La révolution sioniste est morte

La révolution sioniste est morte

Sous ce titre accrocheur se cache une excellente anthologie de textes
de critiques juives contre la politique sioniste d’Israël.1
Bien qu’extrêmement minoritaire, il existe en effet en
Israël des courants et individus hostiles au sionisme fondateur.
Vingt-sept contributions sont réunies par M. Warschawski,
fondateur du Matzpen, l’organisation de la IVe Internationale
dans ce pays. Ce livre est absolument indispensable, car il montre de
manière très claire qu’existent des voix qui
contestent avec force la haine de l’Arabe (du Palestinien) et
l’exaltation du nationalisme le plus étroit.

Certains textes sont traduits de l’hébreu, d’autres
de l’anglais. On y retrouve la plume de plusieurs auteurs
publiés par ailleurs par La Fabrique (Amira Hass, Tanya
Reinhart, notamment). Différentes formes se côtoient,
depuis des prises de position dans la presse (nombreuses), des textes
politiques d’organisations, des poèmes, des articles de
presse, des critiques de films.

Le lecteur français sera sans doute étonné de la
violence de certaines critiques portées contre le sionisme.
Certes, les extraits de textes du Matzpen, juste après la guerre
des 6 jours de 1967, appelant à la fraternisation des Juifs et
des Palestiniens, apparaissent en très fort décalage au
moment même de l’acmé nationaliste. Mais
l’entretien, beaucoup plus tardif puisqu’il date de 2004,
avec Shulamit Aloni, ancienne ministre, publié dans le journal
Yediot Aharonot, constitue une véritable bombe. Titré
«Comme les Allemands, nous ne voulons pas savoir», ce texte
explique que les citoyens israéliens ont le même
comportement d’ignorance du sort fait aux Palestiniens que les
Allemands l’avaient à l’égard des Juifs et de
leur extermination. Un tel discours en Europe serait
immédiatement taxé d’antisémitisme par les
laudateurs de la politique israélienne.

Certaines voix sont encore plus radicales dans leur expression. On
songe notamment à celles de Yehouda Elakana, philosophe, qui
proclame carrément la nécessité de l’oubli
(de l’extermination des Juifs) pour assurer une démocratie
en Israël. On ne peut que mesurer l’écart avec les
mythes fondateurs de la nation quand on lie des phrases comme «Notre
devoir est d’oublier. Je ne vois pas aujourd’hui de mission
politique et éducative plus importante pour les dirigeants de la
nation que de se placer du côté de la vie et de se
consacrer à notre avenir, plutôt que de s’occuper du
matin au soir des symboles, de cérémonies et des
leçons à tirer de la Shoah. Ils doivent extirper de nos
vies l’emprise du «Souviens-toi» de
l’histoire»
(p. 68).

La lecture de ce formidable recueil présente un visage
méconnu et extrêmement critique de l’action de
l’Etat sioniste, des voix qui s’élèvent
contre l’occupation de la Palestine.

Georges Ubbiali


1 La révolution sioniste est morte. Voix
israéliennes contre l’occupation, 1967-2007. Textes
réunis et présentés par Michel Waschawski. Paris,
La Fabrique Ed., 2007, 156 p.