Maternité: quelles stratégies après Genève

Après la défaite nationale de l’assurance maternité, les féministes genevoises ont réussi à obtenir le vote d’une loi cantonale. Le lancement d’un référendum contre cette décision, n’a pas eu lieu, mais surtout son succès en votation, paraissaient très improbables.
Afin d’évaluer la portée de cette avancée par rapport à la poursuite de la bataille nationale pour l’assurance maternité, nous avons traduit de l’italien un point de vue critique, paru dans Solidarietá, et demandé à notre camarade Marina Decarro de présenter les positions des conceptrices du projet genevois.


A notre avis, de même que les succès obtenus pour le droit de vote des femmes au plan cantonal s’inscrivaient dans la perspective de gagner au plan national, l’assurance maternité cantonale peut être un point d’appui pour l’extension de ce droit au niveau fédéral. C’est une question de vision politique.

(Réd.)

Maternité


Quelles stratégie après Genève?


Anna de Lorenzi*


A moins d’une année de la cuisante défaite en votation concernant l’introduction d’une assurance maternité sur le plan fédéral, le canton de Genève appuie sur l’accélérateur et propose une assurance maternité pour les femmes qui travaillent sur son territoire depuis trois mois précédant leur accouchement. Le projet genevois prévoit un congé de 16 semaines payé à 80% du salaire. L’ensemble sera financé par des contributions paritaires des employeurs et travailleurs/euses avec un fond de compensation sur le modèle AVS.
Le projet devrait entrer en vigueur le premier juillet sous réserve encore d’un improbable référendum et d’un passage au crible par l’Office fédéral des assurances sociales. Mais, au-delà de ces détails techniques, la question de Genève mérite un certain nombre de considérations d’ordre général.


L’idée de l’introduction de l’assurance maternité au niveau cantonal est issue d’une frange du mouvement des femmes à la suite de l’échec subi en votation l’an passé. Cette fois encore, les urnes ont mis en évidence une fracture entre les cantons romands et le Tessin, favorables à l’assurance, et la Suisse allemande, hostile à cette initiative. Une division du pays qui a poussé une partie du mouvement des femmes à se faire le porte-parole de solutions au niveau cantonal: «Pourquoi – tel était en substance leur discours – les femmes romandes ou tessinoises devraient-elles subir le diktat de la Suisse allemande? Pourquoi ne pas faire seules?» Une tentation plus que légitime, renforcée par l’idée que l’introduction d’un projet de protection de la maternité sur le plan cantonal pourrait pousser les autres cantons dans la bonne voie et jouer également un rôle dans ce sens en ce qui concerne le débat à l’échelle fédérale. Cette tentation est cependant fort périlleuse.


En effet, on risque simplement de renforcer l’idée dominante de cette division, considérée comme indépassable, entre une Suisse allemande plus conservatrice et rétrograde et une Suisse latine plus progressiste et ouverte aux droits des femmes. Cette division en venant ainsi à être perçue comme un fait acquis, indépassable occulte les raisons sociales et politiques qui conduisent à cette «fracture». Seule la présence organisée et forte d’un vrai mouvement social, enraciné au niveau national, pourra éviter que perdure cette division et pourra permettre d’obtenir des victoires significatives pour les femmes en général et pour les secteurs les plus défavorisés. Dans le cas de l’assurance maternité, la recherche de solutions cantonales ne favorise pas la construction d’un mouvement organisé à l’échelle nationale et aura presque certainement des effets négatifs de ce point de vue, créant des divisions importantes entre femmes.


De plus, l’idée d’avancer à petits pas (d’abord sur le plan cantonal, et ensuite seulement à l’échelle nationale) risque de se révéler une illusion. Les déclarations de Peter Hasler de l’Union patronale suisse à propos de la solution genevoise sont aussi claire que préoccupante: «Le cas genevois – a-t-il affirmé – démontre clairement que la voie nationale doit être abandonnée.» Le patronat semble disposé à accepter (mais encore faudra-t-il voir s’il ne lance pas un référendum à Genève) des solutions partielles et cantonales dans le but de barrer la route à des perspectives plus larges et qui concernent toutes les femmes.


Face à cette situation, le mouvement des femmes devra éviter de tomber dans le piège. Il devra – au contraire – relancer une bataille forte et dans la durée pour obtenir, pour toutes les mères, un congé de 16 semaines payé à 100% avec la possibilité de congés parentaux.

* paru dans Solidarietàn (bimensuel du mouvemen Solidarieta – Tessin)