter
stratégie et objectifs, mais aussi renouveler les directions du
syndicat Unia.

Le questionnement sur la stratégie du syndicat, le sentiment
d’impuissance où se trouve le monde du travail face au
patron a traversé tout le congrès. Ainsi, le
congrès a discuté plus d’une heure autour
d’une phrase du texte sur la stratégie «La force
vient de la croissance de l’effectif de membres» que le
groupe jeunesse proposait de remplacer par «la force vient de
l’encadrement des membres»! A cette occasion est ressortie
l’énorme frustration des permanent-e-s de base et des
militant-e-s face à une direction syndicale qui leur demande de
faire des adhésions à tout prix, ce qui ne laisse plus ni
l’espace ni le temps d’élaborer et
d’expérimenter des pratiques syndicales alternatives.

Cette phrase, en soi, n’allait rien changer, mais elle a
été l’occasion, pour le congrès,
d’exprimer une volonté de faire du syndicalisme autrement,
sans qu’une voie alternative ne soit très claire pour
l’instant. La phrase retenue a finalement été:
«La force du syndicat est celle du nombre
d’adhérents et de leur encadrement.»

L’accueil enthousiaste réservé aux militants de
l’atelier ferroviaire de Bellinzone (longue «standing
ovation»), porteurs d’une grève de plus d’un
mois, ce printemps, et animateurs remarquables d’une lutte pour
la défense des places de travail, a montré
également qu’une alternative est recherchée au
syndicalisme routinier.

La discussion sur l’extension des bilatérales n’a
heureusement plus l’intensité émotionnelle du
débat engagé lors du congrès de création
d’Unia en 2004. La décision sur la position en vue de la
votation du 8 février sur l’extension des accords de libre
circulation à la Bulgarie et la Roumanie sera prise par une
assemblée des délégués en décembre,
mais il y a un large accord pour un OUI assorti de demandes de
renforcement des mesures de contrôle du marché du travail.

Le congrès a aussi été marqué par
l’émergence des revendications des femmes (il y a à
l’intérieur d’Unia des groupes
d’intérêt, organisés de manière
autonome localement et centralement, groupe des femmes, des
migrant-e-s, des jeunes et des retraité-e-s). Les femmes ont
mené une bataille légitime, largement victorieuse, autour
de  leur représentation dans le syndicat. Dorénavant
elles auront droit à au moins un tiers de représentantes
à tous les niveaux du syndicat, du comité local au
comité directeur.

Le salaire minimum légal (inscrit dans la loi) a fait son
entrée dans les débats du congrès. La section de
Genève proposait en effet qu’Unia lance une initiative
populaire fédérale pour un salaire minimum légal
(SMIC) de l’ordre de 4000 francs mensuels, qui ne soit pas
contradictoire avec des conventions collectives de travail qui
contiennent des salaires minimaux plus élevés.

La comité central s’y opposait, proposant de
l’accepter pour examen en demandant de pouvoir étudier
plus en profondeur les avantages et inconvénients d’une
initiative populaire. La réponse du comité directeur,
c’est les campagnes syndicales et la lutte pour des conventions
collectives de travail qui fixent des salaires minimums, mais cela ne
répond pas à la réalité de tous les
secteurs à bas salaires qui échappent aux conventions
collectives et à l’extension du travail précaire
sans protection sociale. Un salaire minimum légal national,
éventuellement modulé par branches et régions, est
une nécessité.

Malgré l’opposition du comité directeur, la
proposition de lancer  une initiative a obtenu 143 voix (contre
174 à la proposition de ne l’accepter que pour examen).
Avec un tel résultat, la question du salaire minimum
légal et des moyens de l’imposer ne peut que rebondir
à l’assemblée des délégué-e-s.

Au final, ce fut un congrès à l’image du monde du
travail d’aujourd’hui: une grande frustration face aux
inégalités et aux injustices qui s’accentuent et la
difficulté à trouver les voies d’une mobilisation
qui permette de renforcer les salarié-e-s.

Henri Vuilliomenet