Une vie à travers le 20e siècle: André Sandoz 1911-2006

Une vie à travers le 20e siècle: André Sandoz 1911-2006

Le 16 mai 2006, André Sandoz – ancien président de
la Ville de la Chaux-de-Fonds, militant socialiste durant 70 ans,
décédait au Home de la Sombaille. Un an et demi plus
tard, les Editions Alphil (Neuchâtel) publient sa biographie.1 Un délai assez bref, par rapport à d’autres personnalités, dont la biographie reste à faire.

Cette rapidité est l’oeuvre d’un quatuor de choc:
Léo Bysaeth (journaliste à L’Express), Anne-Lise
Grobéty (écrivaine), Marc Perrenoud (historien) et Loyse
Renaud Hunziker (militante du PSN). Leur travail avait
débuté avant le décès d’André
Sandoz.2

Né en 1911, à la Chaux-de-Fonds, André
Sandoz appartient à une génération qui a connu la
crise du capitalisme et la montée du fascisme et du nazisme. En
février 1936, il adhéra au Parti socialiste
neuchâtelois (PSN). Son premier article dans «La
Sentinelle» (18.3.1936) évoquait la Commune de Paris de
1871.

Cette référence n’est pas anodine: «On peut
affirmer que tout au long de sa vie André Sandoz a gardé
et entretenu la certitude que les masses populaires, par leurs
organisations et leurs luttes, parviendront à renverser la
tyrannie de l’argent-roi et à construire une
société fraternelle».3 Partisan de
l’unité socialiste-communiste, il présida en
1937-1940 la section chaux-de-fonnière des «Amis de
l’Espagne républicaine»4 et – au
contraire de la direction du PSN – s’opposa en 1937
à l’interdiction du Parti communiste.5

Toutefois, André Sandoz ne suivit pas l’aile gauche
du PSN (animée par André Corswant et Georges-Henri
Pointet) dans le processus qui mènera à la constitution,
en 1944, du Parti ouvrier populaire. Sa conception du socialisme
s’inspire du christianisme social du pasteur Paul Pettavel et du
pacifisme de Charles Naine.

Certes, André Sandoz a exercé de nombreuses fonctions,
qui lui donnent à première vue une image de
«notable»: chancelier de la Chaux-de-Fonds,
député au Grand Conseil, conseiller national, conseiller
d’Etat (1953-1960) et enfin président de la Chaux-de-Fonds
(1960-1970). Dans ces mandats – même s’il se
déclare conscient des limites engendrées par le
capitalisme et la prédominance du droit de
propriété sur le droit à l’existence –
«il se fait le porte-parole d’une gauche vraiment de
gauche, c’est-à-dire combative, soucieuse
d’améliorer le sort des plus faibles et qui revendique sa
différence avec les partis bourgeois».

Ainsi, en 1963, la commune de Chaux-de-Fonds organisa une
«semaine culturelle» espagnole, où étaient
accueillis plusieurs intellectuels antifranquistes et qui vit, à
la première séance, une sortie furibonde de
l’ambassadeur d’Espagne (invité pour raisons
protocolaires). Dans sa biographie, figurent plusieurs discours ou
articles dénonçant les régimes
d’extrême-droite en Europe (Espagne, Grèce,
Portugal).

Retraité, André Sandoz resta un militant. Nous
l’avons vu, en septembre 1975, manifester contre les derniers
crimes du franquisme agonisant. En juin 2001, lui et son épouse
Amélie adressèrent une lettre de soutien aux travailleurs
et travailleuses de la santé, message qui fut lu lors de la
manifestation du 25 juin à Neuchâtel.

Citons, pour conclure, ce constat d’une de ses quatre biographes:
«De l’avis général, André Sandoz est
l’un des rares hommes politiques dénués de toute
ambition personnelle. Ses valeurs passent avant sa carrière. Il
n’aspire pas aux charges: il ne fait que répondre
présent lorsqu’on a besoin de lui. […] la fonction
ne vaut que par le levier qu’elle offre pour changer la
société». A méditer en ces temps de
«blairisme-ségolenisme» ambiant…

Hans-Peter Renk

1    Un socialiste chaux-de-fonnier au XXe siècle. Neuchâtel, Alphil, 2007 (www.alphil.ch)
2    A l’origine de cette initiative,
l’intervention d’A.Sandoz à l’inauguration de
la «Place des Brigades Internationales», le 14 juin 2003,
à La Chaux-de-Fonds
3    A. Sandoz, «Vive la Commune des Fédérés!» (https://www.solidarites.ch/~sne/docpdf/anne07/decembre/AndreSandoz.pdf)
4    Luc van Dongen, «Solidarité
ouvrière et anti-fascisme», Cahiers d’histoire du
mouvement ouvrier, no 13(1997)
5    La crise cardiaque d’un chef
d’extrême-droite, le Dr Bourquin, fut
présentée par la droite comme un meutre
perpétré par les communistes…


Session du Grand Conseil neuchâtelois, novembre 1961

«Le budget […] fut l’occasion […]
d’exposer une série de positions socialistes sur des
problèmes économiques, conjoncturels, voire
philosophiques, ce qui paraît vivement agacer certains membres du
gouvernement et la plupart des députés bourgeois, pour
qui la discussion du budget se résume à constater
d’une voix attristée que les dépenses augmentent
d’une année à l’autre, à exhorter
d’une voix altière le gouvernement à faire toutes
les économies possibles, puis à demander d’un ton
doucereux l’amélioration d’un tronçon
défectueux de la route qui leur permet de rentrer chez eux. Nous
avons en particulier attiré l’attention sur le
caractère artificiel de la prospérité
économique mondiale fondée sur une politique de
surarmement, sur la nécessité de mener une lutte efficace
contre la spéculation foncière et plus
particulièrement par une imposition des bénéfices
spéculatifs en cas de vente de bien-fonds, sur les lacunes de la
technique de taxation fiscale permettant à une importante
matière d’échapper à l’impôt
[…]» (André Sandoz, Rapport au congrès du
PSN, 18.3 1962