Ensemble pour le climat et la solidarité

Ensemble pour le climat et la solidarité

«Nous ne pouvons pas rester les
bras ballants alors que la manière de produire et de consommer
des pays riches engage notre planète sur la voie d’une
catastrophe climatique qui frappera des millions de gens (surtout les
plus pauvres), augmentera encore les risques de guerre et
détruira définitivement d’innombrables richesses
naturelles». Tels sont les premiers mots de l’appel
«climat et justice sociale», lancé en mai dernier et
signé depuis par plus de mille personnes en Flandre et en
Wallonie. L’appel se termine par une proposition pratique:
«Nous appelons chacun et chacune à s’organiser
démocratiquement pour préparer les manifestations qui
seront organisées le 8 décembre, en Belgique et dans le
monde entier, dans le cadre de la «Global Climate Campaign».

Appel entendu: le 8 décembre, Bruxelles a été le
théâtre de la première véritable
manifestation contre le réchauffement sur le continent
européen, faisant descendre 4000 personnes dans la rue, à
l’initiative du groupe «Climat et justice sociale»,
soutenue par la «Coalition climat». La manifestation
était très ouverte, avec de nombreux groupes. De toute
évidence, beaucoup de gens entendaient exprimer leur engagement
durant la Conférence climatique onusienne de Bali. La plateforme
commune adoptée par la «Coalition climat» et par
«Climat et justice sociale» appelle les politiques à
combattre le changement climatique par «des mesures structurelles
respectant la justice, l’égalité sociale, la
démocratie et la solidarité»; «nous unissons
nos efforts, ajoute-t-elle, pour combattre le réchauffement
climatique par un protocole post-Kyoto très exigent (…):
l’augmentation de la température ne doit pas
dépasser 2°C (…) L’émission des gaz
à effet de serre doit être réduite de 50%
d’ici 2050». A la fin de la manifestation, le
représentant de «Climat et justice sociale»
ajoutait: «Unissons tous ensemble nos efforts pour construire un
mouvement global large et massif afin de défendre notre climat
par une redistribution des richesses».

Vers un mouvement mondial?

Cela fait quelques années que des appels à manifester
sont lancés par la «Global Climate Campaign». Dans
certains pays, la mobilisation est une réalité:
30’000 personnes manifestaient à Londres, fin octobre
2006, à l’occasion de la conférence climatique de
Nairobi. Ils étaient plus d’une dizaine de milliers le 8
décembre dernier. Il y a moins d’un mois, 120’000
personnes descendaient dans les rues en Australie, pour que le
gouvernement réduise les émissions de gaz à effet
de serre de 30% d’ici 2020. Va-t-on vers la constitution
d’un mouvement mondial, un peu sur le modèle des
mobilisations anti-atomiques des années 60, ou des
manifestations anti-guerre? «C’est dans ce sens là
que nous orientons notre action, il faut créer un rapport de
forces, mettre les gouvernements sous pression pour qu’ils se
décident à prendre des mesures structurelles et
radicales», répond-on du côté de
«Climat et justice sociale».

Cette logique de mobilisation, jusqu’à présent,
n’est pas celle des grandes ONGs environnementales en Belgique.
Leur activité est plutôt tournée vers le lobbying
et vers la sensibilisation des consommateurs-trices. Le vent est-il en
train de tourner? Toujours est-il que ces associations ont
répondu à l’appel de «Climat et justice
sociale», de sorte que la manifestation du 8 décembre a
été organisée dans l’unité la plus
large. Les ONGs de développement et les syndicats ont
été de la partie également, par le truchement de
la «Coalition climat», dont ils sont membres.

Climat et justice sociale

Dans toute cette affaire, la démarche de «Climat et
Justice sociale» est originale et mérite qu’on
s’y attarde. L’appel, en effet, situe la lutte pour le
climat dans une perspective résolument antilibérale:
«Un traité (climatique) équitable doit faire payer
la facture aux responsables du gâchis, redistribuer la richesse,
tant entre Nord et Sud qu’au sein des sociétés du
Nord et du Sud, pour ouvrir la voie à un partage
équitable des ressources». Et de préciser:
«tout en collaborant avec les autres forces qui mobilisent les
citoyennes pour la défense du climat, «Climat et Justice
sociale» s’adresse plus particulièrement à la
jeunesse, aux femmes, au monde du travail, aux personnes
d’origine immigrée, aux réfugiés et aux
exclus: leur participation est la meilleure garantie pour que les
préoccupations de justice sociale et
d’égalité soient au coeur de la défense du
climat». Le «contre-Grenelle» qui a rassemblé,
en France, les associations environnementales anti-Sarko, les partisans
de la décroissance regroupés autour du journal du
même nom et les milieux anti-productivistes de la gauche radicale
trouverait-il ici une certaine forme d’analogie? A suivre…

Léon Taniau*

* Chroniqueur environnemental du Journal du Mardi, Bruxelles.