NON! Pas de naturalisations à la tête du client !

NON! Pas de naturalisations à la tête du client !

Initiative populaire fédérale «pour des naturalisations démocratiques»

La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit :

Art. 38, al. 4 Cst. (nouveau)

4 Le corps électoral de chaque commune arrête dans le
règlement communal l’organe qui accorde le droit de cité
communal. Les décisions de cet organe sur l’octroi du droit de
cité communal sont définitives.

Un slogan épatant pour un projet absurde? L’UDC Yves
Nidegger, conseiller national et député au Grand conseil
genevois, défendait dimanche 6 avril à Mise au Point
l’initiative «Pour des naturalisations
démocratiques».

Défendait? Mollement. Juriste, il sait bien que la
discrimination est interdite. Le Tribunal fédéral a
cassé le modèle d’Emmen que propose son parti. Il
sait aussi que ce modèle est inapplicable. Genève
naturalise 100 citoyen-ne-s par mois, et la procédure en cours
ne pourrait pas changer, même si l’initiative passait!

Il se réjouit pourtant, la mine gourmande, du bon slogan:
Comment en effet dire non à une proclamation démocratique?

Naturaliser à la tête du client?

Mais la démocratie ne fonctionne pas à la tête
du-de la client-e. Son existence suppose des droits
élémentaires parmi lesquels l’égalité
de traitement et le droit de chacun-e de recourir contre toute
décision d’une autorité. Se rappelle-t-on que
l’UDC combat aussi le droit de recours en matière
d’assurance-invalidité ou de défense de
l’environnement?

La Constitution suisse et les conventions internationales que la Suisse
a ratifiées prévoient ces droits que l’initiative
de l’UDC veut mettre en question.

La nationalité suisse ne dépend pas du pays
d’origine. Elle est conférée sur la base du dossier
de candidature qu’une personne a remis, et un droit de recours
protège cette dernière contre le risque d’une
décision arbitraire.

En présentant son projet comme démocratique, l’UDC
dupe ses électeurs-trices. La démocratie ne se
réduit pas au nombre. Des masses fanatisées peuvent
constituer une majorité, elles n’en sont pas
démocratiques pour autant. La démocratie suppose le
respect de principes. Elle suppose la formation de majorités
pour défendre des intérêts collectifs et condamne
l’appel à exclure. Voterons-nous demain pour savoir qui a
droit au travail, au logement, à la médecine ou à
l’école?

Naturalisations «démocratiques»: texte insignifiant, contenu inquiétant

Début 2007, Doudou Diène, le Rapporteur spécial de
l’ONU sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination
raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y
est associée, soumettait le rapport de sa visite en Suisse en
janvier 2006.

Elle avait pour objectif d’évaluer la situation du
racisme, de la discrimination raciale et de la xénophobie en
Suisse et les politiques et mesures adoptées pour y
remédier.

Pour préciser l’importance de l’enjeu, Doudou
Diène a souvent cité l’affiche de l’UDC qui
montrait des mains de couleur essayant d’attraper des passeports
suisses dans un panier, pour appeler à refuser la naturalisation
facilitée des jeunes étrangers-ères de la seconde
génération et l’acquisition de la
citoyenneté des étrangers-ères de la
troisième génération.

En août 2003, l’UDC avait entamé la campagne qui devait
porter Christoph Blocher au Conseil fédéral par un
publi-reportage contre la délinquance ethnique. A la veille des
élections nationales 2007, elle fêtait le 1er août
en lançant l’initiative «Pour plus de
sécurité», qu’illustrait son poster raciste
largement condamné: les Suisses, trois moutons blancs,
s’unissaient pour expulser le Noir.

Son initiative «pour des naturalisations
démocratiques» sera votée le 1er juin 2008. Le 31
mars, le Matin dimanche dévoilait son affiche de campagne,
à nouveau les mains de couleur s’emparant des passeports
qu’offrent les autorités.

Un véritable programme raciste

La lutte contre l’altération de l’identité
nationale due aux «ressortissants des pays qui n’ont pas
les idées européennes (au sens large)»1,
la question de savoir «si une législation contre le
racisme n’entamait pas de manière excessive le droit des
suisses à la préservation de leur propre identité,
respectivement à la délimitation par rapport aux
étrangers»2 ne parlent pas à l’opinion publique mais charpentent la politique suisse des étrangers.

L’UDC habille ce squelette. Ses clichés dessinent
l’étranger violeur ou dealer comme on caricaturait hier le
juif sans foi ni loi, rompu à tous les trafics. Elle joue tour
à tour le boutefeu, et le porte-parole d’une tradition
respectable et ces deux visages font sa force. Vingt ans de matraquage
contre les «abus dans le domaine de l’asile» ou la
«délinquance étrangère» ont
laissé de profondes traces.

Des images ont été collées sur les peurs et ces
peurs ont été attisées. Rumeurs et fantasmes ont
ressuscité le nationalisme raciste, le vieux démon
«völkisch». «Nos» lois, «nos»
institutions doivent être une digue contre les étrangers
sauvages et rapaces, sans elles «nous» serions
submergés.

L’UDC veut pouvoir retirer leur nationalité à des
personnes naturalisées qui auraient commis un délit. Elle
appelle à expulser les délinquants étrangers. Elle
présente l’islam comme une culture menaçante et
soutient l’initiative qui veut interdire la construction de
minarets. L’UDC multiplie les projets qui associent la
délinquance à la qualité d’étranger
et transforment la naturalisation en forteresse qui garderait la
frontière. La norme pénale reste menacée
même si les Démocrates suisses semblent aujourd’hui
les seuls à la combattre.

Karl Grünberg

ACOR SOS Racisme

1    
Rapport du Conseil fédéral du 15 mai 1991 sur la
politique à l’égard des étrangers et des
réfugiés
2     L’interdiction pénale de discrimination raciale
selon l’article 261bis CP et l’article 171c CPM Document de
travail de l’OFJ pour le hearing concernant la norme
pénale sur le racisme, Berne, Mai 2007