Crise climatique et énergétiqueFaites pas la moue, mais la grève!

Crise climatique et énergétique
Faites pas la moue, mais la grève!

L’émergence d’une
crise planétaire change et clarifie les priorités de la
lutte de classes. De beaux slogans d’antan sont obsolètes.
Même dérisoire le «Faites l’amour, pas la
guerre», alors que des milliers de précaires partent au
massacre pour le compte de riches empires avec une solde comme salaire.
On clame alors «Pas de sang pour du pétrole!» et
«Un autre monde est possible» bien que nous ne sachions pas
quel autre pétrole peut le rendre possible.

Quant au slogan de «Contrôle ouvrier» sur la
production et le partage des fruits du travail, il serait
d’actualité en visant la substitution du mode de
production capitaliste par un écosocialisme au strict service
des humains et de la nature. Il y a 34 ans, les grévistes de LIP
concrétisaient ce «contrôle» par
«C’est possible, on fabrique; on vend; on se paye!»
mais aujourd’hui il ne suffit plus que quelques uns puissent
«se payer»!

Comme «Nos vies valent plus que leurs profits»,
qu’attendons-nous pour refuser de «Perdre sa vie à
la gagner», de cesser de produire et consommer ce qui «nuit
gravement à la santé», en se souvenant que
«Notre seule arme c’est la grève»!

Difficile de remettre en question les revendications figées, de
concevoir que le prolétariat puisse bloquer l’emballement
productiviste tout en assumant les conséquences sur
l’emploi et les salaires, que les acteurs-trices de grèves
altruistes sacrifient leurs intérêts immédiats
à ceux, vitaux, de tous. Cette issue semble illusoire tant le
prolétariat est asservi au travail et dépendant du
marché, tant ses préoccupations immédiates ont
aboli son avenir, tant la marchandisation du monde a escamoté la
vie…

L’actualité interpelle

Pourtant les spectateurs engagés, sortant abasourdis d’une projection de «The Oil rash»1 ou d’«Une vérité qui dérange»2,
demandent inquiets: «Que faire?» Un documentaire convainc
que le pétrole est bientôt fini, l’autre que les
dégâts liés à son usage commencent
seulement! La moue incrédule des spectateurs-trices est à
la mesure de leur angoisse, d’autant que ces films
n’offrent pas d’issue. Pas de happy end, pas de
contestation possible des évidences assénées, rien
qu’un «Cauchemar de Darwin» planétaire. On
comprend que des militant-e-s préfèrent ne pas être
interpellés par ces vérités dérangeantes.

Pourtant ce sont des milliards de gens dans le monde qui prennent
conscience de l’urgence d’agir, soit en vivant
concrètement la dégradation de leur milieu vital, soit en
la découvrant par les rapports scientifiques du GIEC, dans la
presse, la TV…3 La bourgeoisie s’en inquiète,
craignant que le constat de son échec retentissant,
étalé dans ses médias, mette en danger sa
domination sur le travail des hommes et la nature. C’est pourquoi
elle forge un arsenal idéologique visant à
désamorcer la bombe énergético-climatique
grésillant entre ses mains.

L’écologie libérale

Les laquais sociaux-libéraux de la bourgeoisie volent à
son secours. Parmi ces brouilleurs d’évidences, il y a
Bjørn Lomborg et son livre «L’écologiste
sceptique»4 et récemment la parution d’un
énième livre de Claude Allègre, préfacier
de celui de Lomborg, «Ma vérité sur la
planète».5 Le pavé de Lomborg,
qualifié de «Best-seller mondial», a rejoint le
rayon des chiffonniers et le livre d’Allègre, à
peine paru, est bradé chez Payot!

Mais leur impact politique n’est pas à sousestimer. Les
«arguments» de l’allègre défenseur du
productivisme se résument à ses invectives: «sectes vertes», «écologie totalitaire», «adversaire de la science»… ou à ses dogmes: «L’écologisme est devenu une menace pour la planète», une «mise en accusation du progrès».6

Prétextant contribuer au débat sur
l’environnement, ces ouvrages sont politiques, ils visent
à «remettre en question le mythe selon lequel l’économie nuit à l’environnement.»7 Le
«socialiste» Allègre s’acharne à
défendre l’économie capitaliste, malgré son
«progrès» et sa croissance oncogène. Il a le
culot de changer échecs en vertus et impasse en issue: «Il
faut faire de la résolution des problèmes
écologiques le moteur de la croissance, du développement
des pays du tiers-monde et de la réduction des
inégalités
8 Bien exploitées, les catastrophes généreront de nouveaux profits: «La séquestration du CO2 va devenir un marché mondial de plusieurs milliards de dollar9 et «L’énergie
nucléaire constitue, pour la France, un atout
considérable, dans la compétition
énergétique qui s’annonce
10

Les politiques s’en inspirent. Alain Juppé «pense
que nous pouvons inventer une nouvelle croissance, qui
s’accompagne évidemment d’une décroissance
[sic] des gaspillages..
11 Jacques-Simon Eggly, apôtre de l’écologie libérale, préconise «un avenir écologique, mais avec une économie libre, dynamique assurant la prospérité12 Les radicaux genevois proclament «L’écologie et l’économie réconciliées»!13

Grèves solidaires

Or la bourgeoisie n’a pas de
solution. Son économie a mené le monde à la
faillite et la nature se passerait bien de ses services. Seul le
prolétariat, en tant que producteur et consommateur, peut
bloquer la course destructrice du productivisme et sauver la
planète. Ce défi ne se concrétisera que par des
grèves combinées de production et de consommation.

Elles ne seront plus entreprises pour défendre des emplois, des
salaires, des usines, contre les licenciements, fermetures ou
délocalisations, mais pour boucler définitivement toute
entreprise qui pille, gaspille, pollue, invalide les travailleurs-euses
et empoisonne les consommateurs-trices de leur production.14
 
Ces grèves solidaires libéreront des hommes et des femmes
de l’astreinte au travail, préserveront leur
intégrité, prolongeront leur vie, épargneront les
ressources de la Terre, ménageront le climat et assureront
l’avenir des générations à naître. Ce
temps de vie reconquis donnera aux salarié-e-s le temps de
vivre, d’apprendre et créer, pour construire, ensemble,
cet autre monde qui grâce à elles-eux deviendra possible.

François Iselin

1 Film de Basil Gelpke et Ray McCormak.
2 Film d’Al Gore.
3 Même Thalassaa consacré une émission
spéciale à l’effet de serre: Ça va chauffer!

4 Bjørn Lomborg, L’écologiste sceptique, le
véritable état de la planète, Cherche midi, 2002.

5 Claude Allègre, Ma vérité sur la Planète, Plon/Fayard, avril 2007.
6 Sa préface du Lomborg et Ma vérité sur la planète.
7 Lomborg, p.63.
8 Idem, p.8.
9 Idem, p.141.
10 Idem, p.138.
11 Feuille de route, Le Monde, 22.5.07.
12 Le Temps, 22.5.07.
13 Le Temps, 21.5.07.
14 Manifeste pour une grève générale de la
consommationPaul Ariès, et Vers des grèves solidaires,
F.I.