Sanctions, nationalisations: toc et simili sont tendance

Sanctions, nationalisations: toc et simili sont tendance

Quel appétit, ces néolibéraux! Vous les avez vus
manger leur chapeau, de télés en radio, de journaux en
revues? Brûlant en un jour ce qu’ils avaient adoré
hier. Tel pontifiant consultant expliquant que lorsqu’il y a
crise économique, il est normal que l’Etat intervienne.
Tel autre soulignant les insuffisances de l’autorégulation
des marchés. Avec en prime, un président de la
République française qui, durant sa campagne
électorale trouvait que les Français
n’étaient pas assez endettés, et qui prend
aujourd’hui la tête d’une campagne de moralisation du
capitalisme. Une attitude qui lui va comme une raquette de tennis
à un homard. A la réception de son prix de la Fondation
Elie Wiesel pour l’Humanité (on n’invente rien!),
Sarkozy, dans un cadre luxueux et devant un parterre de richards en
smoking et robes longues, s’exclama «Qui est responsable du
désastre? Que ceux qui sont responsables soient
sanctionnés et rendent des comptes.»

Et voilà l’écran de fumée des
«responsables du désastre» qui
s’élève. Bien sûr que l’on trouvera,
ici où là, des responsables. Quand un système est
au bord de l’effondrement, il y en a toujours un pour faire le
geste de trop. Aux Etats-Unis, le FBI enquête et la banque JP
Morgan est soupçonnée d’avoir
délibérément précipité la chute de
sa rivale Lehman Brothers. En Allemagne, Angela Merkel,
ulcérée par l’ampleur de la crise de l’Hypo
Real Estate, quatrième banque du pays, trouvera sûrement
quelques dirigeants à châtier. Et alors? La star des junk
bonds (obligations pourries), Michael Milken, a été
condamné à dix ans fermes en 1990 pour escroquerie.
L’exemple n’a retenu personne, et certainement pas ses
anciens collaborateurs, dont certains ont rivalisé
d’invention pour mettre au point de nouveaux outils financiers,
encore plus complexes et plus risqués, en particulier au service
de l’assureur américain American International Group (AIG).

AIG, troisième assureur mondial, est justement
l’emblème des prétendues
«nationalisations» auxquelles procèdent actuellement
nombre de gouvernements, aux Etats-Unis comme en Europe. En
réalité, la Réserve fédérale
américaine n’a fait qu’avancer, pour deux ans, 85
milliards de dollars en échange de 80% du capital de
l’entreprise. Le temps d’assainir l’entreprise, puis
de la replacer sur le marché, à l’exemple de ce qui
avait été fait pour le fabricant d’automobiles
Chrysler dans les années 80. Parler de nationalisation à
ce propos est plus qu’un abus de langage, tant font défaut
des caractéristiques essentielles d’une authentique
nationalisation. Nationaliser, c’est exproprier les anciens
propriétaires, pour inscrire une autre logique de fonctionnement
dans l’entreprise que celle du marché (priorité
à l’emploi, aux conditions de travail, au caractère
de service public de la production.) Même la présence de
l’Etat comme actionnaire principal n’a pas pour effet
d’imposer une dynamique différente de celle du capital.
Les travailleurs et les travailleuses de Renault, mais aussi ceux de
CFF Cargo ou de la Poste en Suisse le savent bien. Dans la crise
actuelle, on n’assiste donc nullement à des
nationalisations d’entreprises, mais simplement à la
très vieille recette capitaliste consistant à
étatiser les pertes aujourd’hui et à reprivatiser
les bénéfices demain.

Dans les banques et le secteur financier en général, une
véritable nationalisation ne peut commencer sans la levée
du secret bancaire. Les banquiers suisses le savent bien: lors de leur
assemblée générale 2008, leur président
s’est exprimé à la fois sur la crise
financière (due aux excès de quelques-uns, bien
sûr) et sur la nécessaire défense du secret
bancaire. Sans faire sauter ce verrou, il est illusoire de vouloir
nationaliser. Les interdépendances sont trop fortes et de plus,
les comptes bancaires sont une vitrine quelquefois sans grand rapport
avec ce qui se trouve réellement en magasin.

Mais il ne suffit pas d’aller mettre son nez dans les affaires
des gnomes de Zurich ou de Genève, il faut encore modifier
radicalement les objectifs de fonctionnement de l’entreprise pour
que l’on puisse parler de nationalisation, qui ne saurait se
ramener à un changement de statut de propriétaire,
privé puis public. Cette conversion, Olivier Besancenot la
décrit ainsi: «Il faut mettre en place un service public
bancaire, sous le contrôle des salariés du secteur et de
la population, un service public décentralisé et
mutualisé, qui aura pour objectif de drainer
l’épargne et de mobiliser le crédit pour satisfaire
les besoins sociaux décidés par la collectivité.
Pour cela, les banques et les établissements de crédit
doivent être nationalisés, sans indemnités et sans
vente ultérieure des actifs.»(www.rezocitoyen.org).

Ce n’est évidemment pas l’objectif du plan Paulson,
ni celui de l’Islande et encore moins celui de Sarkozy, qui ne
cherchent qu’à sauver les meubles du capitalisme et
à faire porter le coût de cette mise en
sécurité aux salarié-e-s contribuables. 

Daniel Süri