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N° 121 (23/01/2008). A la une: Altermondialisme: un débat nécessaire
p. 4
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International
Italie
Défendre une constitution issue de la Résistance
La constitution de la République, notre constitution, a fêté le 1er janvier 2008, ses soixante ans. C’est beaucoup soixante ans. Trop peut-être? Celle des Etats-Unis en a pourtant deux cent-vingt et, dans ce pays, il n’y a aucun mouvement d’opinion qui soit convaincu que cette constitution est obsolète.
On le pense en revanche de la nôtre, en Italie. C’est en particulier le cas de celles et ceux qui exaltent la constitution américaine et en voudraient une du même genre, oublieux du fait qu’aux Etats-Unis, la moitié de celles et ceux qui ont droit au vote ne l’exercent pas, parce qu’ils savent que leur vote n’a aucune espèce d’influence sur leurs conditions de vie (un tiers de la population n’a pas droit aux assurances maladie, vieillesse ou chômage). Une partie de la classe politique italienne voudrait une constitution de ce même type, ignorant le fait que le plus éminent politologue états-unien, R. A. Dahl, cherche désespérément à rendre la constitution états-unienne démocratique. La valeur d’une constitution n’attend pas le nombre des années. Elle est bien plutôt affaire de contenus.
Débattre de contenus
Si nous étions dans un pays sérieux, avant d’en déclarer l’obsolescence et d’en décréter la mise au rebut, certaines questions seraient soulevées. On devrait dire que le catalogue des droits civiques, politiques et sociaux sanctionnés par la constitution de 1948 est insuffisant ou dépassé. On devrait dire explicitement que l’on ne veut pas la reconnaissance et la garantie des libertés individuelles (établissement, circulation, réunion, association, religion, opinion); que l’on veut dénier ou réduire le droit de toutes et tous à la citoyenneté, à l’action en justice pour la défense de leurs droits et intérêts légitimes. Je pourrais continuer en citant les droits qui ont trait aux rapports éthiques et sociaux (famille, enfants), le droit à l’instruction, les droits économiques… Le vrai problème est celui de mettre en œuvre la constitution et non de la mettre au rebut.En définitive ne serait-ce pas les droits sociaux que l’on veut réduire ou même supprimer? Le droit à la santé? Le droit du travailleur-euse à une rétribution proportionnelle à la quantité et à la qualité de son travail, en tout cas suffisante pour lui assurer une existence libre et digne, ainsi qu’à sa famille? Le droit à la subsistance et à l’assistance sociale pour les handicapé-e-s et pour toutes celles et ceux qui sont dépourvus des moyens nécessaires? Le droit des travailleurs-euses à la prévoyance sociale en cas d’accident, de maladie, d’invalidité, de vieillesse, de chômage involontaire? Un droit qui réponde au devoir des entrepreneurs, dans la conduite de leur activité économique privée, d’agir de façon à ne pas s’opposer aux intérêts de la société ou à ne pas causer du tort à la sécurité, à la liberté et à la dignité humaines?
Une révision qui dissimule ses objectifs
N’est-ce pas ces droits qu’il s’agit d’amputer? Qu’on le dise explicitement. Qu’on ne cache pas cette intention derrière des voies détournées, comme celles qui visent à réduire les exigences sociales en limitant la représentation populaire et en la bornant à l’investiture de gouvernants plus ou moins absolus. Le développement de la constitution est un problème réel, mais il doit viser à la renforcer, et non à en renverser l’esprit et le contenu. La loi électorale doit être modifiée, mais pour rendre crédible et authentique la représentation, pas pour transformer 25% des voix en 53% des sièges parlementaires.En réalité, une action destructrice du système politique, qui vise à en instaurer un autre, est en marche. À travers le référendum, on vise à changer – rien que ça! – la forme du gouvernement. L’initiative sur laquelle devra se prononcer le 16 janvier la Cour constitutionnelle (…) a été taxée, en janvier 2007 par le Président du Comité promoteur, de «Constituante» ou de «presque Constituante». Comme si le peuple italien, dans son écrasante majorité, n’avait pas déjà, il y a quelques mois, renouvelé son appui clair, explicite et solennel à la constitution républicaine et à sa forme de gouvernement parlementaire. Nous devons dire: bas les pattes devant la constitution républicaine! Que nul ne se permette d’éluder, de rendre vaine ou de nier la volonté populaire. (…)
Gianni Ferrara*
*Gianni Ferrara, ancien député de
Refondation communiste (PRC) est l’un des constitutionnalistes
italiens les plus renommés. Cet article est tiré de Il
Manifesto du 2 janvier 2008. Titre, intertitres et traduction de notre
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