ADN sans gêne : la génétique au service de l’« immigration choisie »

ADN sans gêne : la génétique au service de l’« immigration choisie »

La controverse sur les tests ADN a
marqué l’opposition croissante à la politique
sarkozyste de l’immigration«choisie». Elle a
gagné sur certains points y compris les sphères du
pouvoir et a rendu particulièrement laborieux
l’accouchement de sa dernière mouture législative.
Dans ce domaine brûlant, le collectif «Uni(e)s Contre
l’Immigration Jetable» a appelé, avec d’autres
mouvements de soutien, à une grande mobilisation nationale en
France samedi 5 avril contre la politique du président Sarkozy
et du gouvernement Fillon.

Cet appel affirme que: «La liberté de circulation des
êtres humains est une valeur fondatrice de la civilisation et de
la démocratie», refuse «une politique qui
instrumentalise l’immigration au profit d’une politique
antisociale et liberticide», et exige:

  • l’arrêt de la chasse aux sans-papiers;
  • une politique opposée à l’Europe forteresse;
  • le droit au logement, à la santé, à l’éducation et au travail pour toutes et tous.

Les objectifs de la manifestation faisaient écho au
nécessaire combat contre les lois et pratiques discriminatoires
qu’inspire dans ce même domaine l’UDC, ici où
Blocher incarne les récentes inflexions d’une même
politique d’hostilité aux migrant-e-s. La
résistance à ce parti, dont les phobies ethno-raciales et
les recettes démagogiques mordent sur un électorat
populaire désorienté, bute encore sur une
détermination à éclipses des partis traditionnels
et un manque de cohérence d’opposant-e-s souvent
dispersés.

Tests ADN en Helvétie

La complaisance de médias sous influence alterne parfois avec
une diabolisation contre-productive. L’UDC a trop longtemps
réussi, dévoyant la démocratie directe dont la
Suisse s’enorgueillit, à transformer l’isoloir en
antichambre de la xénophobie. Nous appelons  à
rejeter le 1er juin, son initiative sur les naturalisations, reflet de
sa stratégie d’appel obsédant aux urnes pour miner
ce qui lui résiste encore dans notre constitution.

La question des tests ADN quant à elle prend corps de ce
côté de la frontière lorsque l’Office
fédéral des migrations incite à demander, en cas
de doute dans le cadre du regroupement familial,
l’établissement d’un profil ADN comme preuve de
filiation, ici réduite à la biologie par le «droit
du sang».1 Contrairement à la loi
française, qui exige une autorité judiciaire ou
médicale, la législation suisse2 l’autorise sous réserve du consentement écrit du sujet.

Mais en pratique, la LEtr3 comme la LAsi l’imposent comme preuve de coopération du requérant à la procédure.4
Carlo Sommaruga (PS/GE), interpellé par la controverse en
France, indigné qu’un maquis de glissades
répressives défie la vigilance parlementaire et frise les
violations des droits humains, a bien déposé en octobre
une motion5 au National demandant des
éclaircissements au Conseil Fédéral. Celui-ci a
répondu en en proposant le rejet, allant jusqu’à
trouver juridiquement irréprochables de telles dispositions.

Ce cadre n’apparaît pourtant jamais assez contraignant aux
obsédés de la chasse aux immigré-e-s. Alfred Heer
(UDC/ZH), à peine élu au National, trépigne de
rendre le test obligatoire pour les ressortissant-e-s d’une
quarantaine de pays.6 Dans sa propre motion7, il
veut même en imposer le coût au requérant-e-s, ce
que l’Organisation suisse d’aide aux
réfugié-e-s trouve inacceptable. Les
délibérations sur ces motions sont encore à venir.

Retour sur le cas français

Le bref résumé qui suit est extrait d’un bilan des
méandres ayant conduit à la formulation encadrant les
tests ADN dans la loi française sur l’immigration.
Puissent-ils motiver qui désire combattre l’étau
que l’UDC veut resserrer sur les familles des migrant-e-s,
à recourir à l’original.8

Un peu d’histoire

Un épisode douloureux mais significatif a été clos
par la décision du Conseil Constitutionnel du 15 novembre 2007
de valider, sous réserve, l’article sur l’usage des
empreintes génétiques inscrit dans la mouture Hortefeux
des lois sur l’«immigration choisie». Il accordait
ainsi une victoire symbolique aux partisans d’un amendement du
député UMP Mariani. Toutefois, l’original avait
déjà subi tant de ratures pour passer, après
mobilisation impressionnante, l’instance du Sénat, que les
considérants ont fini par lui retirer toute portée
pratique. […]

L’amendement Mariani et sa logique

Présenté le 12 septembre 2007, l’amendement, dit
des tests ADN, modifiait les procédures d’octroi de visa
à fins de regroupement familial. […] Sous prétexte
d’augmenter les chances des candidat-e-s, voire la
productivité déficiente d’administrations
consulaires débordées, il visait à cautionner par
des tests, inaccessibles à la majorité des
requérant-e-s, le rejet de demandes systématiquement
suspectées de fraude. […] Le modèle de filiation
véridique que veulent imposer les autorités actuelles
contredit pourtant la conception en vigueur en France, basée sur
la reconnaissance volontaire […]. Il fait fi des liens
tissés par les familles adoptives ou recomposées dans nos
sociétés développées, comme de ceux propres
aux familles élargies par cousinage de nombre d’autres
populations, notamment africaines. […] 9

La question de fond

[…] C’est l’ambitieux et dangereux projet de faire
sauter les barrières éthiques qui font hésiter la
société civile à aller au bout de l’horreur
dans la chasse administrative à une immigration illégale
impossible à tarir dans les conditions présentes.
[…] Dans la levée de ces interdits moraux, la place que
tiennent des raisonnements empruntant à la
génétique est capitale. […]

Le résultat des courses

L’intégralité de l’article finalement
adopté est consultable au Journal Officiel.
L’étendue de ce qu’ont dû encaisser le
président et son ministre apparaît au grand jour. Le
gouvernement […] a dû accepter du Sénat la prise en
charge des frais par l’Etat, la limitation de la
vérification à la mère, la preuve de la libre
décision du requérant de s’y soumettre,
l’obligation de passer par le TGI de Nantes et autres
subtilités […]

Puis, le Conseil Constitutionnel a encadré l’article de
garanties supplémentaires, dont l’applicabilité de
la législation du pays d’origine en matière de
filiation et la poursuite des autres catégories de
vérification. […] Enfin la Haute Autorité de la
Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité, dans
sa délibération du 17 décembre, a donné
l’estocade en jugeant la mesure «discriminatoire» et
portant «atteinte aux droits fondamentaux tels que le droit au
respect de la vie privée».

Dario Ciprut


1     Directive de l’ODM de septembre 2004
2     LAGH, Loi sur l’analyse génétique humaine du 8.10.2004
3     «Lex Blocher» sur les étrangers et l’asile,
entrées en vigueur ce 1er janvier
4     «obligation de collaborer» reprise
de l’art. 3, al. 2, de l’ancienne LSEE
5     Motion  07.3761 «Pour une clarification en matière de tests ADN»
6     Suspectés de défaillance ou corruption
en matière d’état-civil
7     Du 20 décembre, avant même l’entrée en vigueur des lois concernées
8     Art. intégral «ADN quand tu nous
tiens», revue de l’Agraf (9 mars) v. www.solidarites.ch
9     Pour les cohérences avec les lubies
génético-racialistes du président v. version
intégrale