Bolivie: bataille gagnée pour Evo Morales, mais la droite poursuit l’affrontement

Bolivie: bataille gagnée pour Evo Morales, mais la droite poursuit l’affrontement

Avec 67% des suffrages à
l’échelle nationale (soit 13% de plus qu’aux
élections présidentielles de 2006), le président
bolivien Evo Morales a remporté le référendum
révocatoire du 10 août 2008. Mais comme les préfets
de droite dans les quatre départements orientaux, dits de la
«Media Luna», ont également été
confirmés dans leurs fonctions, le gouvernement bolivien
n’en a pas fini avec les campagnes déstabilisatrices.

La campagne référendaire ne fut pas une partie de plaisir
pour Evo Morales, l’opposition ayant mené une série
d’actions musclées: ainsi, la session d’honneur que
le Congrès national devait tenir dans la capitale historique,
Sucre, pour le 183e anniversaire de l’indépendance a
dû être annulée.

En cause, le manque de sécurité pour les participant-e-s
(député-e-s, fonctionnaires et invité-e-s), dans
ce département tenu par l’opposition. Une rencontre
prévue à Tarija entre Evo Morales, Hugo Chávez
(République bolivarienne du Venezuela) et Cristina Kirchner
(Argentine) a dû être suspendue, après des attaques
menées par les «gros bras» de la droite contre les
délégations venues préparer le sommet. Enfin, le 7
août, le préfet de Santa Cruz, Ruben Costas, appelait
l’armée bolivienne à renverser Evo Morales.

Par ailleurs, un épisode tragique survenu dans la semaine
précédant le scrutin témoigne de sérieuses
contradictions entre les autorités et des secteurs du mouvement
ouvrier: le 21 juillet, la Centrale ouvrière bolivienne (COB)
avait lancé une grève illimitée contre la nouvelle
loi sur les retraites. Le 6 août, 2 mineurs ont été
tués lors d’affrontements avec la police (corps
hérité des précédents gouvernements de
droite). Depuis lors, la COB et le gouvernement ont cependant
trouvé un accord pour rediscuter cette loi et faire baisser la
tension consécutive à l’affrontement du 6
août.

Des résultats clairs

Au soir du 10 août, le score présidentiel était
déjà sans appel: 63% des bulletins
dépouillés. Si Evo «cartonne» dans les
régions de l’Altiplano (Ouest de la Bolivie), ses
résultats définitifs enregistrés dans la
«Media Luna» montrent une avancée significative (53%
à Pando, 49,83% à Tarija, 41% à Beni, et 38%
à Santa Cruz, bastion de la droite la plus
récalcitrante).

Mais la reconduction des préfets de droite indique que le
thème des «autonomies» régionales, même
manipulé, trouve un écho au-delà de
l’électorat de la droite. Néanmoins, dans deux
départements (La Paz et Cochambamba), les préfets de
droite sont retoqués par les électeurs, tandis
qu’à Oruro, Luis Alberto Aguilar (MAS) est reconduit de
justesse (50,7%).

Une majorité des citoyen-ne-s boliviens se sont prononcés
en faveur d’une politique qui se traduit par la
récupération des entreprises publiques et des ressources
naturelles (nationalisation des hydrocarbures, le 1er mai 2008,
opposition à la privatisation de l’eau), des lois sociales
avec la mise en chantier d’une nouvelle Constitution
(reconnaissant les droits des communautés indigènes).

Toutefois, la réaction de la droite (battue nationalement, mais
victorieuse dans ses fiefs historiques) est significative: au soir du
10 août, le préfet de Santa Cruz, Ruben Costas, proclamait
la mise en vigueur du statut d’autonomie, notamment par la
constitution d’une police départementale (qui recrutera
certainement parmi l’Union de la Jeunesse de Santa Cruz, aux
arguments très frappants durant la campagne
référendaire).

Fidèle à la tradition raciste de la droite, Ruben Costas
n’a pas hésité à qualifier Evo Morales de
«macaque» (et le président
vénézuélien Hugo Chávez de «gros
macaque»…)! Des propos non relevés par les
médias nord-américains et européens, prompts
à soutenir les opposants aux gouvernements
latino-américains jugés non récupérables
(au contraire d’un Lula, au Brésil). Ces prochains mois,
le peuple bolivien aura encore fort à faire pour faire respecter
ses choix démocratiques.

Hans-Peter Renk

«Le Temps»…à contre-temps !

Le mardi 12 août, le journal «Le Temps»
(Genève) rendait compte du scrutin du 10 août, avec une
dépêche de l’AFP et un article de Paulo A.
Paranagua, «Nouveau souffle pour Evo Morales».

Selon ce texte, le président bolivien «est
contesté par la droite, débordé par
l’extrême gauche et lâché par une bonne partie
de ses propres électeurs»
. Pourtant, la dépêche annonce un vote de 63% pour Evo Morales. Comme lâchage, on a vu pire…

Pourquoi cette incohérence? «Le Temps» a simplement
repris un article du journal «Le Monde» (Paris), paru le 9
août, titré: «En Bolivie, Evo Morales joue son
va-tout dans un référendum sur son mandat»,
signé de Paulo A. Paranagua (ex-révolutionnaire
brésilien, devenu «spécialiste»
néolibéral de l’Amérique latine). Si
l’article est hostile à Evo Morales, la date de sa
publication dans «Le Monde» est cohérente…

Par contre, publier ce texte – en modifiant le titre -, après le
scrutin, dans un journal romand relève d’un certain
provincialisme. «Le Temps» pourrait méditer une
formule bien connue des guérillas latino-américaines:
«El tiro le salió por la culata» [la cartouche est
sortie par la culasse]. (hpr)