Municipales en France: la droite à la peine

Municipales en France: la droite à la peine

Il est des signes qui ne trompent pas.
Le peu d’empressement de nombreux maires de droite à se
revendiquer du parti de l’omniprésident bling-bling,
à l’image d’Alain Juppé à Bordeaux,
exprime bien le désenchantement d’une partie croissante de
l’électorat à l’égard de Sarkozy. A
gauche, le Parti socialiste espère se refaire une santé
en s’appuyant sur ses réseaux locaux et surtout sur une
gestion social-libérale qui lorgne sur sa droite, comme à
Paris (Delanoé) et Lyon (Collomb). Et à la gauche de la
gauche, notre lectorat romand sera peut-être surpris
d’apprendre la présentation de listes «A Gauche
toute !» dans plusieurs villes…

Sans vouloir faire de cette échéance électorale un
tournant fondamental dans la situation politique française, elle
n’en prend pas moins valeur de test pour la majorité de
droite, dix mois après l’élection
présidentielle. L’Elysée le sait bien, qui voulait
en faire un enjeu national, avant de faire marche arrière, au vu
des sondages, peu flatteurs. L’impopularité de Sarkozy
croît, sur fond de pouvoir d’achat écorné,
d’emplois supprimés, de cadeaux aux plus riches et de plan
pour les banlieues, oublié avant même d’avoir
été présenté, sans parler du million de
logements sociaux manquants.

Les signes de résistance sont cependant là, de la
grève des cheminots de l’automne passé au mouvement
contre la loi Pécresse sur les universités. En ajoutant
aussi la récente mobilisation des «hôtesses de
caisse» de la grande distribution. Face à ces luttes, le
Parti socialiste n’avait rien à dire, ni rien à
faire. Cela n’empêche pas que «la grogne commence
à monter dans les entreprises du privé» (titre du
quotidien économique «Les Echos» du 23
février). A tel point que le Medef, l’organisme patronal,
a donné «l’alerte» sur le «grave
danger» que font courir les grèves aux entreprises.

La LCR, les municipales et le Nouveau parti anticapitaliste

C’est bien pour donner politiquement corps à cette
volonté de résistance que la Ligue communiste
révolutionnaire (LCR) a lancé le projet de construction
d’un nouveau parti anticapitaliste (NAP), impliquant à
terme la dissolution de la Ligue (voir le dernier numéro de
solidaritéS). D’où une situation tactique nouvelle:
comment poursuivre cette démarche, à peine
entamée, sans lui imposer prématurément une
échéance électorale, dont l’issue
pèsera pourtant sur son évolution future ?
Présentant ou soutenant 200 listes dans des villes de plus de
10 000 habitant-e-s (regroupant près de 10 000
candidat-e-s), la LCR a fait des choix différenciés,
selon les situations locales. Quelques exemples le montrent.

A Toulouse, outre la LCR, un
courant de la gauche radicale existe depuis plusieurs années,
intitulé les Motivé-e-s, fondé à
l’origine autour de membres du groupe de rap Zebda. Mais il y
aussi des communistes ou des ex-communistes, pas ravis de
l’alliance de leur parti avec le PS, ainsi que d’autres
antilibéraux (« Appel unitaire antilibéral»).
Une liste commune avec ces trois composantes a donc été
mise en place.

Autour de Nantes, fief du
président du groupe socialiste à l’Assemblée
nationale, le député-maire Jean-Marc Ayrault, trois
listes «A Gauche toute !» sont présentes
(à Saint-Herblain, Nantes et Rezé). Antilibéraux,
syndicalistes et militant-e-s associatifs s’y retrouvent, avec en
plus, à Nantes et Saint-Herblain, l’organisation Emgann
(gauche indépendantiste bretonne).

A Vigneux-sur-Seine, dans
l’Essonne, c’est une tout autre configuration qui
émerge. Une liste intitulée «Pour Vigneux, la
gauche des luttes et des solidarités» regroupe… le
Parti communiste français (PCF), Lutte ouvrière (LO) et
la LCR. Ce cas de figure original – rappelons que le PCF a choisi
nationalement l’alliance avec le PS dans la plupart des cas et
que LO a négocié sa présence sur les listes du PS
– trouve son origine dans l’indépendance de la
section locale du PCF, qui, à 50% des voix, a choisi cette
alliance à trois, reprochant au PS de ne pas «être
dans les mêmes combats que nous» et rejetant aussi la
perspective d’une liste propre.

Situation encore différente à Marseille.
Là, face à la liste du maire sortant, Jean-Claude Gaudin
(UMP), le PS a rassemblé, sur une ligne très
libérale, le PCF, Lutte ouvrière et des
représentants d’ouverture… de l’UMP !
Les orientations de la gauche antilibérale et anticapitaliste y
sont défendues par la liste «Marseille contre-attaque
à gauche !». Une de ses têtes de listes,
Camille Roux-Moumane, explique: «Depuis
le mois de septembre, nous avons sollicité les militants des
collectifs antilibéraux, des militants associatifs et syndicaux,
pour construire des listes aux élections municipales. Le projet
de la LCR était public, et nous avons évidement
discuté, dès le début, du lien entre les deux, en
toute transparence. L’adhésion au projet de NPA n’a
jamais été une condition de la constitution des listes.
Les centaines de personnes qui ont répondu présentes,
bien au-delà du nombre de candidats requis, sont pour la plupart
des militants associatifs et syndicaux, très peu sont ou ont
été adhérents d’une organisation politique.
Par méfiance pour certains, par méconnaissance pour de
nombreux autres… L’essentiel est aujourd’hui de
faire la preuve, par notre capacité à agir
concrètement ensemble sur le terrain, que nous pouvons
construire une unité de proposition et de positionnement.
Au-delà de nos histoires respectives, de nos divergences sur
telle ou telle échéance, de la quantité de temps
que nous pouvons consacrer à l’action politique, nous
surmontons nos différences. Mais, ce qui transparaît
surtout, c’est la nécessité de continuer ensemble,
de préserver ce que nous avons construit depuis cinq mois avec
toutes les personnes qui mènent cette campagne,
c’est-à-dire plusieurs centaines.»

Daniel Süri