Deux référendums genevois: les raisons de la colère!

Deux référendums genevois: les raisons de la colère!

La majorité du Grand Conseil, appuyée par le Conseil
d’Etat, vient de voter une nouvelle loi sur l’assistance
publique. Nous participons actuellement au lancement d’un
référendum contre cette Loi sur l’aide sociale
individuelle (LASI), qui entérine les normes CSIAS (minimaux
fédéraux de l’aide sociale) et les baisses de
prestations qu’elles induisent, et fait aussi dépendre le
minimum vital de la signature d’un Contrat d’aide sociale
individualisé (CASI). L’entretien de base, fortement revu
à la baisse est dorénavant fixé par le Conseil
d’Etat à 960 Fr. par mois pour une personne, 1469 Fr. pour
deux, 1786 Fr. pour trois. Cela ne suffit évidemment pas pour
satisfaire les besoins vitaux. Pourtant, pour obtenir 300 Fr. de plus,
le demandeur-euse doit atteindre les objectifs fixés par le
contrat. Mais quels peuvent être ces objectifs, alors que les
possibilités de réinsertion sont rares, que l’AI
déclare une incapacité de travail ou que le chômage
atteste une inaptitude au placement? Dès lors, quelle
validité accorder à des objectifs alibis?

Le CASI institue de fait une aide sociale «au
mérite». Il fait porter aux bénéficiaires de
l’aide sociale la responsabilité de leur situation,
puisqu’il leur incombe d’accepter des mesures de
réinsertion bidons. La LASI et le CASI visent en fait uniquement
à alléger la charge publique. IIs permettent en fait de
réaliser des économies sur le dos des plus
démuni-e-s. Les demandeurs-euses ne sont, dans leur grande
majorité, ni des abuseurs, ni des fainéants, mais des
chômeurs-euses en fin de droit ou en attente de l’AI, des
jeunes sans formation, des mères célibataires ou des
travailleurs-euses sous-payés qui n’arrivent pas à
joindre les deux bouts. Aujourd’hui, plus personne n’est
à l’abri. Chaque salarié-e peut être
licencié du jour au lendemain et se retrouver plus rapidement
qu’il ne le croit à solliciter une aide sociale.

Nous nous trouvons actuellement confrontés à une nouvelle
forme d’aide sociale: il ne s’agit plus d’un levier
visant à favoriser l’insertion, mais d’une simple
«rente de survie», constamment révisée
à la baisse (normes CSIAS). D’aucuns affirment que les
prestations d’assistance n’ont pas reculé de 300 Fr.
(pour une personne seule), mais qu’elles ont augmenté de
300 Fr. (pour un bénéficiaire
«méritant»). Ce faisant, ils occultent le fait que,
jusqu’au 30 juin 2006, l’entretien de base d’une
personne seule se montait à 1238 Fr., que tout le monde
s’accordait à considérer comme le strict minimum
vital social, alors que dès le 1er juillet, il a
été porté à 960 Fr.

De plus, les usager-e-s ne sont pas obligés de conclure un CASI.
Ainsi, la boucle est bouclée! L’entretien de base,
ramené à 960 Fr., est acquis inconditionnellement, le
bénéficiaire pouvant «choisir de faire un effort ou
pas» pour voir sa prestation effectivement augmentée par
un «forfait d’intégration». De là
à conclure que l’entretien de base pourrait
représenter une «rente d’exclusion», et que
l’accompagnement n’aurait plus pour but que d’aider
à faire le deuil de toute réinsertion ou reconnaissance
par la sécurité sociale… C’est bien ce qui se
passe, au moment où l’Hospice général doit
se préparer, à son corps défendant, à
accueillir tous les exclu-e-s du chômage, de l’AI, du
SCARPA (Service cantonal d’avance et de recouvrement des pensions
alimentaires) et du RDU (revenu déterminant unifié).

En même temps que l’Etat néglige de plus en plus la
politique de réinsertion professionnelle des
chômeurs-euses, on observe aussi une tendance à les priver
de leurs droits par une politique d’accès plus restrictive
à l’indemnisation. Déclarés très
rapidement inaptes au placement, ils ne sont plus chômeurs-euses,
mais demandeurs-euses d’emplois, un statut qui devient pourtant
lui aussi de plus en plus difficile à obtenir. En effet, des
sanctions sont systématiquement administrées, qui
n’ont aucune «portée pédagogique»:
elles sont un instrument d’éviction. En effet, elles font
perdre non seulement une partie du revenu en suspendant les
indemnités mais, à partir de 31 jours de suspension,
elles privent aussi d’Emplois temporaires cantonaux (ETC), et
partant, d’un nouveau délai cadre et de prestations au
titre du Revenu cantonal minimal d’aide social (RMCAS). De la
sorte, on impose une hypocrite cure d’amaigrissement aux
statistiques du chômage.

Le Grand Conseil s’apprête aussi à voter un nouveau
Projet de loi sur les mesures cantonales, qui fait fi de la
volonté populaire, exprimée le 24 avril 2005, par
référendum, de refuser la suppression des Emplois
temporaires cantonaux (ETC). Le PL 9922 prétend diminuer le taux
de chômage à Genève par des interventions plus
précoces et ciblées auprès des
chômeurs-euses, notamment en privilégiant la formation et
la réinsertion professionnelle. Des intentions louables,
déjà annoncées par la loi en vigueur, dont on peut
seulement se demander pourquoi elles n’ont pas été
jusqu’ici suivies d’effets. Nous avons bien compris que le
Secrétariat fédéral à
l’économie (SECO) ne voulait plus de la
particularité genevoise qui permet de bénéficier
d’un emploi temporaire cantonal ouvrant le droit à
deuxième délai cadre d’indemnisation. Mais
là encore, nous ne comprenons pas ce qui empêcherait de
faire cohabiter un premier système mettant l’accent sur la
réinsertion professionnelle, qui accompagnerait activement les
chômeurs-euses en prônant la création
d’emploi, et un second permettant à celles et ceux qui ne
trouvent pas d’emploi de bénéficier d’un
filet de sécurité.

Le chômage est un exercice périlleux, pourquoi imposer sa
pratique sans filet. En supprimant les emplois temporaires, on
accrédite la thèse de la responsabilité des
chômeurs-euses dans le triste record de Genève. Cela
revient à nier la crise particulière de l’emploi
dans le canton. Plus encore, en prétendant optimiser le
reclassement par une évaluation précoce, les tenants du
projet de loi instaurent un système de sélection des bons
et mauvais chômeurs-euses. Ils mettent en place les moyens de
trier ceux que l’on pourrait rapidement replacer sur le
marché primaire de l’emploi et les autres, pour qui il ne
resterait soi-disant que des emplois solidaires sous-payés
(à hauteur de l’aide sociale, améliorée par
quelque forfait d’intégration) ou l’aide sociale
comme fin de parcours. Il faudra donc lancer aussi un
référendum contre cette nouvelle loi
anti-chômeurs-euses!

Jocelyne Haller