Chronique d’une mort annoncée... Résistance !

Chronique d’une mort annoncée… Résistance !

Début janvier, l’orchestre de chambre de Neuchâtel
(OCN) s’adresse à la population par un communiqué
de presse. Son prochain concert (20 janvier) est annulé et
remplacé par un débat sur le devenir de la musique
à Neuchâtel! L’état des finances de cet
orchestre de chambre ne lui permet pas d’achever la saison
2007/2008. Les musiciennes et musiciens, le directeur, le conseil de
fondation, lancent un signal d’alerte: le canton risque de
devenir l’unique canton suisse sans orchestre professionnel.

L’Etat a exigé de l’orchestre de musique de chambre
et de l’orchestre symphonique qu’ils fusionnent. Une telle
opération nécessitait un soutien financier qui fait
défaut. Dans le même temps, le Grand Conseil est saisi
d’un rapport annonçant la fin de l’enseignement de
la musique professionnelle au conservatoire (formé de deux
entités, à Neuchâtel et la Chaux-de-Fonds). Tout
est lié, car les musicien-ne-s de l’orchestre ne peuvent
pas vivre de leurs seules prestations; l’enseignement leur
offrait jusqu’ici un complément indispensable et
permettait de préparer les étudiant-e-s professionnels,
assurant la relève au sein de l’orchestre.

A l’heure de l’argent facile, il n’y a plus
d’argent pour la culture! L’unité de mesure des
bénéfices des multinationales est désormais le
milliard, mais pour la musique, les poches sont vides et le budget
annuel de l’OCN – fr. 850 000.- pour le dernier
exercice – ne peut pas être rassemblé (la
participation de la ville est de 52 000.-, celle du canton de
30 000.-). Il y a là un paradoxe inacceptable.

Les professeur-e-s du conservatoire cherchent à sauver ce qui
peut encore l’être. Suite à l’échec
planifié de l’accréditation d’une HES musique1,
ils soutiennent le principe d’un fonctionnement en filiale du
conservatoire de Genève. Cette solution aurait bien sûr un
coût, mais elle permettrait le maintien en terres
neuchâteloises d’un enseignement professionnel,
garantissant la présence de musicien-ne-s de qualité.
Mais le Conseil d’Etat n’en veut pas. Cette fois-ci, il
n’argumente plus, comme en juin 2006, au nom d’une
nécessaire concentration des efforts pour maintenir la Haute
Ecole Artc dans les Montagnes neuchâteloises, mais au nom de la
diversité culturelle. Ses conclusions sont sans
ambiguïté: «Le Conseil d’Etat n’entre pas
en matière avec le principe de «filialisation» de la
formation professionnelle musicale, soit l’installation à
Neuchâtel d’une «unité d’enseignement
décentralisé»». Elles laissent entendre
qu’une partie des économies réalisées sur la
musique pourrait être «réallouée pour le
soutien de l’animation et de l’offre culturelles, dans le
but de maintenir une vie culturelle diversifiée et une culture
populaire vivante». De qui se moque-t-on?

Les économies sont certaines et on laisse planer des promesses
creuses pour diviser le monde culturel. Une mobilisation large peut
encore faire reculer le Conseil d’Etat pour maintenir la musique
vivante dans ce canton, soit un enseignement et un orchestre
professionnels disposant de soutiens publics suffisants pour leur
permettre d’assurer leurs missions. Nous continuerons à
défendre l’enseignement professionnel de la musique et le
renforcement du soutien à un orchestre professionnel de haut
niveau, car nous ne voulons pas que notre canton se transforme en une
banlieue industrielle sans âme.

Marianne Ebel



1   cf Rapport du Conseil d’Etat au Grand
Conseil (juin 2006): malgré la construction en 2005 à
Neuchâtel d’un nouveau bâtiment (40 millions), qui
devait recevoir la HES musique, le Conseil d’Etat proposait en
juin 2006 au Grand Conseil de renoncer à la demande
d’accréditation d’une HES musique pour donner plus
de chance à la HES Arc à implanter dans les Montagnes
neuchâteloises…. La majorité du Grand Conseil avait
refusé de jouer la microtechnique contre la musique, mais
solidaritéS s’était trouvé seul à
refuser la nouvelle loi sur le conservatoire qui biffait dans ses
objectifs la mention «formation professionnelle».