Ford Saint-Petersbourg: succès pour les grévistes!

Ford Saint-Petersbourg: succès pour les grévistes!

Depuis le 19 novembre, les salariés de l’usine Ford de
Saint-Pétersbourg ont fait grève pour leurs salaires.
Nous en avons parlé dans noter dernier numéro du 19
décembre. Ci-dessous la suite des évènements.

Le 11 décembre, la direction a de nouveau essayé de faire
repartir la production de nuit (la «troisième
équipe»). Cette équipe a assemblé 40
voitures (au lieu des 90 habituelles). Difficile de prétendre
que l’usine reprenait «un rythme normal», alors que
la production se fixait au tiers de la normale et que près de
100% des voitures produites ne satisfaisaient pas aux contrôles
de qualité! Pas plus de 500 à 600 personnes, en comptant
l’encadrement et les contremaîtres, travaillaient sur les
chaînes.

De plus, la direction a commis des délits criminels, en
affectant aux ateliers de peinture et de soudure, dangereux pour la
santé, des salariés qui n’ont reçu ni
formation ni habilitation. Des travailleurs de la
«troisième équipe» racontent: «A
l’atelier de soudure, il y avait quatre ouvriers par poste au
lieu de onze. Le contremaître exigeait qu’on travaille plus
vite. Il nous a insultés lorsqu’on lui a expliqué
que l’on n’était pas assez nombreux. Il a
ajouté que ceux qui n’étaient pas contents
n’avaient qu’à se mettre en grève!» A
travers tout le pays, les travailleurs-euses russes ont eu les yeux
fixés sur cette usine d’assemblage de Ford. Grâce
à un fonds de solidarité, les grévistes ont
touché une allocation de secours de 20 dollars par jour. Ceux
qui ont d’autres revenus les ont reversés pour les parents
célibataires ou les familles nombreuses. Mais le syndicat a
commencé à tirer la langue. De nombreux syndicats, en
Russie et à l’étranger – dont certains
affiliés à la Fédération internationale de
la métallurgie – ont organisé la solidarité
financière, de même que le site www.labourstart.org.

Finalement, la grève s’est terminée le 14
décembre, par un vote à bulletin secret, la direction
ayant promis de mettre en œuvre l’indexation des salaires
sur l’inflation, de payer les heures supplémentaires et de
ne prendre aucune mesure de rétorsion contre les
grévistes. Ce conflit social a été le plus long et
le plus intense depuis la chute du «système
soviétique».

Il peut sembler se terminer sur un match nul: d’un
côté, la direction n’a pu briser le syndicat, de
l’autre, les résultats de la grève sont modestes,
surtout au regard de la forte mobilisation. Mais cette grève a
eu une signification qui dépasse l’entreprise et
même la branche automobile. Elle a permis à tout le monde
de reconnaître que les ouvriers russes étaient
scandaleusement sous-payés, non seulement par rapport à
l’Europe occidentale, mais aussi par rapport à
l’Amérique latine. Elle a démontré que la
législation était défavorable au mouvement
ouvrier, mais que des organisations ouvrières puissantes
pouvaient passer outre ces contraintes. C’est une première
pierre jetée dans la mare: les remous ainsi créés
vont perdurer.

Maria Kurzinav, Boris Kagarlitsky