Initiatives fiscalesLa droite défend les riches, socialistes et Verts font le grand écart

Initiatives fiscales
La droite défend les riches, socialistes et Verts font le grand écart



Dans sa session de début mai,
le Grand Conseil genevois a décidé de rejeter sans
contre-projet deux initiatives fiscales que nous avions
impulsées, ceci par 52 voix contre 29 voix vertes et
socialistes.

Pour mémoire, ces deux initiatives ont été
déposées en juillet 2005, l’une instituant un
impôt de solidarité sur les contribuables ayant une
fortune imposable supérieure à 1.5 million. La seconde
revenait sur une baisse linéaire de 12%, imposée par les
libéraux en 1999. Cette baisse de 12% a représenté
une manne financière appréciable pour les hauts revenus,
mais très modeste pour la grande majorité des
contribuables. Elle a en outre représenté un manque
à gagner de 350 millions par an pour l’Etat et s’est
cumulée avec plusieurs autres cadeaux fiscaux aux plus riches.
Notre initiative propose qu’à partir d’un revenu
imposable de 100 000 francs pour une personne seule et 130 000 francs
pour un couple, cette baisse soit réduite de 1% par tranche de
revenu supplémentaire de 10 000 francs.1 Ainsi, plus de 80% des contribuables ne seraient pas touchés par cette initiative.

L’épouvantail de l’exode fiscal

Avec une majorité de droite au Grand Conseil, ce parlement a
logiquement refusé ces initiatives; en effet, dès que
l’on touche au porte-monnaie des nantis, la droite est saisie
d’urticaire et défend leurs intérêts de
classe, en usant d’arguments visant à faire peur à
la population.
 
Les représentant-e-s des libéraux, radicaux et autre UDC
défendent les leurs, en disant que si les plus riches sont plus
taxés, ils quitteront le canton, que Genève n’est
pas concurrentiel fiscalement et qu’au final le canton perdrait
plus d’argent qu’il ne pourrait en gagner avec
l’application de ces initiatives. Un député
libéral a même osé dire qu’il vaut mieux
être pauvre et malade, que riche et bien portant à
Genève. Leurs arguments sont tout aussi mensongers que leurs
prédictions de l’époque, selon lesquelles leurs
baisses d’impôts allaient se traduire… par une hausse des
recettes de l’Etat, vu l’arrivée en masse de gros
contribuables.

Leurs considérations sont d’autant plus irrecevables
qu’il s’agit,d’une contribution de quelques mi l l i
e r s de f r a nc s pour l e s grosses fortunes: avec 5 millions de
francs de fortune imposable, le contribuable payerait 18 500 francs de
plus que ce qu’il verse actuellement à l’Etat. A ce
niveau, bien d’autres facteurs que la fiscalité rentrent
en jeu quant à la détermination des gros contribuables,
notamment tout ce que ce canton offre en terme de qualité de vie
(diversité culturelle, environnement naturel, aéroport,
etc.), qui compte bien plus que quelques milliers de francs
supplémentaires d’impôts.

Double jeu des Verts et du PS

Avant ce vote négatif du Grand Conseil, le Conseil d’Etat,
pourtant à majorité rose-verte, avait pris position
contre ces deux initiatives, sous prétexte de se conformer
à son discours d’investiture, dans lequel il
s’engageait à ne pas baisser les prestations (ce
qu’il a pourtant fait!) et à ne pas augmenter les
impôts (ce qu’il a religieusement respecté). Le
conseiller d’Etat Vert, David Hiler, responsable des Finances, a
défendu ce point de vue lors de la plénière du
Grand Conseil. Cette position est en complète contradiction avec
la participation et le soutien du PS, des Verts et de David Hiler
lui-même au lancement ces deux initiatives et en opposition au
vote des députations verte et socialiste au Grand Conseil. Le
grand écart à géométrie variable semble
être une posture politique de plus en plus utilisée entre
les représentants des Verts ou du PS à
l’Exécutif et les députations de ces partis.

Hausses d’impôts… comme repoussoir?

Dans le même registre, lors du congrès cantonal des Verts
le 12 mai, l’autre conseiller d’Etat de ce parti, Robert
Cramer, a annoncé que les «restructurations»
internes de l’Etat ne suffiraient pas à rétablir
les finances du canton et que la formule magique du gouvernement
«ni hausse d’impôts, ni baisse de prestations»,
au nom de laquelle les magistrats Verts ont renié leur soutien
aux initiatives fiscales de la gauche et des syndicats, allait
être passée par-dessus bord. Nous avons
dénoncé le caractère trompeur de ce
prétendu «ni-nisme», puisque nombre de baisses de
prestations au détriment des plus démuni-e-s ont
déjà été votées et appliquées
(augmentation de l’impôt pour les retraité-e-s,
SCARPA, suppression des allocations transport et vêtements,
diminution du minimum vital grâce à l’application
des normes CSIAS). Mais aujourd’hui, où des hausses
d’impôts semblent pouvoir être envisagées,
plutôt que de reprendre la formule de nos initiatives —
discutées longue- ment entre toutes les forces de gauche et avec
les syndicats et appuyées par un total de 25 000 signatures
environ — elles ne paraissent devoir être utilisées,
au coup par coup, que comme un épouvantail pour faire accepter
des coupes dans les prestations.

On votera cet automne

Ainsi, lors de ce congrès, les Verts n’ont pas
réaffirmé leur soutien à ces initiatives fiscales
qui permettraient de faire rentrer 300 millions par an dans les caisses
de l’Etat; en revanche, leur président Antonio Hodgers a
déclaré son intérêt pour… la formule du
«paquet fiscal» de Micheline Calmy-Rey, issu de la
«table ronde» de 1998, qui avait servi à tenter de
dégager une maj ori t é prét endument
«centriste» avec la droite pour  contourner la
majorité de gauche et verte du parlement issue des urnes en
1997.

Rappelons que ce «paquet» de coupes antisociales et
d’impôts injustes, avait été balayé
par près de deux tiers des votant-e-s, suite à une
importante mobilisation sociale dont l’opposition parlementaire
de la gauche de la gauche (ADG) était le (seul) relai
parlementaire.

Quoi qu’il en soit, nos deux initiatives «Pour le
rétablissement social des finances cantonales…»
passeront en votation cet automne et il nous faudra mener une campagne
forte, articulant concrètement notre opposition aux coupes
antisociales et à la pauvreté et à la
précarité qu’elles entraînent, avec notre
proposition d’une fiscalité plus juste.

Marie-Eve Tejedor


1 Voir solidaritéS n° 100, p.17-18