Santé, marché, rentabilité... UDCSale temps pour les malades pauvres

Santé, marché, rentabilité… UDC
Sale temps pour les malades pauvres

Début 2003, l’UDC
lançait son initiative, intitulée de manière
racoleuse «pour la baisse des primes d’assurance-maladie
dans l’assurance de base». Il s’agissait, comme
l’affirmait Ueli Maurer à l’époque, de
«proposer une solution authentiquement bourgeoise» à
opposer à l’initiative pour une caisse maladie unique et
sociale, avec ses primes proportionnelles au revenu.

Au menu, selon les promoteurs du texte blochérien: l’«encouragement de la concurrence», un «retour aux règles du marché», la mise en avant de la «responsabilité individuelle»
et surtout l’«élimination des prestations luxueuses
qui doivent être payées par tous.» Dix-huit mois
plus tard, soit au maximum du délai légal, l’UDC
déposait – à la raclette! – 102 000
signatures, saluant comme un miracle que «la première initiative bourgeoise en faveur d’une réforme de la santé publique» ait abouti.

Le luxe d’être bien soigné

Sur le fond, cette initiative est un pur produit du système UDC: pour «baisser les primes»,
on démantèle l’assurance de base… En effet, le
bon peuple peut bien sûr se passer d’une médecine de
«luxe», entendez d’un bon niveau, et on versera toute
une série de prestations médicales, que
l’initiative se garde d’ailleurs bien
d’énumérer, dans le domaine de l’assurance
complémentaire «régie par le droit des assurances privées»,
comme le dit explicitement l’initiative, ouvrant ainsi un nouveau
champ de profit incontrôlé aux compagnies privées
et à leurs actionnaires. Champ où ils pourront appliquer
les normes du «marché», sélectionner les bons
risques, rejeter les autres, etc. Pour remplir les promesses des
initiants UDC, d’une baisse de 20% environ des primes actuelles,
ce sont 3 ou 4 milliards par an de coupes dans la couverture de base
qu’il faudrait effectuer: ont été notamment
cités dans ce sens le non remboursement des frais de
maternité, de la prévention, etc. Mais aucun des
éléments évoqués publiquement
n’atteint le dixième du niveau des coupes réelles
nécessaires pour matérialiser ces promesses
démagogiques.

«Sicko» in Blocherland

En fait, l’initiative met le turbo en matière de promotion
d’une médecine à deux ou trois vitesses. Elle
fusille toute solidarité sociale et roule à tombeaux
(littéralement) ouverts vers ce système «à
l’américaine» que dénonce Michael Moore dans
son film récent. La «solution» UDC est de
réduire largement la couverture de la majorité des gens,
plutôt que de financer, de manière sociale, une assurance
adéquate pour tous. En matière de chômage,
c’est la voie proposée par ceux qui pensent que chacun-e
– ou plutôt ceux qui en ont les moyens – n’ont
qu’à s’assurer individuellement auprès de
telle ou telle compagnie d’assurance privée et qu’on
à bien raison de démanteler
l’assurance-chômage publique!

En matière de santé, l’initiative UDC consacre
outre le démantèlement de l’obligation
d’assurance, le principe du financement dit
«moniste», càd que les collectivités
publiques contribuent au financement des hôpitaux par la voie
unique du subventionnement des assureurs. Elle supprime aussi ce
qu’on appelle l’«obligation de contracter»,
c’est-à-dire que les assureurs sont les maîtres
absolus du jeu et peuvent dicter qui délivre les prestations
qu’ils sont appelés à rembourser.

Cette initiative est une horreur néolibérale,
revêtue d’habits populistes et démagogiques. Jusque
là rien de surprenant. Ce qui l’a été plus
pour certains, c’est la décision prise par le parlement au
Conseil national ce 18 septembre. En effet, la majorité de la
commission – comme le Conseil fédéral
d’ailleurs – proposait le rejet de l’initiative sans
contre-projet.

Radicaux et PDC suivent le mouvement

Or cet avis «majoritaire» et «raisonnable»
n’a pas été suivi, mais un
«contre-projet», bricolé à la hâte pour
prolonger le délai avant le vote populaire et empêcher que
l’UDC ne prenne une claque aux urnes avant les élections,
a été adopté par le National. Ceci par une
très nette majorité de 109 (contre 74). Cette
majorité comportait les UDC – bien entendu – mais
aussi l’ensemble des radicaux et des PDC, à une ou deux
exceptions près.

Or ce contre-projet, dont nous reparlerons, va exactement dans le
même sens, mais un peu plus habilement, que l’initiative
blochérienne. Elle entend notamment, pour ne citer qu’un
point «garantir un système de soins rentable»!
Toute cette affaire démontre, s’il en était besoin,
que la blochérisation, ça ne se soignera pas par une
simple purge du Conseil fédéral. C’est une
opération autrement majeure qu’il faudra envisager si on
veut sauver le patient.

Pierre Vanek