Baisse d’impôtsLa goinfrerie des riches

Baisse d’impôts
La goinfrerie des riches

Une cinquantaine de personnes se sont
réunies le mardi 25 septembre, à Lausanne, pour
écouter la présentation faite par Sébastien Guex
sous le titre «Baisse des impôts, Flat Tax, secret
bancaire: les enjeux». Un vrai succès, la fiscalité
ne passant pas pour une question affriolante. Nous publions cidessous
quelques extraits de l’exposé introductif.

«Tout l’indique: en Suisse, la toute petite minorité
constituée des grands patrons, des actionnaires et des
spéculateurs s’enrichit de manière fantastique,
alors que l’immense majorité des salarié-e-s
éprouve de plus en plus de difficulté à joindre
les deux bouts. En 1981, les 80% de la population composés de
travailleurs et travailleuses avec des revenus bas ou moyens
détenaient 16% de la fortune totale de ce pays.
Aujourd’hui, ils n’en détiennent plus que 12%.

A l’opposé, l’infime minorité des personnes
disposant des revenus les plus élevés, soit 0,3% de la
population, a vu sa part de la fortune totale passer de 20% à…
34%. En 1989, il y avait 17 milliardaires en Suisse: il y en a 116
aujourd’hui (Le Temps, 19 sept. 2007). Durant la même
période, le nombre de personnes indépendantes dont les
revenus n’atteignent pas le niveau minimal d’existence,
soit quelque chose comme 1’700 francs par mois est passé
d’environ 400000 à 600 000. On assiste depuis 25 ans
à une redistribution massive des richesses du bas vers le haut:
des classes populaires vers une petite couche de riches et superriches.
[…]

La Flat Tax

Partis de droite et organisations patronales visent à introduire
ladite «Flat Tax» en Suisse. La bataille –
idéologique et politique – est très importante. Les
salariés et leurs organisations se sont traditionnellement
battus, depuis le milieu du 19e siècle, pour que
l’essentiel de la fiscalité tourne autour d’un
impôt: l’impôt progressif sur le revenu et la
fortune. L’idée centrale est que plus on dispose
d’un revenu élevé, plus le taux de
l’impôt doit être élevé. Pour une
raison de justice sociale élémentaire: si quelqu’un
a un revenu faible, disons de 3000 francs par mois, même si le
taux d’imposition est bas, disons 5%, les 150 francs que cela
représente sont pris sur le nécessaire. Mais si
quelqu’un gagne 100 000 francs par jour, comme Daniel Vasella, le
patron de Novartis, même si le taux est très haut, disons
90%, il lui reste 10 000 francs par jour ou 3,6 millions par
année, soit encore 30 ou 40 fois plus que le nécessaire
pour mener une vie décente. Il est donc parfaitement normal que
les riches, les capitalistes, paient plus que les pauvres:
l’imposition progressive permet de redistribuer – un peu,
rien qu’un peu – la richesse du haut vers le bas.

C’est ce principe fondamental que le mouvement ouvrier a
réussi à imposer à travers plus d’un
siècle de lutte que la bourgeoisie veut remettre
aujourd’hui en cause avec la Flat Tax. Le principe à la
base de la Flat Tax, ou «impôt fixe» ou
«plat», c’est que le taux ne doit plus être
progressif, mais fixe, unique: disons 15%, que le contribuable dispose
d’un revenu imposable de 40 000 francs ou de 40 millions par an.
Autrement dit, il s’agit de supprimer le mécanisme de
redistribution sociale du haut vers le bas contenu dans
l’impôt progressif. Cela signifierait que la charge fiscale
de l’immense majorité de la population augmenterait
lourdement et que celle des ultraprivilégiés diminuerait
considérablement. C’est pourquoi solidaritéS
combattra la Flat Tax de la manière la plus
décidée. […]

Secret bancaire et fraude fiscale

Le secret bancaire favorise donc la fraude fiscale des riches. Et
qu’est-ce que c’est que cette fraude fiscale des riches?
Rien d’autre qu’un vol commis par les riches dans la poche
des salariés normaux et des pauvres. Pourquoi? Parce que la part
des dépenses de l’Etat qui n’est pas financée
par les riches parce qu’ils fraudent doit être
financée par quelqu’un d’autre, et ce
quelqu’un d’autre, ce sont les gens qui n’ont pas la
possibilité de frauder, c’est-à-dire la grande
majorité de la population.

Tous les jours, l’UDC et les médias qui propagent ses
idées (Le Matin, par ex.) font leurs titres d’un Africain,
d’un Kosovar ou d’un jeune qui a volé 100 francs
dans le tiroir-caisse ou qui a racketté un camarade de classe.
Jamais on ne voit un mot sur ce vol, sur ce racket formidable, non pas
10 fois plus important, non pas 100 fois plus important, mais
1’000 fois plus important que représente la fraude
fiscale. Cela va encore plus loin: la NZZ concluait récemment un
article consacré à la fraude fiscale en écrivant
qu’il s’agissait somme tout d’un
«Kavaliersdelikt», bref d’une peccadille.

Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que la
Suisse soit l’un des pays où les riches fraudent le plus
au monde. Selon deux enquêtes récentes consacrées
à la morale fiscale dans le monde, la Suisse se situe au 60e
rang sur 80 pays, loin derrière des pays comme l’Egypte,
la Bosnie, la Bulgarie, l’Albanie, la Colombie, le Pérou,
le Nigeria, etc. Et derrière l’immense majorité des
pays européens, derrière l’Italie par exemple, qui
est toujours citée comme l’exemple par excellence du pays
où la fraude fiscale est développée.»


A qui profitent les baisses d’impôts ?

  • Entre 1985 et aujourd’hui, les impôts sur le revenu
    des personnes dont le revenu est inférieur à 5’000
    francs bruts par mois, c’est-à-dire environ 50% de la
    population, ont augmenté de 8% (Charge fiscale en Suisse, 2006,
    p. 49).
  • Les mêmes impôts des personnes touchant un revenu de
    30 000 francs par mois ont diminué de 10%; les impôts sur
    les revenus supérieurs à 80 000 francs par mois ont
    diminué de 23%.
  • Les impôts sur les fortunes supérieures à 5 millions ont diminué de 15%.
  • Les impôts qui touchent les bénéfices des
    entreprises et donc les actionnaires, les riches, ont été
    diminués encore beaucoup plus massivement:
  • pour une entreprise normale, ils ont diminué de 22%
    à Genève, 29% à Berne, 34% à Zurich, de 40%
    en Thurgovie, les baisses approchant ou dépassant les 50% dans
    des cantons comme Schwyz, Obwald, Nidwald, Zoug, etc.
  • Pour les sociétés holdings, les diminutions sont
    phénoménales; -50% à Genève, -60% à
    Bâle, -70% à Berne ou Zurich, -90% à Zoug. A vrai
    dire, une société holding ne paie quasiment plus
    d’impôt à Zoug: 1 franc d’impôt pour
    1000 francs de bénéfice.