Fusion des caisses de pension publiques: les assurés ont de quoi s’inquiéter

Fusion des caisses de pension publiques: les assurés ont de quoi s’inquiéter

Vif débat – stérile – au
Grand Conseil lors du débat d’entrée en
matière sur le projet de loi du Conseil d’Etat instituant
une Caisse de pension unique pour la fonction publique du canton de
Neuchâtel. L’offensive d’une droite unie autour de
deux idées fixes – passer à un système de
primauté des cotisations et augmenter l’âge de la
retraite – a contraint solidaritéS de voter le retour du projet
en commission, avant même d’avoir pu défendre son
amendement en faveur d’une pleine adaptation des rentes au
renchérissement du coût de la vie.

Une chose est sûre: les 22 000 assuré-e-s, directement
concernés par cette fusion de leur caisse de pension, ont de
quoi être inquiets.

La création d’Hôpital Neuchâtelois (HNe),
société publique de droit privé regroupant tous
les hôpitaux publics, nécessite la fusion de trois caisses
de pension, celles des communes de La Chaux-de-Fonds et de
Neuchâtel avec celle du canton, les trois employeurs
précédents du personnel hospitalier.

Il aura fallu force spécialistes et des centaines d’heures
de travail pour parvenir à ce que le Conseil d’Etat et la
commissaire paritaire pensaient être un consensus acceptable:

  • les représentants des employé-e-s ont
    accepté un système moins favorable, puisque la rente ne
    serait plus calculée en fonction du dernier salaire, mais sur
    les 5 dernières années. L’indexation des rentes au
    coût de la vie ne serait plus garantie qu’à
    moitié, le solde étant laissé à
    l’appréciation du conseil d’administration de la
    caisse. Cela fait encore l’objet d’un désaccord
    com-me la proposition du Conseil d’Etat, d’une adaptation
    des rentes actuelles au coût de la vie de 50% seulement au 1er
    janvier 2009;
  • les caisses des Villes et du Canton, avec des taux de couverture
    très différents (66% pour la caisse de la Ville de
    Neuchâtel, 96% pour celle de la Ville de La Chaux-de-Fonds et 70%
    pour celle du canton) et un rapport très inégal entre le
    nombre de cotisant-e-s (actifs et actives) et de retraité-e-s
    ont dû jongler pour tenter de lisser les différences;
  • du côté des employeurs, la cotisation ne serait pas
    échelonnée selon l’âge des assuré-e-s
    et se situerait entre 140 et 155% de la somme des cotisations
    versées par les employé-e-s.

Bref, sans entrer dans tous les détails, tout le monde semblait
s’être plus ou moins mis d’accord….et comme tous
avaient «consenti à des efforts», le Conseil
d’Etat pouvait espérer que son calendrier
«très serré» passerait comme une lettre
à la poste devant le Grand Conseil. Le choix d’une fusion
rapide permettait de sortir au plus vite de
«l’illégalité» les 2200
employé-e-s de HNe soumis actuellement à des caisses et
des conditions différentes.

C’était mal connaître la droite! Les porte-paroles
des groupes libéral-radical et UDC, jouant sur
l’obligation du Grand Conseil d’accepter ce projet à
une majorité de 2/3 (frein à l’endettement
oblige…) n’ont pas hésité à attaquer le
principe de la primauté des prestations, à
défendre une couverture du capital à 100% et à
exiger une remise en cause à la hausse de l’âge de
la retraite, fixé actuellement par la caisse de pension à
62 ans.

Bien qu’un taux de couverture de 100% coûterait 1.2
milliard à la collectivité publique, la droite n’a
pas cédé. Les amendements proposés par
solidaritéS et PopVertsSol pour garantir une pleine adaptation
des rentes au renchérissement du coût de la vie
n’ont pas pu être développés en
plénum. Ils devront être repris au sein de la commission
du Grand Conseil. Les débats s’annoncent difficiles.
Affaire à suivre.

Marianne Ebel

Capitalisation des caisses de pension: tout bénéfice pour les banques et les assurances!

Le processus de fusion de trois caisses publiques dans le canton de
Neuchâtel fait une nouvelle fois resurgir la complexité du
système des caisses de pension. Il y en a plus de 2500 en
Suisse, toutes différentes par leur taux de cotisations, par le
rapport entre le nombre de cotisant-e-s et le nombre de
rentiers-ères, par le taux de couverture, par les prestations
garanties, etc.

Elles accumulent, selon le principe de la capitalisation, des fortunes
colossales que les banques se font un plaisir d’investir dans de
multiples fonds, actions et obligations.

Le capital global des caisses (deuxième pilier) approche les 600
milliards. Elles encaissent actuellement 35 milliards de cotisations
par an (taux moyen de cotisations 17% du salaire, part employeur +
employé) auxquelles s’ajoute le rendement variable du
capital. Elles distribuent 25 milliards de rentes vieillesse et
invalidité, avec des frais de gestion qui
s’élèvent à 2.5 milliards soit le 10% des
rentes versées.

Pour comparaison, l’AVS, basée sur le principe de la
répartition (les cotisations des actifs-ves sont
redistribuées aux retraité-e-s), perçoit des
recettes de 34 milliards, composées de cotisations pour 24
milliards (11% du salaire, part employeur + employé), de
contribution des pouvoirs publics à hauteur de 8 milliards
auxquels s’ajoute le rendement du capital. L’AVS verse 31
milliards de rentes, avec des frais de gestion de 0.15 milliard.

Jusqu’à aujourd’hui, les caisses de pension publique
pouvaient se permettre un taux de couverture plutôt faible1,
70 à 85%, qui partait du principe que l’Etat ne va pas
disparaître et que son personnel est stable. Evidemment, avec la
venue des privatisations, des restructurations de l’Etat, les
autorités fédérales ont exigé que les
caisses publiques s’alignent à terme sur les caisses
privées, c’est-à-dire garantissent une couverture
de 100%, plus des réserves, en cas de gros temps.

Le principe de répartition, tel qu’il est prévu par
l’AVS, est beaucoup plus simple et transparent. Plus sûr
aussi, puisque moins exposé aux spéculations et à
l’effondrement – jamais exclu – de la bourse.

Mais le rapport de force social ne permet guère de poser cette
question: les syndicats et la social-démocratie continuent
à défendre avec acharnement le principe de capitalisation
des caisses de pension, et les montants accumulés créent
un état de fait qui ne peut que difficilement être remis
en cause en dehors d’une crise générale du
système boursier.

1 Un taux de couverture de 100% signifie qu’en cas de faillite de
l’entreprise, la caisse pourrait rembourser tous les capitaux des
actifs et payer les rentes des retraités.