PakistanPoker menteur à Islamabad
Pakistan
Poker menteur à Islamabad
Cest une belle histoire que nous racontent les
spécialistes autoproclamés du «terrorisme
international » à propos de lassaut donné
par les troupes pakistanaises aux fondamentalistes de la Mosquée
rouge dIslamabad. Al-Qaida aurait ainsi été sur le
point de renverser le pouvoir du général président
Pervez Musharraf. Qui, nécoutant que son sens de
lEtat, aurait décidé de débarrasser le pays
de cette engeance.
Or, si le régime dictatorial de Musharraf se trouve
incontestablement dans une passe difficile, la répression
spectaculaire des islamistes radicaux a davantage pour fonction de
tenter de regrouper la population autour de larmée et de
son chef dEtat-major, Musharraf lui-même, que de donner un
coup darrêt durable à un mouvement à
lorigine organisé et financé par le régime
et ses servicessecrets (SIS), véritable Etat dans lEtat.
Une fois de plus depuis octobre 2001, date où le Pakistan a
rejoint le camp de la coalition «antiterroriste»
menée par les USA, Musharraf a enfourché le blanc
destrier de laxe du Bien. Cette fois, il sagit moins
dobtenir les millions de dollars américains qui sont
venus alors soutenir léconomie défaillante du pays
que de chercher le renouvellement du soutien politique des Etats-Unis.
Pour linstant, la position officielle de Washington reste celle
que le porteparole du Département dEtat, Sean McCormack,
donnait à la mi-mars: «Le président Musharraf est
un bon ami et un allié dans la guerre contre le terrorisme. Il a
une vision pour le Pakistan en terme de réformes politiques,
économiques et sociales et il poursuit cette voie».
Ce qui nempêche nullement les Etats-Unis de resserrer
leurs liens avec lInde, afin de trouver un contrepoids aux
ambitions régionales chinoises. Avec cette nouvelle donne, le
Pakistan risquerait de retrouver lisolement international
dun Etat de deuxième zone. Après le retrait de
positions détenues au Cachemire et labandon du
régime taliban installé à Kaboul grâce
à son appui, ce serait un troisième camouflet pour
larmée pakistanaise. Musharraf, qui a besoin de ses
généraux, doit absolument léviter.
Car, contrairement à ce quil avait lui-même promis,
il ne se retirera pas du pouvoir, comme il aurait dû le faire
dès 2004. Il cherche donc à se faire
réélire par le Parlement où la
docilité de députés corrompus est acquise, le
gouvernement disposant de tous les dossiers nécessaires pour
convaincre les récalcitrants et à faire approuver
le tout par la Cour suprême.
Pas de chance: la tentative de limogeage du chef de cette Cour,
Itfikhar Chaudrhy, trop peu fiable au goût du
général-président, a été à
lorigine dune vaste campagne spontanée
dagitation politique contre le régime, qui a
culminé dans la grève générale, massivement
suivie, de la mi-mai, avec des affrontements violents à Karachi.
Chaudrhy a déplu en haut lieu à cause, dune part,
de lintérêt porté à des cas
denlèvements illégaux dopposants, suivis de
séquestration et de tortures, exécutés par de
mystérieuses forces de sécurité. Le magistrat,
dautre part, navait pas hésité à
annuler la vente, par le gouvernement, de Pakistan Steel Mills, la plus
grande entreprise industrielle du pays à des investisseurs
russes, saoudiens et pakistanais à un prix jugé
dérisoire. Par ailleurs, il avait déjà
sérieusement agacé le pouvoir en place en ordonnant au
gouvernement du Baloutchistan de soumettre un rapport
détaillé sur la distribution illégale de 98000
hectares de terres à des ministres, des politiciens et des
bureaucrates à Gwadar.
Conscient de ces revers, auxquels sajoutent le soutien
déclinant des courants religieux regroupés dans le MMA
(Muttahida-Majlis-e- Amal) et la piteuse expédition de
larmée dans la province du Baloutchistan (800 soldats
tués sans pouvoir mater linsurrection nationaliste),
Musharraf prévoyait de mettre en place, après sa
réélection, une forme de gouvernement «civil»
plus ouvert, mais sans réel pouvoir. Ce qui aurait donné
loccasion à lune de ses principales opposantes,
lancienne première ministre Benazir Bhutto, actuellement
exilée entre Londres et Dubaï, de faire son retour sur la
scène politique pakistanaise. La «pasionara» du
Pakistan People Party avait commencé sa carrière
politique comme une madone des pauvres pour la terminer comme
milliardaire et reine de la corruption
Il nest pas dit que lautocrate dIslamabad
parvienne à ses fins et réussisse à sauver son
pouvoir vacillant. Pour que les choses changent vraiment à
Islamabad et dans le reste du pays, il faudrait toutefois une
quasi-insurrection. A limage de celle qui avait mis fin à
la dictature du maréchal Ayub Kahn en 1969.