Controverse autour des «botellones»

Controverse autour des «botellones»



Les «botellones», ces
rassemblements de jeunes organisés via des réseaux
sociaux sur Internet (facebook), ont suscité la polémique
dans les médias romands cet été. Si ce
phénomène ne semble pas mériter une telle
importance, la réaction du groupe A Gauche Toute! (AGT) au
Conseil communal de Lausanne peut néanmoins poser
problème. C’est pourquoi nous publions ci-dessous le
communiqué de presse d’AGT suivi d’une position
quelque peu divergente.

Les «botellones» ne sont que des avatars de la société de consommation!

Le groupe AGT! du conseil communal de Lausanne a pris connaissance de,
et soutient, la décision de la Municipalité de ne pas
autoriser le botellón prévu le samedi 23 août sur
l’Esplanade de Montbenon.

Ces réunions massives invitant à une consommation
excessive d’alcool sont convoquées par Internet et
s’adressent particulièrement aux jeunes, souvent mineurs,
qui constituent une population vulnérable en matière de
dépendances.

Pour AGT!, il ne s’agit pas de moraliser, ni de diaboliser ces
rassemblements et leurs participant-e-s, mais de mener une politique
active de prévention, notamment en faisant mieux respecter les
lois en matières de vente d’alcool aux mineur-e-s. Dans ce
domaine, force est de constater que la loi n’est pas suffisamment
respectée, et ce, uniquement pour des raisons de profit.

Enfin pour le groupe AGT!, les botellones ne constituent nullement une
alternative, autogérée et non commerciale de faire la
fête, mais sont une illustration caricaturale de la
société de consommation.


La polémique autour des botellones reflète les vieux
fantasmes qui circulent sur la jeunesse: une jeunesse qui serait
toujours plus dépravée, fuyant les responsabilités
de l’âge adulte par des excès de plus en plus
dangereux.

Il y a peut-être du vrai dans l’affirmation selon laquelle
le botellón est un reflet de la société de
consommation. Mais cela n’est sans doute pas aussi vrai que
l’affirmation suivante: l’interdiction du botellón
est une expression des réponses sécuritaires qui
malheureusement conditionnent les choix politiques actuels des partis
bourgeois et de la gauche gouvernementale.

Faire le constat, de manière cohérente, que le
botellón est un reflet de la société de
consommation, ce serait avant tout dénoncer l’absence de
perspectives dans la société capitaliste, ce serait dire
que les jeunes vivent dans un environnement productiviste et stressant
qui peut pousser, le week-end venu, à rechercher dans les
beuveries une distraction temporaire. Ce constat fait, les
réponses répressives apparaissent
précisément comme stériles. Au fond, ce sont les
réponses traditionnelles de la bourgeoisie face à un
malaise qu’elle a précisément contribué
à propager par sa politique.

Lorsque les réponses sociales perdent du terrain, l’Etat
pénal a tôt fait de s’y substituer. Cet Etat
pénal dont l’affaire du botellón à Lausanne
a montré un visage caricatural: un parc public, pourtant
occupé par des jeunes tous les week-ends, bouclé par des
barrières disposées en Vauban et par une mobilisation
policière pour le moins disproportionnée. La prochaine
fois, pourquoi ne pas suggérer au Municipal de la police
d’instaurer un simple couvre-feu…

Une autre réponse était possible: tolérer le
botellón, en mettant en évidence les questions de
prévention face aux risques pour la santé liés
à l’abus d’alcool ou encore face aux risques de
violence qu’implique, en particulier vis-à-vis  des
femmes, la perte de maîtrise de soi.

La manière dont le communiqué d’A Gauche toute!
s’arroge le droit de décréter ce qui est
«alternatif» et «autogéré» de ce
qui ne le serait pas peut laisser sceptique. Au fond, ce qui pose
vraiment problème, c’est que la majorité dite de
gauche à Lausanne cesse justement d’être
«alternative». En se posant en tenant de l’ordre et
de l’hygiène, elle ne fait que singer la politique
qu’elle devrait combattre. Dès lors, pourquoi ne pas
interdire prochainement cet autre botellón géant que sont
les caves du Comptoir suisse?

Hadrien Buclin et Pierre Raboud