Equateur Victoire populaire contre le diktat des Etats-Unis et du FMI


Equateur : victoire populaire contre le diktat des Etats-Unis et du FMI

Le 2 février, l’état d’urgence était proclamé en Equateur. Le 5, quatre manifestants au moins étaient abattus par les forces de répression. Pourtant, deux jours plus tard, devant la menace d’une grève générale, le Président Gustavo Noboa Bejarano reculait in extremis.
L’état d’urgence était levé et tous les manifestants remis en liberté. Le gouvernement s’engageait à geler le prix de l’essence pour un an, à réduire de 20% celui du combustible de cuisine, de même que le coût des transports publics pour les enfants, les étudiants et les personnes âgées.
La mobilisation populaire, indigène, syndicale et étudiante a ainsi réussi à entraver la mise en application des recettes du FMI. A Genève, la CADTM, l’APCM et le CSAB ont appelé à manifester leur solidarité en occupant la mission de l’Equateur.

(jb)


Un plan d’austérité stoppé par la rue


Cela fait un an que le dollar américain a remplacé le sucre comme monnaie nationale. Le gouvernement prétendait ainsi juguler l’inflation et réduire les taux d’intérêt. En même temps, la base de Manta était mise à disposition des Etats-Unis, soi-disant pour la lutte anti-drogue. Pendant cette année, l’économie nationale a bénéficié de la hausse des prix du pétrole et de l’augmentation des transferts de revenus envoyés au pays par plus d’un million d’expatrié-e-s. Pourtant sur 12 millions d’ha-bitants, l’Equateur compte 8 millions de pauvres et 4 millions de très pauvres. En décembre 2000, l’inflation s’élevait à 91% et les taux d’intérêt en dollars dépassaient 20%, forçant les salaires réels à la baisse. La misère atteignait aussi des niveaux sans précédent parmi les 15% de chômeurs/euses et les 60% de sous-employé-e-s.


C’est dans ces circonstances, que le gouvernement de Gustavo Noboa Bejarano a annoncé un plan d’austérité brutal, destiné à éponger le déficit budgétaire et à assurer le service de la dette, tout en portant à bout de bras un secteur financier profondément corrompu. A partir du 21 janvier, date anniversaire de la victoire éphémère du mouvement indigène et des militaires progressistes contre le président Mahuad, la résistance populaire contre ce plan n’a cessé de croître, menaçant la survie même du gouvernement.


Le soulèvement indigène


Durant la dernière semaine de janvier 2000, trois gouvernements se sont succédés en Equateur. D’abord, celui du démocrate-chrétien Jamil Mahuad, renversé par un soulèvement populaire. Puis, pour deux heures, celui d’une junte indigène-militaire. Enfin, celui de Gustavo Noboa Bajarano, vice-président de Mahuad, imposé par l’armée et les classes dirigeantes.
Interrogé alors par le journal argentin Pagina 12, Antonio Vargas, responsable de la Confédération des Nationalités Indigènes d’Equateur (CONAIE) exprimait sa méfiance envers les gesticulations d’un pouvoir civil et militaire corrompu et fondait ses espoirs dans la poursuite d’une action populaire de longue haleine. L’histoire n’a pas tardé à lui donner raison.


Ne craignez-vous pas que certains secteurs indigènes prennent les armes?


La CONAIE, qui a analysé les expériences colombienne et centraméricaines, a fait le choix d’une lutte pacifique, humaine et spirituelle. Elle veut un changement total. Ce sont les masses qui ont voulu paralyser notre pays. Cela pèse plus que la lutte armée; des secteurs sociaux de plus en plus importants prennent conscience que l’union fait la force (…)


Pourquoi le triumvirat au pouvoir est-il tombé?


[Vargas revient sur l’échec du soulèvement indigène-militaire progressiste] Le peuple faisait pression pour prendre la présidence. (…) Les colonels ont fait confiance aux généraux, car, dans le cas contraire, il y aurait eu des massacres entre militaires. (…) Ces retournements de veste semblent être le fruit des pressions de la droite et des Etats-Unis. Nous sommes une colonie des Etats-Unis, nos gouvernants sont à genoux devant les Etats-Unis. (…)


Vous avez abandonné le Congrès pacifiquement. N’aviez-vous pas les moyens de résister?


Nous n’étions pas armés pour nous battre. Nous menons une lutte de longue haleine. Les Indiens ne sont d’ailleurs pas retournés dans leurs communautés déçus, au contraire. Mais après cette expérience, nous ne ferons plus confiance à personne (…)


Occupation à Genève de la mission de l’Equateur


Le vendredi 9 février, à l’initiative du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde (CADTM), de l’Action Populaire contre la Mondialisation (APCM) et du Comité Suisse de l’Appel de Bangkok (CSAB), une cinquantaine de manifestant-e-s dénonçaient la politique du gouvernement équatorien, de Washington et du FMI, devant la mission de l’Equateur auprès de l’OMC. Pendant une heure, la mission a été symboliquement occupée, avant que la police n’embarque 26 manifestant-e-s, pour les relâcher deux heures plus tard.