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N° 120 (09/01/2008). A la une: Encore une diminution d'impôts pour les riches?
p. 13
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Neuchâtel
Logements: Frein aux dépenses contre besoins sociaux
Début 2004, le PS neuchâtelois déposait une initiative cantonale rédigée en termes généraux, qui avait le soutien de l’ASLOCA et de toute la gauche, intitulée «Pour la construction et la rénovation de logements».L’initiative demande que l’Etat soutienne la construction, la transformation et la rénovation de logements par des prêts, des cautions et des subventions, et que soit particulièrement encouragée l’action des collectivités publiques et des coopératives d’habitation.
Elle demande aussi un contrôle, par l’Etat, des loyers des logements construits avec un soutien public, ceci pour une durée de 10 à 20 ans, et – pour ne pas en rester au niveau des déclarations – elle propose la constitution d’un fonds pour la construction et la rénovation de logements, alimenté d’un montant d’au minimum 3 millions par an, sauf les années où le taux d’appartements vacants dépasse à 2%.
Le conseil d’Etat rejette l’initiative
Cette initiative a suscité de longues discussions en commission, qui ont abouti à un rapport du Conseil d’Etat qui sera discuté au Grand Conseil durant la session de janvier. Le document propose un décret rejetant l’initiative socialiste et un projet de loi cantonale sur l’aide au logement, comme «contre-projet».Le rapport du Conseil d’Etat décrit pourtant avec précision et objectivité la situation du logement dans le canton. Il met en évidence le nombre insuffisant d’appartements à loyers abordables et signale qu’à partir de 2010 les subventions cantonales et communales vont peu à peu diminuer pour se retrouver à zéro en 2015. Il y a encore actuellement 2000 appartements subventionnés dans le canton, et leurs locataires, suite à la disparition des subventions, ne pourront plus payer leur loyer. Il n’y a pour l’instant aucun projet de construction de nouveaux appartements subventionnés. Ces faits démontrent l’absence de préoccupation pour le logement des Conseils d’Etat des décennies précédentes.
Pénurie de logements bon marché
Le nombre de logements vacants en 2007 dans le canton de Neuchâtel est de 1.28% et le rapport note bien qu’il s’agit pour une bonne partie d’appartements à loyer élevé ou dont le confort ne correspond pas aux critères de salubrité actuelle. Les appartements proposés à la location le sont à des conditions financières difficilement abordables pour la plus grande part de la population. Le besoin d’appartements à loyer modéré est mis en évidence par la structure des revenus dans le canton: 60% des ménages ont un revenu annuel inférieur à 50 000 Fr., ce qui en théorie leur donnerait droit à un appartement subventionné....Le rapport du Conseil d’Etat soutient l’idée de l’initiative de favoriser les coopératives d’habitations, trop peu nombreuses dans le canton. Par comparaison, le parc immobilier de la Ville de Zurich est formé à 20% de coopératives, ce qui permet aux populations à revenu moyen et faible de se loger à des conditions favorables. Il rappelle aussi que l’Etat peut procéder à des expropriations de terrains constructibles de propriétaires, qui ne construiraient pas, pour des raisons spéculatives. La création d’un observatoire du logement est annoncé.
Un engagement financier bien insuffisant
Reste la question épineuse de la concrétisation de ces bonnes idées. Car il faut bien parler finances, car favoriser la construction d’appartements subventionnés, ça coûte. Le projet de loi dit (art. 28 et 29): «Il est créé un fonds d’aide au logement, destiné à favoriser la construction et la rénovation de logements à loyer abordables...Le fonds est alimenté par des annuités budgétaires annuelles.»Le rapport précise: «L’Etat s’engage à alimenter le fonds par des annuités budgétaires d’un montant de 400 000 francs, renouvelé annuellement, sur une durée de 5 ans, durant les années 2009 à 2013.» Cela fait au total un montant de 2 millions d’ici 2013. On est très loin de l’initiative qui, elle, propose 3 millions par an aussi longtemps que le besoin s’en fait sentir (tant que le taux d’appartements vacants reste inférieur à 2%).
Droit de veto antisocial pour la droite
Pourquoi le Conseil d’Etat avance-t-il un montant si dérisoire? Une fois de plus c’est la loi sur le frein aux recettes et aux dépenses qui est invoquée! Le montant de 400 000 francs permet d’échapper au couperet de la nécessité d’une majorité des 3⁄5 du parlement. On imagine bien que la droite ne s’est pas privée, en commission, d’utiliser sa menace de ne pas voter la loi pour la ramener à ce compromis minable.Le frein aux recettes et aux dépenses, voulu par la droite – et soutenu par le PS en 2005! – est inscrit dans la constitution cantonale suite à un vote populaire; on voit une nouvelle fois aujourd’hui comment il bloque toute politique ambitieuse en faveur de la majorité de la population.
Encourager et favoriser sérieusement le développement de coopératives d’habitation permettrait à la fois de faire pression à la baisse sur les loyers et de développer un logement social alliant qualité, durabilité et confort. Espérons que le parlement ne suivra pas le Conseil d’Etat dans son rejet de l’initiative socialiste et que les électrices et électeurs sauront le rappeler à l’ordre!
Session des 28-29 janvier du Grand Conseil
Celle-ci traitera d’autres rapports importants, notamment:- Un projet de loi sur le Centre neuchâtelois de psychiatrie dont le but est de créer un établissement unique, intégrant toutes les institutions relevant de la psychiatrie et dirigée par un conseil d’administration. L’objectif est de supprimer une centaine de lits d’hospitalisation au profit de traitements ambulatoires. Dans la même logique que celle d’Hôpital Neuchâtelois, cette réorganisation de la psychiatrie se fait malheureusement sur le dos des patients et du personnel soignant.
- Un rapport du Conseil d’Etat sur l’avenir des filières professionnelles du Conservatoire de musique neuchâtelois, qui signifie un arrêt de mort pour l’enseignement professionnel de la musique. Un appauvrissement évident et regrettable, malgré la forte mobilisation populaire.
- Un projet de décret pour un crédit de 14,5 millions en vue de rattraper l’arriéré du contentieux de l’assurance maladie, qui tient au fait que des milliers d’assuré-e-s (4000 personnes dans le canton à fin 2006) ne peuvent plus payer leurs primes d’assurance maladie. Le règlement du contentieux doit aboutir à une convention avec les assureurs pour garantir la couverture d’assurances.
Nous y reviendrons dans les prochains numéros du journal.
(me)
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