Vers un Nouveau Parti Anticapitaliste en France

Vers un Nouveau Parti Anticapitaliste en France

Celui qui préside désormais aux destinées de la République française n’a pas pu contenir le petit enfant vantard qu’il porte en lui. Il fallait qu’il montre une fois encore à papa et à maman comment il avait surclassé tous les autres. Alors, devant le conseil national de son parti, l’UMP, Nicolas Sarkozy a lâché, avec le même air ravi qu’il affiche lorsqu’il montre sa Rolex: «Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit.»

Fanfaronnade et provocation? Bien sûr, mais pas seulement. Devant ses compères, et au-delà, devant la classe qu’il représente, il affirmait ainsi fièrement que nul autre avant lui n’avait osé mener une telle offensive contre la population laborieuse et le mouvement ouvrier organisé.

Car les attaques sont là, bien réelles, traduites en lois, votées ou déjà en cours d’application. Que ce soit sur les 35 heures, l’assurance-maladie, l’enseignement public, la politique de la santé, la réforme de l’Etat, la «démocratie sociale» (soit la représentativité syndicale), le chômage et les «droits et devoirs» des chômeurs-euses, ou encore sur le service minimum dans la fonction publique, les contre-réformes s’avancent groupées, prêts à passer devant un parlement convoqué en session extraordinaire durant ce mois de juillet. Plus que servi et rassasié par ces textes, le patronat français, regroupé dans le Medef, a même été jusqu’à crier casse-cou au gouvernement, craignant les dégâts sociaux collatéraux d’un tel passage en force.

Mais l’Omniprésident – malgré la collaboration, ouverte, de certains syndicats comme la CFDT ou, plus ou moins honteuse, de la direction de la CGT – n’est pas pour autant au bout de ses peines. D’abord, sa volonté de «modernisation» de la société française et d’allègement de l’appareil d’Etat sape certaines bases sociales de son propre parti (dans et autour de l’armée, dans la justice et le barreau, parmi les notables locaux). Ensuite et surtout, la volonté de lutte d’une bonne partie de la population, touchée par la crise et cette politique néolibérale, ne recule pas significativement. Malgré la multiplication des manifestations restées sans lendemain, malgré l’arrogance des dominants et malgré le refus délibéré du Parti socialiste de faire quoi que ce soit d’autre que ses gesticulations impuissantes d’opposition parlementaire à Sa Majesté Sarko 1er. Pour autant, d’ailleurs, qu’opposition il y ait.

A la confluence de ce double mouvement, d’une résistance sociale à la recherche de débouchés politiques d’une part et de désaffection d’une partie de son électorat d’autre part, la courbe de la popularité de Sarkozy est au plus bas. Ceux et celles qui avaient pris pour argent comptant ses déclarations ronflantes sur le pouvoir d’achat et son respect de la France qui se lève tôt s’en détournent ; les autres ne veulent toujours pas de sa politique et de ses conséquences.

C’est dans ce cadre que croît la popularité du porte-parole et ancien candidat à la présidentielle de la LCR, Olivier Besancenot, figure médiatique dont certains sondages assurent qu’il apparaît comme le principal opposant à Sarkozy auprès de la population française. Méfions-nous de ces improbables et éphémères conjonctures sondagières. Prenons acte toutefois de ce que derrière ce soutien à la personne d’Olivier se dessine autre chose: une demande politique de construction et de développement d’une «vraie» opposition, radicale et anticapitaliste. L’écho de la proposition de création du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) faite par la LCR, les débats qu’elle a suscités, les prises de position qui l’ont accompagnée ont donné un premier signe de cette attente. Confirmée fin juin lors de la première réunion nationale des Comités pour le NPA, qui a regroupé plus de 800 délégué-e-s, provenant de la quasi-totalité des départements français (seuls deux manquaient à l’appel) et représentant plus de 300 comités. A l’automne, le processus de constitution du nouveau parti sera lancé, avec ses débats sur le programme, le fonctionnement et le nom de la nouvelle organisation.

La soudaine fébrilité d’une partie des dirigeants du Parti socialiste, qui ont constitué une cellule spéciale pour suivre de près ce qui se passe dans ce coin de l’échiquier politique – loin là-bas, à gauche… – indique que tout cela n’est pas politiquement insignifiant. D’autres, inquiets pour leur plan de carrière, comme le député Pierre Moscovici, ont ressorti de leur remise à épouvantails l’anathème suprême: Besancenot est l’allié objectif de Sarko. Comme si le meilleur allié de l’Omniprésident n’était pas le spectacle démoralisant d’un PS en pleine préparation de congrès, comptant ses candidats-e-s à la présidentielle de 2012 et leur écurie.

Manifestement, le seul «débat de fond» qui émerge de la majorité de textes précongressuels du PS porte sur la question de la forme à donner à l’adaptation à la gestion néolibérale: faut-il la proclamer, l’avouer à demi-mot ou la masquer? Alors qu’il s’agit de la rejeter, de construire l’organisation qui permettra d’exprimer politiquement ce refus et d’avancer les éléments d’une réponse socialiste à la crise du capitalisme, visible dans ses trois dimensions actuelles: financière, alimentaire et écologique.

Daniel Süri