Fonction publique vaudoisePremier succès pour une grève et une manifestation massives

Fonction publique vaudoise
Premier succès pour une grève et une manifestation massives

Après la très forte
mobilisation du personnel de l’Etat de Vaud le jeudi 31 janvier,
le Conseil d’Etat a décidé de… prendre son
temps et a suspendu les négociations jusqu’au 31 mars.
C’est un premier succès de la grève dans la
fonction publique, même si le gouvernement espère ainsi
pouvoir jouer la montre. Nous avons demandé à deux
responsables syndicaux, Aristides Pedrazza (secrétaire de SUD)
et Julien Eggenberger (président du groupe enseignement du SSP),
de préciser quelques points concernant leurs revendications, le
caractère de la mobilisation et sa poursuite.

Forts de la mobilisation réussie du 31 janvier,
qu’allez-vous dire lundi 4 février, lors de la rencontre
avec le Conseil d’Etat?

Aristides Pedrazza/SUD (A.P.): Les revendications de base sont claires.
Elles ne feront pas l’objet d’un quelconque marchandage.
Nous exigeons qu’aucune baisse de salaire (ni sur un mois ni sur
une année ni sur la carrière) ne soit faite. Le
gouvernement doit garantir les pleins mécanismes salariaux. Il
ne peut être question, après que le Conseil d’Etat a
extorqué deux milliards de francs sur nos salaires et nos
conditions de travail, qu’il tente maintenant d’imposer de
nouvelles baisses salariales. Les caisses publiques débordent.
Nous, nous avons perdu plus de 140 millions de francs sur nos
traitements entre 2005 et 2007. Les revalorisations promises par le
Conseil d’Etat sont urgentes. Le gouvernement doit les payer sur
sa caisse et non en prenant dans les salaires d’une partie des
salariés-e-s du secteur public pour ne pas en revaloriser
d’autres. Car il faut rappeler que le DECFO-SYSREM proclame des
revalorisations pour une partie du personnel mais en fait réduit
les salaires de tous les gens en place par le jeu d’une
ancienneté non reconnue et d’annuités plus basses.

Julien Eggenberger/SSP (J.E.): Nous avons attendu de la part du Conseil
d’Etat qu’il prenne la mesure d’une mobilisation
massivement suivie (plus de 10 000 grévistes et
16 000 manifestant-e-s). Il devait donc admettre la force de
notre mouvement, ouvrir de vraies négociations et faire des
concessions. D’autant que le SSP est déterminé
à continuer la mobilisation s’il n’obtient pas
satisfaction sur quatre points: salaire minimum (4000 francs, 4200 avec
CFC), revalorisations immédiates et inconditionnelles des
fonctions oubliées, pas d’arbitraire dans la fixation des
salaires et pas de perte de salaires pour les gens en place.

Dans les faits, le Conseil d’Etat a décidé
unilatéralement de suspendre les négociations pour
effectuer un chiffrage de nos revendications (déposées en
novembre 2007…) et étudier des modifications de son
projet. Il faut interpréter cela comme un clair recul du
gouvernement, même si l’on sait que le report a aussi pour
fonction de parier sur un essoufflement de la mobilisation.

Lors de la manifestation, on a vu que non seulement les «bastions» traditionnellement combatifs(enseignement
et santé, p. ex) s’étaient mobilisés, mais
aussi d’autres secteurs de la fonction publique. A quoi
attribuez-vous cet élargissement? Au travail syndical
d’explication ou aussi à l’inquiétude
créée par la politique de Broulis qui, à chaque
fois qu’il formule des chiffres, contredit ses promesses de
progrès social?

J. E.: Le fait que le gouvernement n’ait pas indiqué quel
avenir il réservait pour plus de la moitié des fonctions
a suscité une grande inquiétude. De plus, personne
n’est dupe que l’on ne peut pas revaloriser 90% des gens en
augmentant de 1% la masse salariale comme le prétend P. Broulis.
Par ailleurs, les chiffres du bénéfice des comptes 2007
qui devraient dépasser les 800 millions de francs rendent
particulièrement inacceptables les baisses de salaires et les
atermoiements pour le financement des revalorisations. Il faut aussi
insister sur le travail très important d’information sur
le terrain qui s’est traduit par l’organisation par le SSP
de plus de 50 assemblées.

A. P.: Les secteurs de l’administration et du social mais aussi
de la logistique entrent en lutte. Parfois précaires, subissant
une pression permanente de la hiérarchie, ce sont de plus des
collectifs féminins. Il y a une composante, à notre sens
décisive, de lutte des femmes salariées pour
éviter les baisses de salaire, une dégradation de leurs
qualifications, de leur statut et de leurs conditions de travail.

Que prévoyez-vous pour maintenir ce fort degré de mobilisation dans la durée?

A. P.: Il nous semble que le gouvernement commence à reculer sur
le projet de baisse des salaires, sur la répression et le
fichage des grévistes, sur la négociation de la
compensation des heures de grève. Mais tout cela est très
fragile. Cela peut se retourner vite. Donc il faut approfondir
l’immense élan d’auto-organisation et de
mobilisation à la base lié au 31 janvier. Cela implique
de rendre davantage présente l’action syndicale sur les
lieux de travail pour offrir des moyens et des ressources à cet
élan et, en même temps, de donner une permanence à
cette montée de lutte. Le gouvernement a subi de plein fouet le
rapport de forces imposé par la grève et la manifestation
du 31 janvier. Le démantèlement de DECFO-SYSREM, ou en
tout cas de sa version initiale, a commencé. La partie du projet
consistant à baisser le salaire des un-e-s pour faire semblant
de revaloriser les autres a été mise à mal. Il
faut maintenant gagner les revalorisations et élargir la lutte
au parapublic.

J. E.: Le SSP a l’intention de continuer son travail syndical de
terrain et va continuer à développer son réseau
syndical. Sur ce point-là, l’arrogance du Conseil
d’Etat nous aura bien servis!

Lors de la reprise des négociations nous devons être
prêts à continuer à peser sur le Conseil
d’Etat avec un rapport de force qui sera favorable. Le 31
janvier, nous avons apporté la preuve de notre capacité
de mobilisation, à nous de la maintenir pour obtenir un accord
qui aboutisse à un système salarial plus équitable
et plus généreux.

Entretien réalisé par la rédaction