Des lois qui discriminent discrètement les femmes

Des lois qui discriminent discrètement les femmes

Les 15-16 septembre derniers,
l’Université de Zurich recevait le Congrès
International «Droit et études genre» autour de la
question suivante: «La loi est-elle une force motrice ou un
obstacle pour la tranformation des relations de genre?». Les
résumés des différentes interventions sont
disponibles sur le net à l’adresse: http://genderlaw.ch/kongress. Nous reproduisons ici l’essentiel de la présentation de deux contributions relatives à la Suisse.

La critique féministe du droit s’est principalement
consacrée aux domaines juridiques régissant directement
les rapports entre les sexes: violences, famille et divorce,
égalité salariale, etc. Un champ de recherches qui
mériterait d’être développé est celui
de la critique des discriminations indirectes (ou cachées)
à l’égard des femmes dans des domaines du droit ne
régissant pas spécifiquement les rapports de genre.

A titre d’exemple, la législation suisse sur les
étrangers est formulée en termes «neutres»
quant au sexe, et ne contient aucune disposition spécifique sur
les femmes migrantes. On peut toutefois démontrer que cette
législation cache néanmoins des discriminations
indirectes à l’égard des femmes. Ainsi, selon les
dispositions légales en vigueur (art. 8 OLE), l’octroi
d’une autorisation de séjour pour exercer une
activité lucrative est en principe réservée aux
ressortissant-e-s de l’Union européenne, sauf en ce qui
concerne les «personnes hautement qualifiées». Si ce
critère est formellement neutre quant au sexe, il
désavantage de facto les femmes. (…)

Parallèlement, on constate le silence total de la
législation au sujet de la situation des femmes migrantes
employées dans l’économie domestique, alors
qu’elles représentent la majorité des immigrant-e-s
en provenance de pays non européens, et qu’elles sont
ainsi reléguées dans une zone de non-droit
(clandestinité).

De même, les dispositions qui régissent les conditions du
regroupement familial sont formulées de manière neutre
quant au sexe. Toutefois, elles concernent en réalité
principalement les femmes, puisque selon les statistiques le nombre
annuel de mariages entre Suisses et étrangères est deux
fois supérieur à celui des mariages entre
étrangers et Suissesses. Ces dispositions, qui subordonnent le
renouvellement du permis de séjour à la poursuite du
mariage, renforcent la dépendance des épouses
étrangères vis-à-vis de leur conjoint, et leur
vulnérabilité face aux pressions voire aux violences.

On notera que la Loi fédérale sur les étrangers
(LEtr) aggrave encore la situation des épouses
étrangères en subordonnant la poursuite du droit au
séjour à l’exigence de la vie commune. Cela a
également pour conséquence d’introduire une
différence de traitement (discriminatoire) entre les
épouses étrangères soumises à la LEtr
(c’est-à-dire provenant de pays hors Union
européenne), et les épouses étrangères
soumises aux accords sur la libre circulation, qui sont libres
d’organiser leur vie matrimoniale (domicile unique ou domiciles
séparés) sans que cela entraîne de
conséquences quant à leur droit au séjour.

Anne-Marie Barone