EquateurRaz-de-marée «bolivarien» à l’Assemblée constituante

Equateur
Raz-de-marée «bolivarien» à l’Assemblée constituante

Fin novembre 2006, le candidat
«bolivarien» Rafael Correa gagnait le second tour des
élections présidentielles en Equateur. Lors de sa
campagne, il avait promis une nouvelle Constitution pour en finir avec
une classe politique et un modèle économique
néolibéral totalement discrédités. Et le 15
avril 2007, 82% des Equatorien-ne-s ont approuvé la convocation
d’une Assemblée constituante de 130 membres.

Malgré le tir de barrage des partis de droite et des médias1,
les estimations de l’organisation indépendante
«Participation citoyenne» donnent à «Alianza
Pais» – la coalition qui soutient Rafael Correa –
plus de 60% des suffrages (soit 70 sièges sur 130). Les trois
principaux partis de droite – Parti socialchrétien,
Société patriotique2 et Parti rénovateur institutionnel d’action nationale3
– ne remportent qu’une trentaine de sièges. A
gauche, le Mouvement populaire démocratique (d’origine
maoïste) remporte 3 sièges (les résultats
définitifs seront publiés le 22 octobre).

La nouvelle constitution entrera en vigueur en 2008 et tous les
pouvoirs devront être «relégitimés»,
conformément aux «nouvelles règles du jeu»:
après la victoire d’Hugo Chávez à
l’élection présidentielle de 1998, le Venezuela
avait connu un même processus pour «réformer
l’Etat et refonder la République» (Hugo
Chávez, décret pour la convocation d’une
Assemblée constituante).

Le programme de Rafael Correa

«Correa plaide pour une révolution citoyenne, consistant en “une transformation radicale, profonde et rapide” du système politique, économique et social. Entre autres mesures, il a l’intention de freiner le capital spéculatif, d’imposer des mesures protectionnistes en interdisant les monopoles notamment dans le secteur bancaire, de redistribuer les “terres non productives ou mal cultivées”, d’augmenter les investissements publics, de donner la priorité au marché intérieur, etc. Parmi les grandes orientations du nouveau gouvernement, figure un axe majeur: la restructuration de la dette publique tant extérieure qu’intérieure, une étape indispensable pour entamer un processus de transformation vers un autre modèle de développement socialement juste»4.

La dette équatorienne s’élève à 16800
millions de dollars: pour faire face aux besoins sociaux, le
gouvernement a réduit la part du budget affecté au
paiement de cette dette et soldé sa dette de 11,4 millions de
dollars envers le FMI. Le représentant de la Banque mondiale
– avec laquelle l’Equateur a fait de très mauvaises
expériences – a été expulsé du pays.

D’autre part, le président équatorien et les forces
politiques qui l’appuient refusent l’ingérence de
l’impérialisme étatsunien dans la région:

  • pas d’intégration à l’ALCA (aire de
    libre-échange des Amériques) néo-libérale
    et priorité donnée à l’intégration
    régionale;
  • non-renouvellement de l’accord de 1999 (échu en
    2009) permettant aux USA de disposer d’une base militaire
    à Manta (utilisée dans le cadre du «plan
    Colombie» contre les FARC);
  • refus de s’impliquer dans le conflit interne en Colombie, en fonction des intérêts US.

Autres axes: le renforcement du contrôle d’Etat sur
l’industrie pétrolière, la renégociation des
contrats avec les sociétés étrangères, la
rentrée de l’Equateur dans l’OPEP et la
coopération en matière énergétique avec la
République bolivarienne du Venezuela et le Brésil. Enfin,
l’Equateur est partie prenante du projet de «Banque du
Sud» lancé par le Venezuela et l’Argentine, afin de
rompre la dépendance envers les institutions financières
internationales.

Un chemin vers le «socialisme du XXIe siècle», semé d’embûches

Comme le relève le Comité pour l’annulation de la
dette du Tiers Monde (CADTM) – dont le président, Eric
Toussaint, participe à l’élaboration du projet de
«Banque du Sud» – dans un communiqué
daté du 1er octobre 2007, saluant la victoire
«bolivarienne» en Equateur, «le
chemin des réformes sociales est semé
d’embûches. Plusieurs présidents de gauche ont
été élus en Amérique latine ces
dernières années en proposant de rompre avec la politique
néolibérale de leur prédécesseur, mais
très peu ont réellement mis en œuvre leurs
promesses. Le CADTM espère que Rafael Correa ne vacillera pas et
réalisera une politique démocratique de justice sociale
»5.
Battus dans les urnes à maintes reprises, les partis de droite
et les oligarchies économiques n’acceptent pas la
défaite: ils accusent le président de vouloir instaurer
en Equateur une «dictature à la Chávez» et
brandissent la menace de sécession des provinces
côtières (comme leurs homologues boliviens tentent de le
faire à Santa Cruz, ou leurs homologues
vénézuéliens dans l’Etat de Zulia, à
la frontière avec la Colombie).

Le chemin vers le «socialisme du XXIe siècle»
n’est donc pas parsemé de roses. La mise en échec
de ces manœuvres déstabilisatrices dépendra en
dernière instance des capacités de mobilisation du
mouvement social équatorien.

Hans-Peter Renk

1 Eduardo Tamayo G, Les médias contre la «révolution citoyenne», http://www.risal.collectifs.net (subdivision. Pays, Equateurs).

2 Parti de l’ancien président Lucio Gutiérrez,
élu en 2002 par la gauche, mais ayant immédiatement
viré à droite, et renversé en 2005 par un
soulèvement populaire.

3 Parti du milliardaire Alvaro Noboa, adversaire de Rafael Correa lors des élections présidentielles en 2006.

4 Cécile Lamarque, Victoire de la gauche en Equateur: quelles perspectives? (24.5.2007), http://www.cadtm.org

5 Communiqué du 1.10.2006, www.cadtm.org Rafael Correa