Philippines: Nestlé en première ligne de la répression anti-syndicale

Philippines: Nestlé en première ligne de la répression anti-syndicale

En septembre 2005, Diosdado Fortuna, 50 ans, fut assassiné de
deux balle dans le dos tirées par deux motards à Barango
Paciano Rizal aux Philippines. Cet événement aurait pu
être classé comme fait divers, si Fortuna
n’était le leader de l’Union des employé-e-s
philippin-e-s du secteur alimentaire et pharmaceutique, à la
base d’une grève des employé-e-s de Nestlé
Philippines pour de meilleures conditions de travail et salaires. La
grève des employé-e-s de Nestlé Philippines dure
maintenant depuis 5 ans. Elle est due au refus de la direction
d’inclure les cotisations retraite dans la convention collective.
Nestlé à remplacé les grévistes par des
intérimaires malgré le fait que la cour constitutionnelle
leur ait donné raison.

Assassinats extrajudiciaires

Syndicats, organisations des droits humains et partis progressistes
dénoncent ce crime politique, perpétré par le
gouvernement philippin et la direction de Nestlé Philippines.
Leurs soupçons reposent notamment sur une recrudescence
d’assassinats extrajudiciaires de militant-e-s de mouvements
progressistes aux Philippines et sur le fait que le
précédent président du syndicat ait aussi
été assassiné en 1988 sans que l’affaire
n’ait été élucidée.

Cet événement peu médiatisé rappelle avec
quelle violence des multinationales suisses répriment les
revendications de leurs employé-e-s de pays du Sud.
Nestlé, en particulier, a des pratiques ultra-dures que ce soit
en Colombie ou aux Philippines.

Revenons sur le cas des Philippines, dont une part des
ressortissant-e-s représente une des plus grandes
communautés de «sans-papiers» à
Genève. Le pays a subi trois longues occupations. La
première fut espagnole de la première moitié du
16e siècle jusqu’en 1898. Les troupes espagnoles furent
remplacées par l’occupant étatsunien de 1898
à 1942, qui y mena une politique ultra-répressive contre
les mouvements anticoloniaux. Notons que les Philippines furent
l’unique colonie officielle des USA. Le pays subit ensuite
l’occupation japonaise (1942-45). Plusieurs présidences se
suivent jusqu’en 1962 où Marcos, sinistrement connu mais
apprécié des banques suisses, prit le pouvoir avec
l’appui des USA. Il resta président jusqu’à
sa destitution en 1986. Les gouvernements suivants, Aquino, Ramos
Estrada et aujourd’hui Arroyo ont tous eu d’étroites
relations avec l’ancienne puissance coloniale. Cela s’est
traduit par le maintien et le développement de bases US et
d’accords militaires. Le dernier autorise notamment les troupes
américaines à intervenir sur le territoire philippin
contre le «terrorisme».

Arrestations arbitraires

Quelques chiffres enfin, les revenus de l’agriculture
représentent 75% de l’économie des Philippines et
70% des 31,3 millions de Philippins (chiffre 2000) travaillent dans ce
secteur. 24% de la population subit la malnutrition (FAO, 2001). Les
gouvernements post-Marcos se sont empressés de suivre les ordres
de la Banque Mondiale et du FMI. Les taxes d’importation ont
baissé depuis 1991 de 28% à 7%, d’où un
envahissement massif de produits étrangers. Les importations de
riz ont ainsi crû de 514% depuis 1991. Les paysan-ne-s, trop
pauvres pour produire eux-elles-mêmes leur nourriture, se voient
obligés d’acheter du riz moins cher que le leur car
subventionné par les gouvernements de provenance.
Aujourd’hui, le pays est à la 6ème place des plus
gros importateurs de riz.

Les Philippines ont d’importantes ressources minières et
du pétrole, aujourd’hui exploités par des
multinationales US et occidentales. Leur maintien et leur
développement est une raison première de la
présence militaire des USA sur sol philippin. Face à cet
acharnement impérialiste et néocolonialiste, la
résistance s’organise. Elle est sévèrement
réprimée par l’armée philippine sous couvert
de lutte anti-terroriste.

De nombreux mouvements: groupes féministes, tenants de la
théologie de la libération ainsi que des syndicats de
base, se sont regroupés dans une large coalition
représentée au parlement par le Bayan Muna. Un des
derniers exemples de répression est l’arrestation de
Krispin Beltran. Ce sénateur philippin, l’un des plus
critiques envers le gouvernement, a été
arrêté fin 2006 pour «sédition». Il est
toujours détenu sans jugement et ce malgré les
protestations internationales, dont celle de l’Union
interparlementaire. Il a dernièrement été
transféré dans une unité médicale pour
graves problèmes de santé. A noter qu’il est
soigné à ses propres frais…

Martin Boekhoudt