Assurance maladie, une seule règle légitime, la solidarité !

Assurance-maladie


Une seule règle légitime, la solidarité!


Intervention du président du Forum Santé lors de la manifestation, organisée le 5 octobre à Genève, contre la hausse des cotisations aux caisses-maladies et contre la politique néolibérale de celles-ci.

Gilles Godinat

Nous sommes ici pour montrer notre inquiétude et notre colère face à cette nouvelle augmentation des primes d’assurance-maladie. Aujour-d’hui les autorités fédérales ont donné le feu vert à 9,7% d’augmentation en moyenne nationale pour les adultes et de 15% pour les jeunes adultes. Depuis l’introduction de la nouvelle loi sur l’assurance-maladie, cela représente près de 7,5% en moyenne nationale année, pour atteindre au total plus 50% en moyenne depuis l’introduction de la LAMal.


Les dépenses pour notre santé en suisse ont atteint 11% du PIB. Après les Etats-Unis, notre pays est en deuxième position pour ses dépenses de santé mais en 20e position selon l’OMS pour son système de santé, à cause principalement des inégalités dans le financement. Nous restons en Europe le seul pays où la population paie une prime par tête alors que les autres ont un système de cotisations en fonction du revenu. Notre politique de financement de l’assurance-maladie ne fait qu’accroître les inégalités, malgré la nouvelle politique des subsides. Il faut savoir que notre santé ne dépend que pour 15% de notre système de soins. L’essentiel tient à nos habitudes et conditions de vie, à nos conditions de travail et à notre environnement. Pourtant nous avons tendance à croire que seul le système de soins est important parce qu’il est effectivement devenu un vrai champ de bataille depuis des années.


Vers la privatisation de la santé ?


Les partis de droite de ce pays, surtout l’UDC et le parti radical, veulent maintenir le système actuel de financement antisocial profondément injuste. Aujourd’hui certaines familles dépensent plus de 25% de leurs revenus pour l’assurance maladie. Cette réalité est intolérable et inacceptable. Ce système doit changer pour plus de justice sociale.


Non seulement la droite entretient le fossé social, mais elle veut renforcer les mécanismes du marché dans notre système de soins, en développant la concurrence, les critères d’économie d’entreprise, en voulant développer le secteur privé au détriment du secteur public, en limitant l’assurance maladie dite sociale au profit des assurance complémentaires et des assureurs privés pour augmenter la part de l’assurance maladie qui est lucrative pour les assureurs maladie. Pour faire passer la pilule, le Conseil aux Etats propose aujourd’hui de plafonner les primes à 8% du revenu!


La droite de ce pays a décidé que la politique néolibérale devait s’étendre dans notre politique de soins et veut remplacer les pouvoirs publics par les assurances pour diriger notre système de soins, en donnant toujours plus de poids aux assureurs maladie et surtout en diminuant la participation des pouvoirs publics. Depuis 1995, avec le remplacement de la politique des subventions aux caisses maladie par la politique des subsides, il y a eu une forte baisse de l’engagement de la Confédération et des cantons. Si les subventions des collectivités publiques avaient été maintenues dans la même proportion qu’en 1990, soit 2 milliards, elles atteindraient aujour-d’hui plus de 3 milliards dans les caisses des assurances. Or cela fait donc un milliard de plus à la charge des assurés en moyenne par année avec cette politique.


Plus de risques individuels


De plus, le système des primes à option pour faire baisser les primes s’est aussi développé en augmentant la prise de risque individuelle, en creusant aussi les inégalités Cela représente 3 milliards payés directement par les assuré-e-s sur les 18 milliards dépensés par les caisse maladie en une année.


Enfin, ce système de financement qui doit aider avec ses subsides plus d’un tiers de la population, avec 26 politiques cantonales différentes, a atteint les limites de l’absurde. Ce système doit profondément changer! Seul un financement proportionnel au revenu est socialement juste et solidaire. Le financement actuel basé sur la concurrence et l’individualisation des risques tue la solidarité. En ce qui concerne les réserves des caisses maladie, plus de 10 milliards de placements divers, dont la majorité dans l’immobilier, sont reconnus officiellement. Nous avons de sérieux indices que ces réserves sont sous évaluées et qu’une partie est placée dans des circuits spéculatifs. Certains experts ont évalué l’ensemble des réserves cumulées à la somme annuelle dépensée par les caisses, soit 18 milliards.


En plus de l’opacité, certains groupes utilisent le dumping pour capter les assurer et redistribuent les coûts sur d’autres assurances de leurs groupes ou d’autres secteurs géographiques. Enfin, les caisses publient des chiffres qui ne correspondent pas aux données des cantons, comme le canton de Genève. Cette situation est inacceptable. La transparence de la gestion et des données chiffrées des caisses, sous réserve de l’anonymat, est indispensable à une politique de santé cohérente.


Pour le volet concernant la maîtrise des coûts, l’UDC et le parti radical ont proposé au niveau suisse de réduire le catalogue des prestations de base, de mettre sur pied d’égalité le financement du secteur privé et du secteur public, de supprimer l’obligation de contracter, laissant ainsi la place au régime de l’arbitraire le plus total, seules les caisses-maladie pourront choisir leurs fournisseurs de soins préférés selon leurs critères néolibéraux: la rentabilité, le moindre prix, en écartant ainsi les prises en charge de patients coûtant cher à l’assurance maladie. Ils ont signé l’arrêt de mort définitif de la solidarité dans le domaine de la santé.


Garantir des soins de qualité


Enfin, il est inadmissible d’interdire les jeunes praticiens de s’installer en assurant ainsi une rente de situation pour les praticiens déjà installés. D’autres mesures sont possible, sans porter atteinte au libre choix des thérapeutes. D’autre part, la droite veut transférer le subventionnement des hôpi-taux aux assureurs maladie qui pourront ainsi faire la liste des hôpitaux de leur choix ouvrant la voie au déploiement du secteur hospitalier privé. Nous refusons ces mesures qui mettent en danger l’ensemble du système de soins de notre pays. Il faut savoir que la part des médicaments est celle qui a le plus augmenté avec les semi-hospitalisations. Les médicaments vendus en Suisse sont trop cher, et nous devons faire pression pour le développement des médicaments génériques encore beaucoup trop insuffisants. Pour terminer, face à cette situation qui se détériore aujour-d’hui pour de très nombreuses familles et pour donner une autre réponse aux recettes néolibérales voulues par la droite de ce pays et de ce canton: nous demandons…


Dans l’immédiat:



  • Une plus grande transparence de la gestion des caisses-maladie pour faire cesser l’arbitraire du montant des primes élaborées dans une opacité et une polémique de chiffres invérifiables.
  • Un réengagement financier et politique de l’Etat, particulièrement de la Confédération, dans le pilotage et la coordination d’une politique, sanitaire nationale digne de ce nom.
  • La mise en place d’un fonds de réserve unique pour l’ensemble des caisses-maladie permettant la suppression des réserves et provisions des différentes caisses.
  • Et le plus rapidement possible la votation de l’initiative de l’USS et du PSS pour une santé à un prix abordable afin de réaliser un pas décisif vers un financement de l’assurance maladie en fonction du revenu. Nous appelons au soutien le plus large possible de cette initiative.

Enfin, nous sommes favorable à une caisse-maladie publique unique pour toute la suisse pour les prestations de base sur le modèle de la CNA. Nous soutenons donc bien sûr les propositions de caisse cantonale publique à Genève. Notre santé est un bien trop précieux qui ne peut être soumis aux lois du marché: une seule règle est à nos yeux légitime: la solidarité.