Elections fédéralesDerrière le cirque électoral, des enjeux et un seul vote utile

Elections fédérales
Derrière le cirque électoral, des enjeux et un seul vote utile

Bon d’accord, il faut avoir le cœur bien accroché et
l’estomac solide pour supporter la déferlante
médiatique qui nous montre Blocher et ses spadassins jouer les
vierges effarouchées, pendant que Couchepin se pose en rempart
anti-UDC, alors que Calmy-Rey s’essaie au ravaudage d’une
certaine image de la Suisse. Celle du «Heidiland high tech»
censée faire venir à nous les investisseurs et les
capitaux étrangers. Depuis toujours bienvenus, eux, entre Rhin
et Rhône.

Et il faut faire un intense effort de réflexion pour retrouver
trace de la réalité vécue quotidiennement par des
millions de salarié-e-s de ce pays dans les discours des uns et
des autres. D’habitude, le bagage politique d’un-e
prétendant-e à la députation nationale se compose
de trois formules, d’une ou deux anecdotes, de quelques
certitudes aussi fausses que rabâchées sur les lois
«naturelles» de l’économie et d’une
ressource inépuisable: le bon sens. Cette chose hybride, qui
mélange la force de l’évidence à
l’ancestrale soumission à l’ordre des choses. A
l’ordre du monde bien sûr, néolibéral et
globalisé.

Pourtant, il y a des enjeux qui vont au-delà de ce faux
semblant. Au-delà de cette vidange de la pensée unique.
Car là est bien le paradoxe: ils voteront, ces élu-e-s si
convaincus que le capitalisme représente l’horizon
indépassable de l’histoire de l’humanité. Oh,
la haute administration fédérale, les multiples processus
de consultation, le Conseil fédéral aussi leur
prédigéreront le travail, évidemment. Et les
groupes de pression parlementaires leur tiendront la main, fournissant
chiffres et arguments aux raisonneurs défaillants. Mais ils
voteront quand même sur des sujets qui ne sont pas si inoffensifs
que cela:

  • la politique énergétique: les nouvelles centrales
    nucléaires pointent leur nez et, sous prétexte de
    réorientation vers des énergies «propres», la
    taxation du dernier consommateur s’avance.
  • Les assurances sociales: IIe pilier et AVS d’abord.
    L’antienne du vieillissement de la population fera son retour,
    avec la menace d’une TVA «sociale» à la
    Sarkozy. Le financement de la santé restera un sujet
    d’actualité. La réforme de
    l’assurance-accidents est en route, celle, fragmentée de
    l’assurance-maladie se poursuivra.
  • En matière fiscale, l’aplatissement du taux de
    l’impôt fédéral direct (la Flat Tax) sera mis
    à l’ordre du jour. Et il serait illusoire de croire que la
    cure d’austérité des services publics
    s’arrêtera.
  • Cela n’empêchera pas, peut-être, de nouveaux
    avions de combat de passer sur nos têtes. Voulez vous voir voler
    des coffres-forts?
  • Les initiatives racistes et xénophobes de l’UDC seront aussi discutées par le parlement.
  • La reconduction de l’accord sur la libre circulation des
    personnes, en 2009, fera également partie de ces temps forts.

En bref, la contre-réforme néolibérale se
poursuivra sur tous les fronts. C’est de cette
réalité qu’il faut partir pour déterminer
son vote et son utilité. Non pas parce qu’un
éventuel renforcement de la députation de
solidaritéS, ou d’A Gauche toute!, aurait pour effet
miraculeux de constituer l’ultime digue contenant
l’offensive de la droite et du patronat. Ce
«crétinisme parlementaire» nous est étranger.
Mais parce que des élus peuvent et doivent constituer des points
d’appui d’une mobilisation à construire; ils peuvent
être – et sont, de fait – des porte-voix plus
puissants pour les sans-voix; leur travail parlementaire peut, en
sachant se concentrer sur l’essentiel, indiquer soit les grandes
lignes d’une résistance, soit les avancées
nécessaires vers une autre politique.

C’est dans ce sens que voter pour solidaritéS et ses
candidat-e-s est un vote utile. Parce qu’il s’inscrit dans
un mouvement plus large que le simple moment électoral et
qu’il vise le développement d’une résistance
sociale et politique ayant en point de mire un autre monde que celui du
règne généralisé des rapports marchands.

Ce vote utile là se distingue radicalement du vote
«utile», du choix du moindre mal. Celui qu’illustre
jusqu’à la caricature cette autonome interviewée
par Le Courrier (8.10.07) qui déclarait, après avoir
bloqué la manifestation de l’UDC, vouloir voter…
radical pour contrer les blochériens! Comme si la politique
xénophobe de l’Etat suisse n’était pas le
fait d’une majorité bourgeoise et que remplacer Blocher
par Merz ou Couchepin changerait fondamentalement le rapport des
forces. Il suffit de voir la concurrence acharnée que se
livrent, sur le même terrain de l’hégémonie
à droite, radicaux-libéraux d’un côté
et UDC de l’autre pour se convaincre de l’inanité
d’un tel vote de «barrage». Il n’y a
qu’un seul vote vraiment utile, parce qu’il est
déjà justement plus qu’un vote, un engagement pour
résister au néolibéralisme et construire un autre
monde: votez solidaritéS!

Daniel Süri