Logements: Frein aux dépenses contre besoins sociaux

Logements: Frein aux dépenses contre besoins sociaux

Début 2004, le PS
neuchâtelois déposait une initiative cantonale
rédigée en termes généraux, qui avait le
soutien de l’ASLOCA et de toute la gauche, intitulée
«Pour la construction et la rénovation de logements».

L’initiative demande que l’Etat soutienne la construction,
la transformation et la rénovation de logements par des
prêts, des cautions et des subventions, et que soit
particulièrement encouragée l’action des
collectivités publiques et des coopératives
d’habitation.

Elle demande aussi un contrôle, par l’Etat, des loyers des
logements construits avec un soutien public, ceci pour une durée
de 10 à 20 ans, et – pour ne pas en rester au niveau des
déclarations – elle propose la constitution d’un
fonds pour la construction et la rénovation de logements,
alimenté d’un montant d’au minimum 3 millions par
an, sauf les années où le taux d’appartements
vacants dépasse à 2%.

Le conseil d’Etat rejette l’initiative

Cette initiative a suscité de longues discussions en commission,
qui ont abouti à un rapport du Conseil d’Etat qui sera
discuté au Grand Conseil durant la session de janvier. Le
document propose un décret rejetant l’initiative
socialiste et un projet de loi cantonale sur l’aide au logement,
comme «contre-projet».

Le rapport du Conseil d’Etat décrit pourtant avec
précision et objectivité la situation du logement dans le
canton. Il met en évidence le nombre insuffisant
d’appartements à loyers abordables et signale
qu’à partir de 2010 les subventions cantonales et
communales vont peu à peu diminuer pour se retrouver à
zéro en 2015. Il y a encore actuellement 2000 appartements
subventionnés dans le canton, et leurs locataires, suite
à la disparition des subventions, ne pourront plus payer leur
loyer. Il n’y a pour l’instant aucun projet de construction
de nouveaux appartements subventionnés. Ces faits
démontrent l’absence de préoccupation pour le
logement des Conseils d’Etat des décennies
précédentes.

Pénurie de logements bon marché

Le nombre de logements vacants en 2007 dans le canton de
Neuchâtel est de 1.28% et le rapport note bien qu’il
s’agit pour une bonne partie d’appartements à loyer
élevé ou dont le confort ne correspond pas aux
critères de salubrité actuelle. Les appartements
proposés à la location le sont à des conditions
financières difficilement abordables pour la plus grande part de
la population. Le besoin d’appartements à loyer
modéré est mis en évidence par la structure des
revenus dans le canton: 60% des ménages ont un revenu annuel
inférieur à 50 000 Fr., ce qui en théorie
leur donnerait droit à un appartement subventionné….

Le rapport du Conseil d’Etat soutient l’idée de
l’initiative de favoriser les coopératives
d’habitations, trop peu nombreuses dans le canton. Par
comparaison, le parc immobilier de la Ville de Zurich est formé
à 20% de coopératives, ce qui permet aux populations
à revenu moyen et faible de se loger à des conditions
favorables. Il rappelle aussi que l’Etat peut procéder
à des expropriations de terrains constructibles de
propriétaires, qui ne construiraient pas, pour des raisons
spéculatives. La création d’un observatoire du
logement est annoncé.

Un engagement financier bien insuffisant

Reste la question épineuse de la concrétisation de ces
bonnes idées. Car il faut bien parler finances, car favoriser la
construction d’appartements subventionnés, ça
coûte. Le projet de loi dit (art. 28 et 29): «Il est
créé un fonds d’aide au logement, destiné
à favoriser la construction et la rénovation de logements
à loyer abordables…Le fonds est alimenté par des
annuités budgétaires annuelles.»

Le rapport précise: «L’Etat s’engage à
alimenter le fonds par des annuités budgétaires
d’un montant de 400 000 francs, renouvelé
annuellement, sur une durée de 5 ans, durant les années
2009 à 2013.» Cela fait au total un montant de 2 millions
d’ici 2013. On est très loin de l’initiative qui,
elle, propose 3 millions par an aussi longtemps que le besoin
s’en fait sentir (tant que le taux d’appartements vacants
reste inférieur à 2%).

Droit de veto antisocial pour la droite

Pourquoi le Conseil d’Etat avance-t-il un montant si
dérisoire? Une fois de plus c’est la loi sur le frein aux
recettes et aux dépenses qui est invoquée! Le montant de
400 000 francs permet d’échapper au couperet de la
nécessité d’une majorité des 3⁄5 du
parlement. On imagine bien que la droite ne s’est pas
privée, en commission, d’utiliser sa menace de ne pas
voter la loi pour la ramener à ce compromis minable.

Le frein aux recettes et aux dépenses, voulu par la droite
– et soutenu par le PS en 2005! – est inscrit dans la
constitution cantonale suite à un vote populaire; on voit une
nouvelle fois aujourd’hui comment il bloque toute politique
ambitieuse en faveur de la majorité de la population.

Encourager et favoriser sérieusement le développement de
coopératives d’habitation permettrait à la fois de
faire pression à la baisse sur les loyers et de
développer un logement social alliant qualité,
durabilité et confort. Espérons que le parlement ne
suivra pas le Conseil d’Etat dans son rejet de l’initiative
socialiste et que les électrices et électeurs sauront le
rappeler à l’ordre!


Session des 28-29 janvier du Grand Conseil

Celle-ci traitera d’autres rapports importants, notamment:

  • Un projet de loi sur le Centre neuchâtelois de psychiatrie
    dont le but est de créer un établissement unique,
    intégrant toutes les institutions relevant de la psychiatrie et
    dirigée par un conseil d’administration. L’objectif
    est de supprimer une centaine de lits d’hospitalisation au profit
    de traitements ambulatoires. Dans la même logique que celle
    d’Hôpital Neuchâtelois, cette réorganisation
    de la psychiatrie se fait malheureusement sur le dos des patients et du
    personnel soignant.
  • Un rapport du Conseil d’Etat sur l’avenir des
    filières professionnelles du Conservatoire de musique
    neuchâtelois, qui signifie un arrêt de mort pour
    l’enseignement professionnel de la musique. Un appauvrissement
    évident et regrettable, malgré la forte mobilisation
    populaire.
  • Un projet de décret pour un crédit de 14,5 millions
    en vue de rattraper l’arriéré du contentieux de
    l’assurance maladie, qui tient au fait que des milliers
    d’assuré-e-s (4000 personnes dans le canton à fin
    2006) ne peuvent plus payer leurs primes d’assurance maladie. Le
    règlement du contentieux doit aboutir à une convention
    avec les assureurs pour garantir la couverture d’assurances.

Nous y reviendrons dans les prochains numéros du journal.   

(me)