Musées neuchâtelois:  «RIMUS» tourne au vinaigre

Musées neuchâtelois:  «RIMUS» tourne au vinaigre

Le «Rapport sur la
réorganisation des musées de la Chaux-de-Fonds
(RIMUS)» signé par le Conseil communal suscite un
véritable branle-bas de combat dans les milieux culturels du
canton. Il faut dire que le Conseil communal leur donnait des verges
pour se faire fouetter. Attaquant le prétendu conservatisme des
musées, les signataires n’y vont en effet pas de main
morte: «Ne pas assumer pleinement ces changements de paradigme
signifie favoriser et encourager des tabous, de fausses
vérités intouchables. Comme par exemple que
d’affirmer que la fermeture d’un musée serait une
catastrophe» (p.12 du rapport).

Ce rapport pose deux problèmes, son contenu et la personne qui
l’a rédigé: en été 2007, la commune a
engagé Francine Evéquoz, dont le cahier des charges
stipule qu’elle doit faire un rapport sur l’état des
musées de la ville et proposer une réorganisation des
institutions, dont elle deviendrait la cheffe (musée
international de l’horlogerie, musée des beaux-arts,
musée d’histoire, institutions zoologiques).

Son rapport est une charge violente contre les actuel-le-s responsables
des musées (qui deviendront ses subordonné-e-s!) et un
appel aux politiques pour reprendre le pouvoir sur la culture. Sous le
titre «Recommandations pour le futur», le rapport propose
notamment de «restreindre le cercle des décideurs au
politique […]; ne pas impliquer les conservateurs dans les
décisions d’ordre politique; […] remettre en question
certaines vérités.» (p.23). Autre recommandation:
«changer la structure en nommant un seul chef de service 
(qui sera Francine Evéquoz en personne!) et quatre commissaires
d’exposition/conservateurs de collection (les actuels
responsables des musées), hiérarchiquement
subordonnés au chef de service» (p.25). Le tout est un
copié-collé du discours néolibéral
enseigné dans les écoles de management, ce qui pourrait
faire sourire au moment où la crise financière met en
accusation les dérives pratiques du libéralisme.

La réaction a été telle que
l’éditorialiste de L’Impartial/Express a
déjà enterré le rapport, en demandant «Quel
miracle pourrait sauver un bébé atteint de telles tares
congénitales?»

Pourquoi le Conseil communal s’est-il engouffré
derrière le rapport de Francine Evéquoz qui
démolit tout ce qui existe pour faire place nette à sa
personne? Quelle mouche l’a piqué? Plusieurs… et des
grosses.

Une agglomération cantonale

La volonté de faire des économies sur le long terme?
Peut-être bien, mais l’essentiel est ailleurs puisque le
poste de Madame Evéquoz est en lui-même une charge
budgétaire non négligeable. Plus sournoise, la pression
permanente du Conseil d’Etat. Pratiquant une politique
d’austérité à tout va, le Conseil
d’Etat (avec sa majorité rose-verte élue en 2005)
non seulement démonte et privatise tout ce qu’il peut,
mais, dans l’espoir de décrocher des subventions
fédérales du programme soutenant les transports publics
des villes et de leurs banlieues pour le TRANSRUN (un métro
censé relier le haut et le bas du canton), il met au centre de
son programme le RUN (réseau urbain neuchâtelois), ce qui
revient à considérer le canton de Neuchâtel comme
une seule ville (de plus de 100 000 habitant-e-s).

Si l’on définit le canton comme une seule
agglomération, le RUN pourra justifier toutes les mesures de
suppression des institutions de proximité. Les hôpitaux
sont déjà en train d’être
démontés dans cette perspective; les
théâtres sont soumis aux mêmes pressions et les
musées ne perdent rien pour attendre. L’argument
n’est pas encore formulé si franchement, mais gageons que
la question ne tardera pas à surgir: pourquoi deux musées
d’art dans une ville? Et deux musées d’histoire? Et
deux musées d’histoire naturelle? Voilà qui annonce
de nouvelles batailles de marchands de tapis entre Haut et Bas du
canton.

Des économies à n’en plus finir?

«Rimus» serait-il une façon, pour les
autorités communales de se préparer à
défendre – à temps – leurs musées, en nommant une
seule personne acceptant de sacrifier tel musée au profit de tel
autre? «Suite aux difficultés rencontrées dans la
planification cantonale muséale, la réorganisation des
musées de la ville est une étape que celle-ci s’est
fixée pour permettre la mise en place de nouvelles structures
communales avec l’espoir que, dans un futur inconnu,
d’autres villes du canton pourront profiter de cette
réorganisation.» (p. 11)

Mettre les économies au poste de commande, c’est oublier
que les musées du canton sont ancrés dans
l’histoire, la vie, l’imaginaire collectif des
régions, qu’ils rayonnent bien au-delà des
frontières cantonales grâce aux femmes et hommes
passionnés qui sont à leur tête et qui en ont fait
de remarquables lieux de connaissance et de réflexion.

Une autre mouche distille son venin: c’est l’UDC qui
mène campagne pour la réduction des budgets communaux et
cantonaux et qui aujourd’hui a les musées dans son
collimateur. La mode (néolibérale) est aux concentrations
et aux économies; que la gauche s’engouffre et
s’empêtre dans cette logique est préoccupant. Que le
Conseil communal cède à ces pressions, voilà qui
inquiète. Comment la gauche majoritaire imagine-t-elle
l’avenir du Canton – Haut et Bas confondus -? Le RUN
signifiera-t-il démontage de tout ce que des
générations ont mis en place avec peine et conviction?
Quelles seront les prochaines institutions sur la sellette?
Après les médiathèques, les bibliothèques?
A l’heure d’Internet, il reste de belles économies
en perspective.

L’Impartial suggère que la place de RIMUS se trouve
à la poubelle. Mais le TPR (Théâtre populaire
romand) pourrait peut-être se saisir de ce rapport pour le
transformer en un spectacle sur les stéréotypes du
langage néolibéral? De quoi faire rire toute la ville.
«Rien ne se perd, rien ne se créé…».

Henri Vuilliomenet

Pour plus d’infos:

www.sauvonsnosmusees.ch