Daniel Guérin, révolutionnaire en mouvement(s)

Daniel Guérin, révolutionnaire en mouvement(s)

La revue «Dissidences»1 vient de publier le
numéro 2 de sa nouvelle série, consacré à
Daniel Guérin (1904-1988), militant et historien par trop
méconnu en ce début de 21e siècle.

Pour le 100e anniversaire de la naissance de ce dernier, un colloque
avait été organisé en 2004 à
l’Université de Loughborough. «Dissidences» en
présente les principales contributions: «Nous proposons
ici une exploration de la personnalité de Daniel Guérin.
Celui-ci illustre la figure d’un militant révolutionnaire
en mouvement(s). Pendant plus d’un demi-siècle, il fut
engagé dans de nombreuses causes. Syndicaliste et socialiste
SFIO, “pivertiste”2 et trotskyste, antifasciste,
militant de, la cause homosexuelle, anticolonialiste et antiraciste,
libertaire, il fut aussi un historien reconnu de la Révolution
française. Révolutionnaire en permanence, il illustre par
sa vie, son parcours et ses oeuvres, une figure de la radicalité
sans faille en politique. Dans la synthèse du marxisme et de
l’anarchisme, Guérin chercha à dépasser les
antagonismes politiques et à faire évoluer les clivages
au sein du mouvement révolutionnaire»3.

Deux articles sont consacrés à la révolution
française: la Terreur de 1793, l’influence de Karl Kautsky
(«pape du marxisme» au début du 20e siècle)
sur l’ouvrage de Guérin4. D’autres textes
traitent de son militantisme, dans la SFIO des années 1930 et
l’Union des travailleurs communistes libertaires, ainsi que son
action anti-colonialiste et l’ouvrage «La peste
brune» (ses reportages en Allemagne avant et après la
prise du pouvoir par les nazis). Enfin, trois articles fort
documentés sont consacrés aux aspects (politiques et
privés) de l’homosexualité de Daniel Guérin.

Alors que la France vit une prétendue «révolution
conservatrice» – où les idées de Mai 68 sont
dénoncées comme la source de tous les maux par la droite
lepeno-sarkozysée et la gauche gouvernementale blairisée
–, l’évocation du militantisme et de la vie
(publique et privée) de Daniel Guérin rappelle notamment
qu’avant cette secousse salutaire le moralisme étroit de
la société française a fait des
dégâts jusque dans les rangs du mouvement ouvrier. Ainsi,
les premières autobiographies de Daniel Guérin –
inspirées de la méthodologie des
«Confessions» de Jean-Jacques Rousseau – sont plus
discrètes que les dernières sur les divers aspects de sa
vie intime.

Le colloque de Loughborougha permis de créer une «
Association des amis de Daniel Guérin », animée par
sa fille, Anne5.

Enfin – petite référence régionale -, Daniel
Guérin avait publié dans le no 55/56 (automne 1971) de la
«Revue neuchâteloise» (consacré à
«L’anarchisme dans les Montagnes») un texte
«Gare aux nouveaux Versaillais!» pour le centenaire de la
Commune de Paris. Un numéro qui fit quelque bruit dans un
canton, où les milieux intellectuels furent très
influencés (c’est un euphémisme) durant un
demi-siècle par le théoricien royaliste Charles Maurras.6
La revue peut être commandée à
«Dissidences». L’adhésion à
l’Association permet de la recevoir régulièrement.
Une occasion à ne pas manquer!

Hans Peter Renk

1    site internet: www.dissidences.net
2    référence à Marceau Pivert
(1895-1958), an­­­imateur de la « Gauche
révolutionnaire » de la SFIO (1935-1938). Biographie:
Jacques Kergoat, Marceau Pivert, « socialiste de gauche ».
Paris, Ed. de l’Atelier, 1994 (collection « La part des
hommes »)
3    résumé de L’Harmattan.
4    Daniel Guérin, La lutte de classes sous la
première République (1793-1797). Paris, Gallimard, 1946
(Nouvelle édition revue et augmentée: 1968)
5    site internet: www.danielguerin.info/tiki-index.php
6    Peu avant de quitter Neuchâtel, le
psychologue Jean Piaget dénonçait dans une lettre «
les jeunes gens niais et prétentieux qui prétendent
acclimater à l’Université de Neuchâtel les
moeurs de l’Action française ». Exercice
hélas parfaitement réussi, vu la carrière
académique de plusieurs d’entre eux